Pourquoi ce tableau ? Parce que c'est le début de notre cours. Parce que la tradition distingue bien la période 1789-1814 (ou 1815), la Révolution et l'Empire, de la suite. Au point que 1815 sépare l'histoire dite "moderne" de l'histoire dite "contemporaine". Quels que soient les problèmes qu'elle pose, cette séparation n'est pas absurde : d'un côté la Révolution, et l'Empire, qui la continue, qu'on le veuille ou non ; de l'autre, la "restauration" de la monarchie, le retour à la tête du pays de la famille de Bourbon, avec Louis XVIII, petit frère de Louis XVI, lequel Louis XVI a eu des problèmes dans un épisode précédent. Mais aussi, d'un côté, le régime autoritaire, antilibéral, de Napoléon Ier, de l'autre, un régime libéral (mais non démocratique) avec une représentation élue, un parlement qui "consent l'impôt" (le budget de 1814 est le premier en France voté par une assemblée ; en 1791 le principe a été posé, mais pas appliqué) même s'il ne peut pas renverser le gouvernement (ce n'est donc pas un régime parlementaire), enfin, d'un côté, une longue série de guerre opposant la France a à peu près toute l'Europe, et de l'autre, une longue période de paix, puisqu'en cent ans, seuls 1870 et 1871 voient la guerre sur le territoire national.
Reste que malgré cette coupure, il y a de fortes continuités. C'est pourquoi je voudrais indiquer ici quelques idées sur le long terme, puis les conséquences de la Révolution et de l'Empire, et, enfin, ce qui s'est passé en 1814-1815.
[...] Le poids de la France en Europe est d'abord démographique : à peu près 30 millions d'habitants. A la veille de 1789, c'était à peu près pareil (28 millions ?), seuls s'en approchaient les empires austro-hongrois et russe, avec plus de 26 et de 20 millions d'habitants, mais ils ont le handicap l'un de l'hétérogénéité, l'autre de l'immensité territoriale. L'Angleterre, au même moment, compte près de 14 millions d'habitants avec les Ecossais et les Irlandais. L'Allemagne, plus de 22 millions, et l'Italie plus de 17, mais ce sont des nébuleuses de petits états juxtaposés.
C'est cette suprématie numérique qui a permis à la France d'affronter l'Europe dans les guerres de la Révolution et de l'Empire, avant d'être battue, en 1814 puis en 1815.
Mais cette suprématie est menacée. La natalité fléchit dès avant 1789. Les Français pratiquent très tôt un contrôle des naissances, même si ce n'est pas systématique et si les moyens sont aléatoires. Une tradition fait remonter cela à la Révolution, mais Madame de Sévigné, au XVIIème siècle, parlait déjà de "funestes secrets qui dépeuplent nos campagnes" (...)
[...] La rue, c'est, en gros, l'émeute, la révolution, à Paris. C'est ce qui s'est passé pendant la Révolution, à partir de 1789, qui réussit en 1830 et en février 1848. Le problème est que Paris n'est la France ni sociologiquement, ni culturellement, ni idéologiquement, d'où des distorsions, des affrontements, dramatiques dès qu'au cours du XIXème siècle le reste de la France s'exprime de façon massive et légitime, avec suffrage universel. D'où les "journées de juin 1848, et l'écrasement de la Commune de Paris en 1871. [...]
[...] Je serais porté à conclure que le discours catastrophiste est plus idéologique que fondé sur des faits. On peut ajouter que la Révolution interdit les corporations par la loi Le Chapelier, du 14 juin 1791, qui prohibe toute association entre membres d'une même profession. C'est faire sauter le verrou des normes strictes de production et de qualité imposées par les corporations, donc, dans une perspective libérale, favoriser l'expansion par la possibilité d'innovation. Mais du point de vue social, c'est interdire les syndicats, interdiction qui dure jusqu'au milieu du XIXème siècle. [...]
[...] Tous les Français sont concernés. Le droit de vote est soumis à cinq conditions: être citoyen de plus de 21 ans (18 ans, c'est depuis 1974), homme (le vote des femmes, c'est 1945), avoir un domicile fixe depuis un an, ne pas être domestique. Le domicile, c'est pour s'assurer de l'identité de l'électeur : la carte d'identité n'existe pas, la photographie d'identité moins encore ; ne pas être domestique, plus surprenant pour nous, c'est lié à l'idée que la dépendance d'un maître interdit la liberté d'opinion, d'autant qu'on n'a pas inventé l'isoloir. [...]
[...] C'est d'abord la déclaration de Saint-Ouen, faite par le roi à la veille de rentrer dans Paris, en mai 1814. Il promet de garantir les libertés politiques, l'égalité devant la loi (fin, donc, des privilèges), la liberté des cultes (même si le catholicisme est "la religion de l'Etat"), les situations acquises, la possession des biens nationaux (c'est capital pour tous ceux, assez nombreux, qui en ont acheté et les ont payés : il ne faudrait pas que leurs précédents propriétaires, Eglise ou émigrés, en exigent la restitution . [...]
[...] L'argent, ce n'est pas seulement la puissance matérielle, c'est aussi, un fondement de la légitimité. Le principal reproche fait à la monarchie en 1789 c'était de lever des impôts non approuvés par ceux qui paient. Et la première fonction des représentations nationales, type parlement anglais, c'est de "consentir l'impôt". Il n'est donc pas absurde, lorsque les fonctions de la représentation nationale sont limitées à cela, que ce soient ceux qui paient l'impôt qui votent (on oublie au passage les impôts indirects, que tout le monde paie). [...]
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