Le recensement de 1926 est le seul document qui nous donne un aperçu réaliste de l'État de la population de l'URSS dans les premières décennies du pays. Les recensements précédents ne sont pas aussi complets, ceci étant dû aux nombreux mouvements de population ainsi qu'à la fragilité du gouvernement qui sortait de la guerre mondiale et de guerres civiles. Les recensements suivants, ceux qui sont publiés du moins sont souvent épurés des parties que l'intelligentsia jugeait « douteuses », bref qui ne leur plaisaient pas.
Pour ce travail j'ai donc décidé de comparer le travail de monsieur N. Werth, Des hommes, des chiffres et des classes au chapitre 3 du livre de madame Francine Hirsch : Empire of Nations. Le titre du troisième chapitre s'intitule : the 1926 Census and the conceptual Conquest of lands and peoples. Ces deux études utilisent comme source primaire principale le recensement de 1926 en URSS. Les recensements avaient surtout pour but de classer les gens, de leur dire précisément qui ils étaient : tu es un ouvrier, tu es un Géorgien, etc. En faisant cela, les gens du Politburo voulaient pouvoir rapidement définir, trouver et neutraliser l'ennemi intérieur.
[...] Ces classes sont elles-mêmes divisées en sous-ensembles : par exemple, pour les paysans, il y a les koulaks, les seredniaki, les bedniaki et les batraki[2]. Par ce classement, on veut trouver sur qui on peut compter. Le régime peut compter sur les batraki, car ils sont plus pauvres, donc on regarde dans les listes qui sont des batraki et forcément ils seront nos alliés (dans la tête des hauts responsables du parti. En pratique, c'est autre chose). On essaie de rationaliser les allégeances politiques. [...]
[...] Selon les estimations de Werth, elle en comportait 50 pour cent. Comment alors démontrer à la population que la révolution bolchevique était utile si elle n'était en fait que bonne pour moins de de la population des villes? La définition des termes du sondage, à savoir qui était classé dans les autres qui était un ouvrier et qui était un employé[13], était dans ce sens très importante. Si le choix des termes du sondage avait mieux été expliqué par Werth, on aurait pu comprendre plus facilement que représentait ce sondage l'enjeu pour les hauts fonctionnaires de l'État. [...]
[...] Un des buts inavoués de ce recensement était de bien classer les gens (comme mentionné plus tôt). Une fois qu'on avait mis une étiquette sur chaque personne, on pensait qu'il serait beaucoup plus facile de la contrôler, de l'amener à être un bon prolétaire et qu'elle mettrait les intérêts de la nation avant les siens. Théoriquement, le communiste se veut international[20]; en étant le premier État communiste, l'URSS devait donc chercher l'unité de toutes les populations qui vivaient en son sein pour finalement arriver à une unité nationale. [...]
[...] Prenons par exemple l'utilisation des termes Natsional'nost' et narodnost'[10]. Natsional'nost' fait référence à une définition nationale basée sur l'ethnicité tandis que narodnost' met l'accent sur l'association sociale, c'est-à-dire vers quel groupe on s'identifie[11]. L'utilisation de chaque mot avait une très grande importance pour les dirigeants. Si un mot n'était pas correctement dit, un individu pouvait se retrouver, faute d'avoir bien compris la question, dans un mauvais classement. Si une personne était dans un mauvais classement, elle mettait donc le régime à risque, car elle pouvait être un ennemi qu'on associait à un groupe ami. [...]
[...] De plus, chaque Soviétique doit comprendre sa place et le gouvernement doit la connaître pour pouvoir bien juger l'individu. Par cette classification, les dirigeants voulaient savoir qui était potentiellement un allié et de qui on devait se méfier. Comme cela, il était bien plus facile de trouver les saboteurs et les ennemis internes qui furent si longtemps les boucs émissaires du parti. Ces ennemis internes qui ne servaient qu'à camoufler à la population et aux propres yeux des dirigeants leur incompétence. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture