Comme dans les autres empires contemporains, la domination coloniale française au Sénégal ne put s'exercer sans le recours à des intermédiaires indigènes, sollicités pour encadrer les populations sur les plans administratif, économique et culturel. Plusieurs catégories d'Africains furent ainsi promues dans le cadre du système colonial. Dans les campagnes, elles étaient pour la plupart issues de couches sociales anciennes ayant su s'adapter au nouveau système politico-économique. Dans les villes, en revanche, on vit l'émergence de nouvelles élites autochtones nées de la colonisation.
Le présent cours présente ces principaux groupes sociaux, en analysant leurs origines et leurs trajectoires au sein du système colonial.
[...] La présence significative des marabouts dans le paysage social sénégalais remontait à l'époque précoloniale, et notamment au XVIIIe siècle, qui marqua une avancée décisive de l'Islam dans le pays. Au XIXe siècle, son expansion se généralisa, consacrant le rôle de grandes confréries soufies , dont les plus importantes étaient la Qadiriyya et la Tidjaniyya. S'y ajouta, à la fin du XIXe siècle, une nouvelle confrérie proprement sénégalaise, celle des Mourides : son fondateur, le cheikh Amadou Bamba, s'engagea d'abord aux côtés d'un roi local (Lat Dior) résistant à la conquête française. Puis il se retira à la campagne où il devint un chef musulman renommé, étendant son influence par une doctrine rénovée, fondée sur son charisme personnel et sur des enseignements personnalisés, proches des cultures traditionnelles paysannes (...)
[...] Elles avaient acquis au XIXe siècle le statut de "communes de plein exercice", qui les alignaient sur le régime politique métropolitain (conseils municipaux élus par tous les habitants). L'essentiel des services administratifs et des sièges commerciaux s'y concentraient. La guinée était une toile de coton courante dont les premiers marchands européens se servaient dans leurs échanges avec les habitants de la côte de Guinée, au XVIIe siècle. Cette évolution est propre aux colonies de l'Afrique occidentale française. Au contraire, en AEF et au Congo belge, la catégorie d'Evolué allait se figer en des statuts étroitement restrictifs. [...]
[...] Tous partageaient le même mode de vie : affichant une aisance ostentatoire, ils entretenaient plusieurs épouses ainsi qu'une large cour de griots, parents, clients, et s'alliaient avec les grandes familles maraboutiques et aristocratiques du pays. Au tournant de la Première Guerre mondiale, les traitants étaient devenus une nouvelle oligarchie de l'argent et du commerce dans les campagnes sénégalaises. Leur situation tendit toutefois à se détériorer au cours de la période suivante. À partir des années 1920, les grandes maisons de commerce colonial entreprirent d'éliminer les traitants arachidiers indépendants, avec l'appui de l'administration coloniale laquelle craignait la constitution d'une bourgeoisie indigène potentiellement politisée. [...]
[...] C'est pourquoi, à partir des années 1930, on vit se multiplier les pétitions d'administrés envoyées au gouverneur du Sénégal pour protester contre ces abus. C'est le moment où l'Administration commença à douter de la validité de ces interlocuteurs indigènes même si les situations locales variaient, et si certains chefs demeuraient respectés et efficaces dans leur travail d'encadrement. Elle se tourna alors vers d'autres intermédiaires indigènes jugés plus représentatifs et plus efficaces, les cadres religieux musulmans désignés sous le nom de marabouts. [...]
[...] C'est donc un mariage d'intérêts bien compris qui se conclut avant- guerre entre les marabouts et les autorités coloniales. De fait, les deux parties allaient exercer une mutuelle influence sur leur évolution respective. Les confréries subirent l'intervention croissante de l'Administration dans leur organisation. C'est ce qu'illustre l'exemple mouride : après avoir excité les rivalités entre les lieutenants d'Amadou Bamba en vue d'affaiblir la confrérie, les autorités françaises décidèrent, à la mort de ce dernier, de soutenir franchement l'un des successeurs en lice (Mamadou Moustapha M'Backé) afin de préserver la puissance et la cohérence de la direction confrérique ; le second khalife de la dynastie tint donc une part de sa légitimité de l'administration française. [...]
[...] L'ensemble des pratiques islamiques, en s'imposant au Sénégal, s'adaptèrent aux structures des sociétés traditionnelles autant qu'elles les transformèrent. Après la Première Guerre mondiale, le Sénégal connut un afflux significatif de migrants venus du Liban récemment passé sous mandat français. Encouragés par les autorités françaises, ces migrants "impériaux" s'établirent dans toute l'AOF comme commerçants intermédiaires dans les circuits de traite. Ils formèrent une communauté bien visible dans le paysage sénégalais, par son nombre (près de 4000 en 1938), sa distribution géographique et sa réussite économique. [...]
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