Ce document est un extrait des mémoires d'un administrateur colonial français ayant œuvré d'abord en Afrique occidentale française, puis en Afrique équatoriale française. La carrière de fonctionnaire de Sanmarco Louis débute au Tchad en 1936. Après un passage en Haute Volta en 1938, il rejoint le Cameroun en 1939. C'est en AEF qu'il aura une brillante carrière au sein de l'administration puisqu'il est de 1954 à 1958 gouverneur de l'Oubangui puis du Gabon en 1958 avant que le pays ne réclame son indépendance. Cet extrait, se focalise sur la période où Sanmarco est Chef de la subdivision de Ngatto-Ouagadougou (actuellement au Burkina Faso) dans le sud de la Volta rattachée depuis 1933 à la Côte d'Ivoire. Cet extrait de mémoires, pourtant publiées en 1972, on été rédigées avant le processus de décolonisation et ne s'attaque pas aux principes de la colonisation. Par contre, il porte un regard critique et ironique sur l'efficacité de l'administration coloniale. Sanmarco évoque donc les débuts de sa carrière coloniale en tant qu'administrateur de terrain confronté à la gestion d'une subdivision, ce qui explique une certaine fraîcheur voire de la naïveté de la part de ce jeune fonctionnaire. Ainsi, il expose le déroulement administratif du recrutement de main d'œuvre africaine au sein du cercle de la tribu des Mossi. Cette main d'œuvre doit aller travailler dans le sud de la Côte d'Ivoire, aux alentours d'Abidjan, dans les plantations (café, cacao) de la côte ou pour des travaux publics (chemin de fer).
Dès le XV siècle, les Portugais installent sur la côte ivoirienne leurs premières implantations à partir desquelles ils organisent la traite négrière et le commerce de l'ivoire. C'est à partir de 1830 avec l'amiral Bouet (1808-1871) que les Français installent des comptoirs en Côte d'Ivoire et signent avec les chefs de tribus de la côte des contrats de monopole du commerce de l'or, de l'ivoire, du caoutchouc et de l'huile de palme. Mais très vite, les impérialismes européens vont se livrer bataille dans cette région. Les Français se heurtent aux prétentions anglaises sur cette riche côte et sont même chasser par les Britanniques en 1870. S'amorce alors une concurrence entre les deux métropoles pour la domination de la région. Les Britanniques jettent alors leur dévolu sur ce qui sera leur colonie la plus prospère : la Gold Coast, et la France avec le négociant Verdier tient tête aux Anglais et installe des plantations de café sur la Côte de l'ivoire. Cette concurrence se solde par un compromis lors du Congrès de Berlin en 1885 qui définit les aires d'influences respectives des métropoles dans la région. Débute alors la campagne d'exploration des terres ivoiriennes : en 1887 l'explorateur Treich-Laplène (1860-1890) remonte vers le nord du pays en signant des traités au nom de la France avec les Bettié, les Agni et les Abron. Le 10 mars 1893, la colonie de Côte d'Ivoire est crée par le décret de Louis Gustave Binger (1856-1936) qui en devient le Gouverneur. Mais les Français sont confrontés à la résistance farouche des populations noires, notamment au nord face au conquérant malinké : Samory Touré (1835-1890). L'empire de Samory empêche alors la liaison entre le Sénégal français et la Côte d'Ivoire, cette communauté rebelle est sévèrement « maté » par les forces de Binger en 1898 laissant une région dévastée. La Côte d'Ivoire intègre l'AOF en 1902, mais les administrateurs coloniaux doivent sans cesse composer avec des tribus insoumises dans la région. Des plans de « pacification » notamment contre les Boulé et les Bété sont décidés par les autorités coloniales dés 1908. La Côte d'Ivoire est peu à peu soumise aux milieux d'affaires de la SCOA, la CFAO et les établissements Peyrissac qui réclament le rattachement des régions peuplées de Haute-Volta pour constituer une main d'œuvre bon marché dans les plantations du sud. C'est déjà dans ces populations, que s'était constitué le gros des contingents de « tirailleurs sénégalais ». Le rattachement à la Côte d'Ivoire débute en 1933 et l'ordre est donné en 1938 par le Gouverneur basé à Dakar d'opérer au recrutement de cette main d'œuvre.
