Ce traité (acte juridique par lequel des gouvernements d'Etats établissent des règles et des décisions) constitue l'acte d'établissement du protectorat français au Maroc, conclu à Fez entre la France et le Maroc le 30 mars 1912. Les signataires sont le Sultan du Maroc Moulay Abdel Hafid, le ministre français à Tanger Eugène Regnault, et le grand vizir (premier ministre marocain) El-Mokri. Cet acte couronne un mouvement d'expansion colonisatrice française ascendant, reflet du rayonnement français : conquête de l'Algérie dès 1830, protectorat en Tunisie en 1881, colonisation de l'Afrique noire (Gabon, Congo…) en 1884 (conférence de Berlin). Le traité met aussi fin à une période de rivalités franco-allemandes concernant la conquête du Maroc et la défense d'intérêts dans ce pays. Il s'agit en effet d'intérêts économiques (investissements allemands au Maroc, peur pour le commerce et l'industrie allemande d'être évincés du Maroc, menace sur la libre concurrence du trafic allemand au Maroc du fait d'un éventuel monopole français), stratégiques (obtenir un point d'ancrage sur la route du Cameroun, éventuellement aménagé en zone militaire), rehaussés d'un fort sens du prestige allemand, atteint par les initiatives unilatérales de la France (volonté de s'imposer au Maroc dès l'Entente cordiale et la déclaration sur l'Egypte et le Maroc en juin 1904). Les points culminants de ces rivalités sont les crises de Tanger en mars 1905 et d'Agadir en 1911. L'acte d'Algésiras de 1906 (exercice des forces de l'ordre au Maroc commun à la France et l'Espagne) et l'accord franco-allemand de 1911 (échange de territoires en Afrique centrale) ne suffisent pas à enrayer les différends. Cette période est marquée d'une incertitude quant au statut du Maroc, ce qui éclaire la volonté du traité « d'établir au Maroc un régime régulier ». Ce traité met face-à-face la puissance coloniale française et le Maroc dans une logique de protection, et précise les modalités du protectorat à travers le statut du Sultan sur les plans intérieur et extérieur. Celui-ci est souverain temporel et spirituel (l. 9), signe les dahirs préparés par ses ministres ou vizirs, continue de jouir de la baraka, a droit à une maison civile et à une maison militaire. La France, qui lui assure protection (art. 3), est représentée auprès de lui par un commissaire qui prend le titre de résident général et doit contresigner tous ses actes (art. 5). Le Sultan ne peut ni conclure un acte ayant un caractère international(prérogative de la France)(l. 38-39), ni contracter aucun emprunt, ni accorder aucune concession sans autorisation du gouvernement français (art. 8). On peut alors s'interroger sur les modalités du protectorat énoncé dans cet acte, autrement dit sur le partage des prérogatives de souveraineté. Celui-ci fait en effet état du repli des prérogatives du souverain chérifien sur les fonctions traditionnelles contre la sauvegarde du trône, mais aussi d'une France gardienne de l' « ordre chérifien » par l'intermédiaire du commissaire résident général. Enfin, la politique étrangère marocaine passe sous le contrôle de la République.
[...] Il s'agit d'un verrou supplémentaire de la France contre d'éventuelles actions du Maroc contre elle puisque la politique étrangère du Maroc est le fait même du gouvernement français. B. La représentation du Maroc sur la scène internationale : une prérogative française Le commissaire est un diplomate, seul intermédiaire du sultan auprès des représentants étrangers (l. 31) en ce qui concerne les intérêts des étrangers au Maroc. Là encore, le sultan est relégué à une fonction symbolique. Les intérêts des puissances étrangères au Maroc n'échappent pas aux signataires du traité, et ces intérêts sont nombreux. Ils sont espagnols, allemands, anglais (cf. partie II.1.). [...]
[...] Contrairement au Maroc, l'intention avouée du traité du protectorat en Tunisie est non de réformer l'Etat mais de sécuriser les frontières et resserrer les liens d'amitié. Une politique étrangère passée sous le contrôle de la République A. La politique étrangère du Maroc devient une prérogative du gouvernement français En matière d'intérêts marocains à l'étranger, ce sont des agents diplomatiques et consulaires (l. 36) français qui s'en chargent. Le sultan délègue son pouvoir à la France (l. 38-39), ne tenant plus qu'un rôle de figurant. [...]
[...] Ces intérêts sont espagnols (enclaves de Ceuta et Melilla (l. 12-14), territoire de Rio De Oro, droit de co-gestion policière avec la France accordé par la conférence d'Algésiras), allemands (intérêts économiques (évoqués dans la note au chancelier Bülow) réclamant la liberté de commerce et l'unification douanière), anglais (revendication de la libre concurrence commerciale). Ces freins à l'installation entière de la France, auxquels s'ajoute un fort intérêt économique, contribuent pour une part à expliquer que le Maroc ne fut pas une colonie de peuplement. [...]
[...] Conclusion Le traité de Fez énonce les modalités du nouveau régime (l. le protectorat français sur le Maroc dans sa forme contractuelle (et non la réalité sur place), d'où le respect des formes protocolaires. Ce texte diplomatique est un exemple parmi d'autres des procédés français de colonisation ; La complexité et la diversité des intérêts étrangers au Maroc résultant de l'âpre concurrence des puissances européennes interdisent à la France de s'établir pleinement au Maroc au même titre qu'en Algérie, d'autant que la diversité des puissances en présence représente autant de soutiens potentiels à une éventuelle lutte de la population contre le pays colonisateur (contexte de tensions internationales montantes préfigurant la Première Guerre mondiale). [...]
[...] Le makhzen recrute la police (musulmans marocains) (art. avec l'aide d'instructeurs français et espagnols (art. veillant à l'encadrement et à la formation des recrues. Par ailleurs, en prévoyant la stratégie française d'encerclement du Maroc, le makhzen tente en 1911 des réformes intérieures visant à renforcer l'armée et l'administration mais cela se solde par un échec. Enfin, le gouvernement français s'engage à protéger le sultan et ses Etats contre tout danger (art. 3). C. Le commissaire résident général : représentant du gouvernement français au Maroc Sur le plan intérieur, le commissaire résident général est le représentant du gouvernement français auprès du Sultan (art. [...]
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