En affirmant le 7 février 1934 que « le coup d'Etat fasciste a échoué », Le Populaire illustre la vision qu'a la gauche des évènements de la veille. Pour autant, le 6 février 1934 se résume-t-il à une tentative de prise de pouvoir par des mouvements se revendiquant d'un fascisme à la française ?
Cette journée s'inscrit dans un contexte particulier fait de tensions économiques, politiques et morales. La crise de 1929 fait ressentir ses premiers effets en France dès 1931, touchant durement les classes moyennes, principal soutien de la IIIe République. L'incapacité des gouvernements successifs à faire face à une crise dont ils ne comprennent pas les causes, voire qu'ils aggravent par leur politique de déflation, accentue les mouvements de contestation du régime : c'est l'ensemble des promesses sociales dont était porteuse la République qui est remis en cause. A ce discrédit des gouvernements s'ajoute une perte de confiance dans les partis traditionnels : la droite, avec l'échec du Bloc National, et la gauche, avec le Cartel des gauches, déçoivent tour à tour. Face à ce marasme, un fort courant antiparlementaire se développe, alimenté par les nombreux scandales politico-financiers qui ébranlent les gouvernements, en particulier l'Affaire Stavisky qui porte un dur coup au régime. Le 8 janvier 1934, cet escroc, condamné plusieurs fois et compromis dans l'affaire des biens municipaux de Bayonne, est retrouvé mort. On découvre qu'il avait de nombreux liens avec certaines personnalités politiques, dont plusieurs issues du parti radical, et que ses contacts ont permis de repousser son procès à maintes reprises. L'affaire Stavisky est rapidement montée en épingle par la presse de droite qui en fait le symbole de la corruption du gouvernement et du parlementarisme dans son ensemble. Le mois de janvier est jalonné de manifestations, parfois violentes, menées essentiellement par l'Action française tandis que le Président du Conseil, Camille Chautemps, est poussé à la démission. C'est le cinquième gouvernement qui tombe depuis décembre 1932 ce qui conforte le sentiment que le régime est à bout de souffle. Alors que G.Doumergue, puis J. Jeanneney et F. Bouisson se dérobent, c'est finalement Edouard Daladier qui est choisi pour succéder à Camille Chautemps (...)
[...] Cette journée tend aussi à souligner le rôle majeur des Anciens Combattants dans la vie politique française. Surtout, elle représente une grande défaite du parlementarisme : pour la première fois, l'action de rue permet d'annuler le résultat des urnes. [...]
[...] Le recours à la violence, la volonté de faire pression sur les parlementaires, la réclamation par les ligues d'un pouvoir fort face à l'incompétence du parlementarisme a ainsi alimenté la thèse d'un complot fasciste. Mais l'absence d'une stratégie de prise des lieux clefs de la ville lors de l'émeute met à mal cette thèse. Surtout, on peut se demander s'il existe réellement un fascisme français. Ici, nous rejoindrons la thèse de René Rémond qui affirme qu'il n'existe en France que quelques groupuscules fascisant, d'audience limitée, et qui ne permettent donc pas de parler d'un fascisme français. [...]
[...] Les évènements du 6 févriers sont donc cantonnés géographiquement à la ville de Paris. La province aussi est appelée à manifester mais il semblerait qu'un retard dans le courrier ait empêché la réalisation de cet objectif à temps. Cela n'empêchera pas plusieurs villes de manifester dans les jours suivants. L'extrême-diversité des lieux de rendez-vous et des circuits empruntés permet de souligner l'absence de coordination entre ces différents mouvements et donc d'affirmer que ces manifestations ne correspondent pas à un complot de l'extrême-droite contre l'Etat. [...]
[...] L'UNC se dirige alors vers l'Elysée et se heurte à un barrage policier qu'elle tente de franchir sans succès. Elle revient ensuite vers la place de la Concorde où son cortège se disloque. Elle ne participe donc pas en tant que telle à l'émeute mais plusieurs de ses membres se sont ensuite joints aux émeutiers. Par le choix du parcours, forcément gardé, G.Lebecq accepté le risque d'affrontements avec la police pour insister sur la thèse d'un gouvernement massacrant des Anciens Combattants désarmés. [...]
[...] La fermeté de Daladier Dans la nuit du 6 au 7 février, alors que l'émeute bat son plein, Daladier et ses ministres essayent de prendre des mesures pour rétablir l'ordre au plus vite. Dès 23h15, un appel est lancé à la population pour tenter de la rassurer. La possibilité de déclarer l'état de siège et celle d'ouvrir une information pour complot contre la sécurité de l'Etat sont étudiées tandis que le ministre de l'Intérieur, Eugène Frot, décide le matin du 7 février de procéder à des arrestations préventives. [...]
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