François Furet né en 1927 mort en 1997 était directeur de recherche à l'EHESS. Il est communiste stalinien dans sa jeunesse puis participe à la fondation du PSU. Il revient sur ses engagements avec un regard critique dans Le Passé d'une illusion en 1995. Il s'est rapproché du libéralisme, citant souvent Tocqueville et Aron (il a présidé l'Institut Raymond-Aron).
L'objet est spécifique, très perméable aux idéologies et fortement identitaire. 1789 est l'origine du monde nouveau fondé sur l'égalité. Il sépare l'ancien et le nouveau régime, donc les définit et les explique. La Révolution est une naissance, pas de fin, car la lutte au nom de la Révolution est l'histoire de tout le XIXe et jusqu'à Vichy, qui est moins un régime fasciste que traditionaliste, profondément ancré dans la hantise de 1789. Dans les années 1940, les Français doivent faire le tri dans l'histoire, dater la naissance, choisir entre la Révolution et l'Ancien Régime. Le XXe croit à la Révolution comme mouvement dont la logique est le dépassement de la démocratie représentative.
[...] La guerre n'est pas naturellement dans les intérêts bourgeois ni dans le système contre-révolutionnaire des rois européens. Les Girondins sont convaincus que la guerre est la condition de leur pouvoir. Les Jacobins veulent radicaliser la Révolution, i.e. la rendre conforme au discours. Or la guerre ouvre un champ immense au manichéisme de Robespierre, même s'il ne le voit pas immédiatement, première rencontre d'une eschatologie laïque et du nationalisme. La guerre identifie sans ambiguïté les nouvelles valeurs à la patrie qui en est porteuse et les traitres criminels. [...]
[...] La révolution socialiste doit accomplir les promesses de 1789. Avec 1917 elle devient la matrice d'un événement réel. Les passions communistes et anticommunistes reprennent celles mobilisées par la Révolution : 1789 ou 1793 deviennent l'annonciation d'une Révolution authentiquement communiste, que la bourgeoisie ne viendrait pas confisquer. Le consensus républicain est conservateur, mais la Révolution est bien plus que la République. Mais pour Furet, la mythification de la Révolution ne fait que l'appauvrir, pas d'enrichissement conceptuel. Le marxisme pénètre l'histoire de la Révolution avec Jaurès, et déplace vers l'économique et le social le problème : enraciner la lente promotion du Tiers État dans les progrès du capitalisme. [...]
[...] Que signifie alors l'engagement politique des révolutionnaires ? Expliquer la cassure du tissu politique, la vacance du pouvoir, le règne de la parole démocratique. Penser le jacobinisme, ne pas le revivre sans recul conceptuel comme Michelet. Le jacobinisme s'enracine dans l'idéologie de la fin XVIIIe qui valorise l'engagement individuel et la sanction de l'histoire. Donc réalisation immanente des valeurs par l'action politique, ce qui implique conflit, car les valeurs sont incarnées par des personnes et connaissables comme la vérité. La naissance de la pensée classique est en effet la prise en compte du problème de l'individu. [...]
[...] L'idée de rupture et de nécessité de l'évènement L'historiographie est dominée par le concept de révolution bourgeoise. Or cela masque les présupposés de nécessité de l'événement et de rupture du temps. Pas de fatalisme : la crise économique (prix du pain, chômage, traité de commerce franco-anglais) peut expliquer le soulèvement urbain de juin-juillet, mais pas le passage d'une émeute classique à la journée révolutionnaire. L'événement révolutionnaire institue une nouvelle modalité de l'action historique. Apparition d'une modalité pratique et idéologique de l'action sociale, qui n'est inscrite dans rien de ce qui précède, que la crise politique rend possible, mais pas nécessaire. [...]
[...] Le maintien de la coupure se justifie, même si elle ne marque pas la chute d'un vrai pouvoir populaire car elle est la mort d'un légendaire révolutionnaire. Le pouvoir révolutionnaire est la représentation qu'il donne de lui-même, position symbolique, comme homogène et transparent au peuple. Thermidor n'est pas une contre-révolution, mais une autre révolution, celle des intérêts. Le pouvoir est désormais fondé sur une suite de délégations de souveraineté. L'idéologie révolutionnaire n'est donc plus ce qui définit le pouvoir et le rend conforme à la volonté du peuple. [...]
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