À l'aube de la IVe République, on observe une volonté nouvelle de consolider les acquis et de les enrichir en reconnaissant de nouveaux droits à caractère économique et social. Déjà, avant même la fin du régime de Vichy, à travers les programmes de la Résistance, transparaissait l'objectif d'assurer et de réaffirmer les libertés fondamentales traditionnelles, mais aussi de réformer le système afin de permettre l'instauration d'une nouvelle démocratie.
La Constitution de la IVe République, et donc son préambule, est approuvée le 13 octobre 1946 par voie référendaire et est promulguée le 27 octobre 1946. Pour autant, le Préambule de la Constitution de 1946 n'est pas un texte antithétique de la Déclaration d'avril. Fruit d'un compromis il s'en distingue certes sur ses rapports avec la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, mais consacre néanmoins une même vision des libertés fondamentales et du principe démocratique.
[...] Le Préambule étant hors ces titres, son contenu n'est nullement contrôlé ni protégé. Ce constat est encore plus flou lorsque l'on sait que l'article 81 indique que les citoyens doivent bénéficier des droits et libertés prévues par le préambule . Quand est-il maintenant des juridictions ordinaires : le préambule il une valeur juridique à leurs yeux ? En effet, pour certains, il ne s'agissait que de principes généraux extrêmement abstraits et en tant que tels ils n'avaient pas de consistance juridique. [...]
[...] Les principes particulièrement nécessaires à notre temps furent ceux auxquels la commission de la constitution de l'Assemblée nationale constituante attacha le plus d'importance. Ils complétaient ainsi les droits reconnus par la Déclaration du 26 aout 1789, matérialisant une véritable innovation quant à la vision de la démocratie en France, qui ne devait plus se contenter de toucher la matière politique mais devait aussi se consacrer aux matières économiques et sociales. Cette originalité, proclamée tout d'abord par la déclaration d'avril puis reprise, dans une moindre mesure on le verra par le second projet, consacre au profit des individus, pour la première fois dans l'histoire de la France, des droits sociaux et économiques dont beaucoup ne sont pas des libertés, mais des créances : par exemple le droit à l'instruction le droit d'obtenir un emploi le droit à la formation professionnelle le droit au repos et aux loisirs ou encore le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence Sous le préambule, ces droits économiques et sociaux prendront la dénomination de principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps Ces droits dits créances sont des droits que chaque individu pourrait faire valoir à la société, et plus particulièrement à l'Etat qui est chargé de les organiser, en exigeant de sa part une action positive. [...]
[...] Le projet d'Edouard Herriot de reprendre la Déclaration de 1789 fut ainsi repoussé à une majorité écrasante de 80% (437 voix contre 123). Enfin, et c'est là le point de convergence, le projet de déclaration d'avril 1946, proclame tout de même son attachement aux principes de 1789 et de 1848 qu'il détaille assez longuement. Il y ajoute même quelques libertés nouvelles, comme le droit de grève et le droit de défiler librement sur la voie publique Néanmoins, et comme dit précédemment, le projet de 1946 suscite l'inquiétude en limitant ostensiblement l'exercice de certaines libertés, et notamment la liberté d'expression, d'association et le droit de propriété. [...]
[...] par la Déclaration des droits d'avril, une révolution dans la révolution . Ce rejet ne fut pas unanime et fit l'objet de vifs débats. En effet une partie de l'Assemblée nationale, notamment les radicaux, s'opposait farouchement au projet de la commission de la constitution qui préférait réécrire entièrement une nouvelle déclaration. Pour cette première partie, représentée notamment par Edouard Herriot et René Capitant, les droits contenus dans la Déclaration de 1789 étaient intemporels, ainsi pour citer ce dernier, il y aurait des principes qui demeurent au-dessus de tous les temps, au-dessus de tous les régimes, qui ont une valeur permanente et qui sont la règle de l'humanité et la condition de la civilisation Cependant, pour une autre partie de l'Assemblée nationale constituante, qui, il faut le rappeler, était principalement constituée de communistes et de socialistes, la Déclaration des droits de 1789 fut seulement le fruit des conditions historiques. [...]
[...] Le projet d'avril, très socialisant, proclamait ainsi expressément huit droits-créances que l'on vient d'énoncer. Marqué par la nouvelle influence des démocrates-chrétiens du MRP, le préambule n'en reconnait plus expressément que deux : le droit d'obtenir un emploi et le droit de la collectivité des moyens convenables d'existence Un troisième droit- créance est affirmé de façon plus implicite : le droit pour tout travailleur de participer, par l'intermédiaire de délégués, à la vie de son entreprise. Les autres principes présentés habituellement comme des droits- créances ne furent en réalité reconnus que comme de simples devoirs de la Nation comme celui d'assurer à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ou des devoirs de garantir comme la protection de la santé ou encore la sécurité matérielle La comparaison des droits économiques et sociaux tels qu'ils figurent dans la déclaration d'avril et tels qu'ils sont repris dans le préambule, donne une idée précise des évolutions auxquelles l'Assemblée a dû renoncer. [...]
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