Aujourd'hui, la France représente l'une des plus grosses productions au monde (la 5ème) en terme de blé ; une importance qui, si elle joue un rôle majeur en termes économiques, ne tient, sur le plan social et « culturel », qu'une place très limitée à l'échelle du pays. La France rurale actuelle en effet (c'est-à-dire les terroirs et individus situés hors du milieu urbain) offre une grande diversité de ses terroirs et activités agricoles, et les représentations « culturelles » de ces activités n'associent pas nécessairement la culture frumentaire à la production agricole française.
Pourtant, l'étude du 19ème siècle nous suggère qu'il n'en fut pas toujours ainsi. Au début de cette période en effet, que l'on peut dater de 1815 (chute de l'Empire de Napoléon), il semble que la France rurale tourne, vive absolument autour de la production de blé : aliment de base, production agricole majoritaire, première denrée économique du pays, le blé paraît tenir un rôle central.
Faut-il pour autant parler d'une France rurale du blé pour l'ensemble de ce siècle ? La France rurale n'a-t-elle pas connu, à la faveur de diverses évolutions intervenues tout au long de cette période (qui se termine en 1914 avec la brutale entrée dans le 20ème siècle, fruit de la guerre s'amorçant) autour du blé, des transformations ?
Afin de répondre à ces interrogations, il conviendra, dans une première partie, de voir dans quelles mesures la France rurale du « premier 19ème siècle » s'impose comme une France d'Ancien Régime centrée, à divers niveaux, sur la production de blé.
Puis, dans une deuxième partie, nous verrons les mutations et origines des mutations intervenant sur ce modèle au milieu du siècle.
Enfin, dans une dernière partie, nous verrons quelles conséquences ces mutations eurent sur la France rurale, et dans quelle mesure cette dernière s'éloigna du modèle de « France du blé ».
[...] Faut-il pour autant parler d'une France rurale du blé pour l'ensemble de ce siècle ? La France rurale n'a-t-elle pas connu, à la faveur de diverses évolutions intervenues tout au long de cette période (qui se termine en 1914 avec la brutale entrée dans le XX siècle, fruit de la guerre s'amorçant) autour du blé, des transformations ? Afin de répondre à ces interrogations, il conviendra, dans une première partie, de voir dans quelles mesures la France rurale du premier XIX siècle s'impose comme une France d'Ancien Régime centrée, à divers niveaux, sur la production de blé. [...]
[...] Ce qui explique que la polyculture autre que céréalière demeure embryonnaire, mis à part certains exemples ponctuels tels que la sériciculture dans les Cévennes. La pluriactivité même semble concernée par ce phénomène : bien sûr les métiers parallèles (maçon dans la Creuse, mineur dans le sud, cloutier dans le Centre ) existent et même se développent du fait de la nécessité croissante de trouver un complément de revenus (nombreux sont ceux qui se partagent entre activité agricole et artisanales / industrielles) ; mais avant tout, on demeure paysan, ce qui, à cette époque, signifie surtout producteur de blé. [...]
[...] Comment pourrait-il en être autrement ? Il n'y a guère que le blé qui, à cette époque, nourrisse les ruraux. Un hiver trop froid (comme celui de 1788 qui, empêchant le blé de germer, poussa le peuple des campagnes sur les routes, hâta par ailleurs l'effondrement de la monarchie, terrifiée par ces vagabonds, ces crève-la-faim toujours plus nombreux et inquiétants), une trop grande sécheresse, et les prix du blé flambent : soit on ne peut en acheter, soit on ne peut profiter de sa trop maigre récolte Une peur d'autant accrue non seulement par le manque d'élasticité de la demande de blé (un minimum est nécessaire), mais également par la médiocrité des rendements de cette époque : des outils hérités du fond des âges et non performants (l'araire, le binot sans coutres ni versoirs qui ne retourne la terre que sur une quinzaine de centimètres), des techniques inefficaces (absence presque totale d'engrais autres que la fumure, laquelle d'ailleurs est rare du fait du maigre pourcentage d'activités liées à l'élevage) et handicapantes (la jachère, qui est à l'agriculture ce que le tyran est à la liberté selon un représentant d'Eure-et-Loir ) sont à l'origine de rendements frumentaires très faibles. [...]
[...] En effet, à deux échelles des changements majeurs se produisirent. En premier lieu, c'est à cette époque que les individus prirent conscience de ce que l'économiste David Ricardo nomme la loi des avantages comparatifs Autrement dit, l'intérêt de la spécialisation devint de plus en plus évident : en effet, pourquoi s'acharner à produire une denrée alors qu'au final, il est moins cher et moins fatigant d'importer cette denrée, et donc plus intéressant de produire et vendre autre chose ? Dans le cas des paysans du sud de la France, ce raisonnement se traduisit par un abandon très rapide de la production de blé (production inadaptée aux sols de la région), et par un recentrement sur une activité plus facile, moins coûteuse et plus lucrative : la viticulture. [...]
[...] Cette ouverture de la France rurale va entraîner des effets en apparence contradictoires au niveau de son statut de France du blé En premier lieu, dans la mesure où la productivité de la culture frumentaire augmente et où l'offre et la demande de grain sont mieux réparties, on assiste à une diminution de la valeur économique du blé : les prix baissent, puis se stabilisent. Pour autant, la crainte d'en manquer subsiste : le spectre de la crise frumentaire, ancré dans les mentalités rurales depuis des siècles, ne disparaît pas. [...]
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