“Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre, Qui produit l'argent en créant la misère, Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil.”
Ainsi Victor Hugo dépeint-il le triste quotidien d'un grand nombre d'enfants au XIXe siècle, s'inscrivant dans un vaste mouvement de dénonciation d'une réalité cruelle. À ce poème il serait pourtant intéressant d'opposer les déclarations du président de la Chambre de commerce de Saint-Étienne, Faure, en mars 1873 : “Le travail est une dure loi [...] mais c'est une loi inévitable et il est impossible d'enlever, dans de trop grandes proportions, aux pères de famille, les ressources qu'ils sont le plus souvent obligés de demander au travail de leurs enfants. Dans une question d'éducation, il convient de ne pas oublier que le travail est aussi moralisateur!” Car là réside toute l'ambiguïté : si cette réalité est condamnable, ses origines anciennes et la place qu'elle occupe dans la société, ralentissent la mise en place d'une législation.
Le second XIXe voit progressivement émerger un nouveau regard sur l'enfance, qui va se heurter avec la dure réalité de milliers d'enfants, confrontés très tôt au monde du travail. Entre le milieu des années 1850 et le début du XXe siècle, les sociétés occidentales repensent alors progressivement et non sans obstacles, la place de l'enfant au sein du processus de production.
Pourquoi une pratique si ancienne rencontre-t-elle soudain une telle contestation? Dans quelle mesure le nouveau discours sur “l'enfance” catalyse-t-il la dénonciation ? Comment se déroule alors le passage difficile du constat à la législation?
[...] Ex : Le médecin des hôpitaux Maurice Letulle : le travail de 10h exigé d'un enfant de 13 à 14 ans est une erreur antiphysiologique [ ] La tristesse est l'usine est pour lui une source de mort, aussi sûre que la faim pour l'adulte indigent. Le relai est aussi assuré par l'Église qui sort de son silence et intervient dans le débat. En 1863 une sœur de St Vincent de Paul ouvre des cours de lecture pour les jeunes filles employées dans fabriques parisiennes de papiers peints 28 élèves la première année la deuxième. Il y a donc constat et dénonciation du travail des enfants, ce à quoi la législation va progressivement et non sans difficultés, faire écho. II. [...]
[...] Si la réglementation du travail des enfants progresse dans le 2nd XIXème, cela ne se fait pas sans réticence. En effet, la mise en lumière de l'aliénation de l'enfant-producteur s'est faite en oubliant que derrière ces conditions de travail déplorables, il y a des continuités avec la tradition, des connexions avec la culture et une logique économique. Les arguments des contestataires sont principalement économiques et moraux. * L'économie le travail des enfants fait la compétitivité d'un pays. Député monarchiste Jules Leurent : L'industrie française est soumise aujourd'hui à la concurrence de toutes les industries européennes, et il ne faut pas créer une situation d'infériorité qui lui rende la concurrence impossible. [...]
[...] Il faut donc mettre en place des inspecteurs du travail, ce que fait la Prusse en 1853 ou la Bavière en 1861. Aux États-Unis, des réglementations se mettent en place mais dans le cadre des États. Ainsi, certains états industriels comme le Connecticut ou le Massachusetts limitent la durée de travail à dix heures quotidiennes en 1843. En France, un projet est lancé sous le 2nd Empire par le ministre du Commerce Forcade la Roquette, mais l'effondrement du régime empêche le processus d'aboutir. [...]
[...] Cette alliance se remarque surtout en 1882 pour le cas de la France. Le 28 mars, la loi de Jules Ferry instaure l'obligation scolaire générale pour les enfants de 6 à 13 ans. Une partie de la loi de 1874 est donc modifiée de fait puisque l'âge normal d'admission dans les ateliers sera désormais de 13 ans, sauf pour les enfants de 12 ans pourvus du certificat d'études. Il faut cependant nuancer ce constat, car l'absentéisme scolaire survit longtemps à cette loi, en particulier dans les campagnes. [...]
[...] Néanmoins, malgré ces failles importantes, il y a dans les faits une limitation progressive de l'enfance au travail. Une limitation progressive de l'enfance au travail Il y a tout d'abord une conjonction de la législation scolaire et de la législation sociale pour briser la tradition du travail des enfants. On peut noter par exemple que certains conseils généraux demandent aux instituteurs de faire lire la loi chaque semaine pour que les enfants connaissant leurs droits et les limites des exigences des futurs employeurs. [...]
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