La polémique actuelle à propos de la loi imposant la valorisation du «rôle positif de la présence française outremer» suscite un vaste débat sur le rapport entretenu entre la France et ses colonies entre 1914 et 1962 et notamment sur sa politique dite d'assimilation.
Nous pouvons effectivement nous interroger sur les enjeux qui régissent les relations complexes de la France à son empire colonial, ce qui nous permettra de mieux mesurer l'impact des crises successives qu'elle traverse pendant la première moitié du XXème sur ces relations afin de mieux comprendre: quelle politique la France mène-t-elle outre-mer et comment gère-t-elle la remise en cause progressive de sa domination coloniale?
Pour répondre à cette problématique, nous nous intéresserons d'abord au rôle des colonies dans la première guerre mondiale et à ses conséquences, ainsi qu'à celles de la crise des années 30: ces événements amorcent-ils déjà le processus de décolonisation? Ensuite nous verrons à quel point la seconde guerre mondiale constitue un virage décisif dans la fissuration de l'empire: pourquoi et comment 1945 marque-t-elle la fin du consensus colonial? Enfin, nous étudierons les différentes stratégies adoptées par la métropole face à la nécessité criante de libérer les peuples sous sa domination: après ce demi-siècle, quel bilan dresser de la colonisation française?
Dans cette première partie, il s'agit de rendre compte du rapport entre la France et ses colonies pendant la « grande guerre », après elle et durant les années de la crise qui menèrent à la seconde guerre mondiale.
Les colonies se sont épuisées pour la victoire française.
En 1914, au moment où le partage du monde entre grandes puissances s'achève, l'empire français s'étend sur 10 millions de km carrés et réunit 48 millions d'habitants. La question qui se pose alors est celle de leur administration: association (on respecte la culture indigène et on accorde une place relative aux anciens pouvoirs locaux) ou intégration (on cherche à rapprocher les territoires colonisés de l'administration métropolitaine par l'éducation des peuples et la promesse de gages de participation politique et économique) ? Officiellement, la France choisit la doctrine de l'intégration, dite de l'assimilation, mais, dans la réalité, les différents territoires ont des statuts divers et sont administrés par des ministères différents: l'intérieur pour l‘Algérie, les colonies pour l' Afrique occidentale et équatoriale, Madagascar et l‘Indochine et enfin les affaires étrangères pour les protectorats comme la Tunisie et le Maroc ainsi que pour les territoires confiés à la France mais sous mandat de la SDN: la Syrie et le Liban. La politique coloniale semble en effet hésiter entre solidarité (illustré par la santé et l'éducation) et refus de sacrifier ses intérêts économiques, tout en gardant à l'esprit les besoins de la population des migrants français dans les colonies, du fait de leur proportion notable, non seulement en Algérie mais aussi dans tout le Maghreb, un peu moins dans le reste de l'Afrique et en Asie.
L'effort de guerre des colonies est considérable, entre la mobilisation notable des indigènes, celle de tous les cadres administratifs, des grands commerçants, des propriétaires terrien, des médecins… (européens), la perturbation des échanges maritimes, la réquisition des produits nécessaires à la guerre, l'effort économique, pénible et long (souscriptions au titre des emprunts, dons, inflation…). Et c'est justement parce que la guerre a démontré l'utilité d‘un empire désormais élargi (hommes pour l'armée, argent pour alléger ses charges budgétaires, matières premières pour l'industrie et le commerce) que Sarraut, ancien gouverneur de l'Indochine devenu ministre des colonies, présente en 1921 un vaste projet de «mise en valeur d'ensemble dans laquelle les améliorations d'ordre moral, intellectuel, politique et social sont étroitement liées aux réalisations d'ordre matérielles » avec entre autres le développement des moyens de communications, surtout entre les lieux de production et les ports par exemple. L'idée de l'époque, c'est que même si l'exploitation du territoire bénéficie d'abord pour la France, elle est également profitable pour les habitants. Bien que ce projet ne soit pas immédiatement appliqué dans son ensemble, faute de financements en cette période de reconstruction, les améliorations seront progressives et en 29, les gouverneurs généraux sont autorisés contracter de gros emprunts qui permettent une bien meilleure maîtrise du territoire et en particulier de la gestion de l'eau, essentielle aussi bien en Afrique qu'en Asie.
Mais si pour les Français, la guerre a montré la valeur et la nécessité de l'Empire colonial, elle a aussi pour de nombreux colonisés remis en question la supériorité morale d'une puissance occidentale qui tout en prétendant incarner les valeurs du progrès et les droits de l'homme, s'est livrée à la plus meurtrière des boucheries qui n'ait jamais existé.
Les colonies ont également souffert de soutenir l'économie française pendant la crise.
