Le public du théâtre est toujours mixte socialement au début du 19e siècle. Le rapport collectif à la représentation théâtrale, auparavant permis par le parterre, n'est pas balayé par la disparition de ce dernier et par le public désormais majoritairement assis : celui-ci continue à ovationner ou huer les acteurs tout au long de la pièce. Cette dimension collective prend aussi un nouveau tour : le public se politise sous la Restauration, critiquant monarchie et clergé. Ce mouvement part notamment de Rouen, où fut réclamée en 1825, année du sacre de Charles X, une représentation de Tartuffe suivie d'une forte agitation, pour dénoncer l'hypocrisie du clergé. A sa suite eurent lieu plusieurs « incidents Tartuffe » dans diverses villes françaises (Lyon, Bordeaux, Toulon...).
[...] Pourquoi tourner ainsi ses attentes vers des stars et s'identifier à elles ? Le 19e siècle voit l'individu confronté à de multiples changements : changement de la temporalité des hommes, transformation de l'environnement urbain, succession de régimes politiques différents. Ces changements poussent les citoyens à chercher des repères communs, dont l'un est justement le culte des vedettes: « dans le bougé des représentations sociales, la vedette demeure le seul point fixe, celle qui a ses fidèles » (C. Charle).
[...] Le 19e siècle connaît certes la constitution d'un collectif de lecteurs à l'échelle de la société entière, mais la lecture est silencieuse et solitaire depuis la fin du 18e siècle. Certains romans-feuilletons, traitant de thèmes sociaux, s'accompagnent même d'une appropriation individuelle forte par certains lecteurs, qui écrivent au journal concerné pour exprimer leur point de vue sur des thèmes comme la justice ou la misère : c'est le cas pour Les Mystères de Paris d'E. Sue, publié dans Le Journal des Débats entre 1842 et 1843.
La lecture reste cependant un support de sociabilité important : les romans-feuilletons pour les femmes, et les nouvelles pour son pendant masculin.
[...] Nous l'avons évoqué, un temps structurant entraîne par réaction une aspiration à sortir de cette temporalité contraignante et à chercher des loisirs moins mécaniques. Les hommes les trouvent hors de la ville, à la campagne devenue accessible à tous les Parisiens à la fin du 19e siècle, grâce au développement des transports. Ils y recherchent une autre temporalité, plus souple et vacante, en pêchant, se baladant, se reposant dans la nature. (...)
[...] Le culte des vedettes induit une individualisation des membres du public, qui se projettent dans une idole et peuvent se prendre d'une passion presque amoureuse pour elle. Mais il s'agit en parallèle d'un phénomène de masse, car le public cristallise son admiration dans des vedettes communes à toute la société, dont une des premières fut l'emblématique Sarah Bernhardt. Ce mouvement donne lieu à la fin du 19e siècle de véritables phénomènes médiatiques. C Un public uni dans sa quête de repères Pourquoi tourner ainsi ses attentes vers des stars et s'identifier à elles ? [...]
[...] Les hommes les trouvent hors de la ville, à la campagne devenue accessible à tous les Parisiens à la fin du 19e siècle, grâce au développement des transports. Ils y recherchent une autre temporalité, plus souple et vacante, en pêchant, se baladant, se reposant dans la nature. Cette quête de repos moral se retrouve aussi dans le développement du voyage, qui dépayse et devient un moyen de rupture, notamment avec la temporalité habituelle, mais aussi avec le connu. La figure du voyageur solitaire, de l'explorateur, incarne ce désir de l'individu de se retrouver seul avec soi-même. [...]
[...] Le public s'élargit donc aux couches les plus populaires, et l'illettrisme devient très marginal à la fin du 19e siècle. Cet élargissement du public lecteur s'accompagne de l'explosion du nombre de nouveautés romanesques dans les années 1830 et de l'apparition de nouvelles formules éditoriales, moins coûteuses et donc plus largement diffusées : c'est le cas notamment du roman-feuilleton, qui connaît un certain succès à partir des années 1840 grâce à la baisse du prix des quotidiens impulsée par La Presse et Le Siècle (J. [...]
[...] C –Pratique individuelle et communauté imagée et imaginée L'individualisation de la lecture et le développement de la presse se doublent d'une segmentation des publics, selon le genre, l'âge ou la classe sociale, permettant aussi une forme de contrôle social : les journaux féminins diffusent l'image de l'épouse parfaite, les lectures destinées aux ouvriers évitent les thèmes de la violence et de la grève. Ce que l'on peut considérer comme un éclatement du lectorat fait parallèlement émerger des communautés de lecteurs qui donnent une dimension collective à la lecture. La presse quotidienne, elle, rassemble une communauté de lecteurs très nombreuse : Le Petit Journal, en 1865, est tiré à exemplaires, et à en 1912 (A-M. Thiesse). [...]
[...] A cette fragmentation sociale du rapport au temps s'ajoute la segmentation sociale des publics notamment de théâtre, qui est devenu cher et s'élitise, alors qu'il était auparavant une pratique transsociale. Les types de théâtres parisiens se diversifient durant la seconde moitié du 19e siècle (théâtres populaires de quartier, théâtres bourgeois, centraux de boulevard, bonbonnières créées tardivement) : les publics de cette fin de siècle sont multiples, et ne forment plus de force collective politiquement inquiétante. Malgré l'élitisation de certaines pratiques, d'autres se démocratisent au contraire : c'est le cas du rapport à l'espace urbain. [...]
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