Ainsi, Sanmarco relate la circulation de l'ordre de recrutement du Gouverneur jusqu'aux unités administratives locales (lignes 1 à 5). Puis il explique la résistance des populations noires qui préfèrent fuir pour la Gold Coast ou payer pour échapper au recrutement. Il dénonce ainsi la corruption des chefs noirs qui s'enrichissent de leur rôle d'intermédiaire de l'administration (lignes 5 à 10). Il regrette ensuite l'impopularité du recrutement dû à des exigences non appropriées aux réalités locales (lignes 12 à 19). Il en vient à expliquer la manière dont il tente de convaincre la population pour obtenir des volontaires et comment ces tentatives sont infructueuses (lignes 20 à 35). Enfin, il décrit comment il est informé de sa mutation au Cameroun et exprime son regret de n'avoir pu participer au recrutement pour la construction de chemin de fer « Bobo-Ouaga » qui, selon lui, allait résoudre le problème de la main d'œuvre Mossi (ligne 35 à 46).
Ce document expose donc les difficultés que l'administration coloniale de la Côte d'Ivoire rencontre dans l'exploitation des populations noires face à la résistance de tribus qui ne veulent pas se soumettre.
Au-delà des exigences de la haute administration coloniale, l'application locale de l'ordre de recrutement doit composer avec les réalités de la domination coloniale. Mais la difficulté de ce recrutement auprès des Mossi révèle aussi une forme de résistance des populations africaines. Quant à l'organisation économique en Côte d'Ivoire, elle semble se fonder sur l'exploitation du travail indigène.
[...] L'émancipation des travailleurs africains et leurs revendications démocratiques ouvrent alors la voie à une Côte d'Ivoire indépendante. Le 4 août 1958, la Côte d'Ivoire devient une république au sein de la Communauté française. Le 7 août 1960, Houphouët- Boigny rompt les liens qui unissent la Côte d'Ivoire à la France et proclame l'indépendance ivoirienne. Bibliographie _Les armes retournées, colonisation et décolonisation française, André Noushi, éd Belin _Culture coloniale, la France conquise par son Empire 1871-1931, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, éd Autrement _L'Afrique au 20e siècle, Hélène d'Almeida Topor, éd Armand Colin. [...]
[...] L'administration coloniale y rencontre une limite de son autorité : le Chef indigène dernier intermédiaire entre l'administration française et les colonisés. La fonction de ces chefs a toujours posé problème aux colonisateurs. En tant que dernier maillon du système administratif, de leur profil (coopératif, résistant ou profiteur) dépend l'application au niveau local d'un ordre. Pour autant, l'administration y trouve son compte puisqu'elle ferme les yeux sur ces difficultés. Ainsi, Sanmarco, en s'intéressant en partie à ces questions administratives parce qu'il est fonctionnaire, livre un témoignage précieux. [...]
[...] En effet, on découvre comment le recrutement devient un point de focalisation des tensions entre colonisateur et colonisé. Cet extrait donne à voir la résistance du peuple Mossi qui préfère fuir pour échapper au travail forcé, ou la résistance de certains chefs qui prennent des risques à ne pas exécuter les ordres. De même, on constate la persévérance de l'administration coloniale à procéder à ces recrutements desquels dépendent des enjeux économiques importants. Le travail forcé de la main d'œuvre africaine est au cœur du système de mise en valeur coloniale mais aussi de la domination de la métropole sur sa colonie. [...]
[...] Cette organisation salariée tend alors à détruire les modèles traditionnels de cultures vivrières au profit de cultures spéculatives. La polyculture traditionnelle disparaît, et de vastes terres sont dédiées à la monoculture intensive (café et cacao essentiellement) au mépris de l'exploitation à outrance des ressources naturelles. Certains historiens ont parlé d'économie de pillage Cette organisation a surtout profité aux compagnies européennes disposant ainsi d'une main d'œuvre très bon marché et souvent sous-payé. S'instaurant dans le cadre du pacte colonial la colonie offrait de la main d'œuvre en échange d'infrastructures construites par l'Etat français. [...]
[...] Ainsi, il expose le déroulement administratif du recrutement de main d'œuvre africaine au sein du cercle de la tribu des Mossi. Cette main d'œuvre doit aller travailler dans le sud de la Côte d'Ivoire, aux alentours d'Abidjan, dans les plantations (café, cacao) de la côte ou pour des travaux publics (chemin de fer). Dès le XV siècle, les Portugais installent sur la côte ivoirienne leurs premières implantations à partir desquelles ils organisent la traite négrière et le commerce de l'ivoire. [...]
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