Avant l'éclatement de la crise, l'économie des colonies résiste tant bien que mal en dépit de la surexploitation par la métropole: le marché colonial est essentiel pour l'économie française, notamment dans certaines branches comme l'industrie cotonnière, automobile ou huilière. Les produits métropolitains sont admis sans droits de douane dans les colonies qui doivent en revanche imposer des tarifs protecteurs aux marchandises étrangères. Les colonies constituent en outre un gigantesque réservoir de matières premières: caoutchouc, café, banane, cacao, arachide en Afrique noire. En Asie, on exploite surtout l'hévéa et le riz puis les mines et un embryon d'industrie à partir de 28. L' échange commercial avec le Maghreb est particulièrement important du fait d'une valorisation réelle des terres agricoles, un début d'exploitation minière et industrielle, même si partout les paysans utilise toujours des instruments et des techniques traditionnels et les artisans locaux, peu protégés, ont du mal à supporter la forte concurrence des produits importés d'Europe, avant même que la tourmente de la crise ne les frappe durement.
La crise de 29 se répand surtout à partir de 32 mais dure jusqu'en 36, elle affecte tous les secteurs de l'économie et concerne toutes les populations, indigènes et européennes, citadines et rurales. La baisse des prix agricols et de matières premières est d'autant plus grave que le franc est dévalué au 4/5 de sa valeur en 28. En fait, tous les produits alimentaires subissent un effondrement des prix soit parce que les usines de la métropole n'achètent plus, soit parce que les consommateurs dépensent le strict minimum. Les grandes entreprises minières imposent un chômage partiel ou ferment. Les faillites touchent petits et grands commerces, surtout après la politique de déflation. En bref, la crise ébranle les bases de la colonisation européenne: agriculture, industrie, mines, commerce. La crise ouvre ainsi en métropole le débat sur la politique coloniale française, du moins sur le plan économique.
[...] ) et répression ne fait qu'encourager le terrorisme. En effet, les modérés, choqués par la violence de la répression et l'envoi de renforts militaires français, basculent rapidement du côté du Front pour la Libération Nationale. Plusieurs tentatives de négociations avortent et à partir de 55/56, les opérations dites de maintien de l'ordre prennent la tournure d'une guerre civile lorsque la chambre des députés vote «les pouvoirs spéciaux» et décident de prendre toutes les mesures nécessaires Les forces du FLN, soutenues par l'ensemble du monde arabe, s'affermissent. [...]
[...] A ce moment-là, le nationalisme commence à prendre une certaine ampleur et se divise en deux tendances: une tendance modérée, avec l'Union Démocratique du Manifeste Algérien de F. Abbas (cet homme constitue le parfait exemple du mélange entre l'influence française des droits de l'homme par l'enseignement et l'attachement à son pays qui en fait un porte-parole des revendications en faveur de l'égalité et des libertés politiques) d'un côté et une tendance radicale de l'autre, incarnée par le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, de Messali Hadj, rebaptisé le parti de l'étoile nord-africaine en 26. [...]
[...] Ici encore, c'est le raidissement français qui est à l'origine de l'augmentation du nombre des partisans de la violence, proche de la majorité à partir de 38. En somme, les premières revendications sont très modérées (on veut juste réformer le cadre ancien) mais la France ne veut rien céder de sa souveraineté et ce pour plusieurs raisons Premièrement, l'opinion publique est sensible à la propagande impérialiste et se complait dans l'idée d'une France immense et forte de 100 millions d'hommes elle ne souhaite pas voir modifiée son administration coloniale. [...]
[...] En fait, tous les produits alimentaires subissent un effondrement des prix soit parce que les usines de la métropole n'achètent plus, soit parce que les consommateurs dépensent le strict minimum. Les grandes entreprises minières imposent un chômage partiel ou ferment. Les faillites touchent petits et grands commerces, surtout après la politique de déflation. En bref, la crise ébranle les bases de la colonisation européenne: agriculture, industrie, mines, commerce. La crise ouvre ainsi en métropole le débat sur la politique coloniale française, du moins sur le plan économique. [...]
[...] D'autre part, les différents territoires sont traités très différemment selon leur statut administratif et les intérêts stratégiques qu'ils représentent. Ainsi, en Algérie, la citoyenneté est accordée aux musulmans mais avec près de 1,5 million d'électeurs, ils disposent d'autant de représentants que les colons et la politique de réformes économiques et sociales n'est pas appliquée en raison du manque de moyens de la France qui finance la reconstruction. Avec l'échec de ces deux projets, on assiste à une véritable radicalisation, qui s'associe alors souvent à la volonté de défendre les valeurs de l‘Islam contre l‘emprise de l‘Occident. [...]
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