empire ottoman, Afrique, Maghreb, pélerinage, Mecque, Al-Gaziri, Idriss b. Ali, sultan
Depuis l'Antiquité, les expansions géographiques et politiques successives, des invasions arabes à l'Empire ottoman parvenues au début du XVIe siècle jusqu'en Afrique du Nord, après l'effondrement des mamelouks, ont rebattu les cartes des influences politiques dans les provinces africaines, jetant les ponts d'un monde islamisé rebaptisé Maghreb, dont le rayonnement politique et culturel auprès des souverains de l'Afrique étatique fut sans conteste.
Al-?az?r? narre le voyage du sultan Idriss b. Ali qui réalise le Hadj, l'année qui suit son couronnement au Borno en 1565 et rapporte en particulier sa rencontre avec le Pacha d'Égypte, son hôte. Le témoignage, émaillé de rituels et de codes, constitue un apport précieux rendant compte, non seulement, des transactions à la fois politiques, culturelles et commerciales dans un Empire parvenu à son âge d'or au milieu du XVIIe siècle, mais également des forces et fragilités sous-tendant une organisation médiévale "à l'équilibre".
[...] Car peu de textes survécurent aux aléas politiques et écologiques qui ont caractérisé l'ensemble de la bande sahélienne. Cependant, l'usage de l'écrit au Borno est attesté dès le xive siècle, puisqu'un auteur Égyptien, al-Qalqašandī, reproduit une lettre diplomatique bornouane envoyée aux sultans mamluks d'Égypte. Par la suite, de nombreuses traces révèlent l'existence d'une administration chargée de la rédaction de lettres, d'actes juridiques et de documents officiels, dans un contexte où le papier, importé d'Italie, était rare et où le climat rendait sa conservation difficile.Le xvie et le xviie siècles voient également l'apparition d'une littérature bornouane en langue arabe. [...]
[...] Reliquat de crainte du puissant ou de l'envahisseur Ottoman, le témoignage oculaire de l'historien traduit les différences de cultures et de sensibilités entre une Afrique de l'Ouest puissante et dominante et une Egypte ancienne, civilisée, codifiée et vassalisée. De même, rendant compte des différences de pratiques dans les rituels honorifiques traditionnels rendus entre souverains, l'historien observe, à travers la conduite du souverain Sefuwa, le non-respect et le "mépris" pour l'amabilité et l'hospitalité de la "plus haute autorité d'Egypte". Il s'atatche, en outre, à décrire avec force la courtoisie des égyptien, relayant l'hospitalité de l'inspecteur ou des amirs, intendants du vice-sultan d'Egypte. [...]
[...] Alors il sélectionna trois chevaux dans son haras parmi les plus beaux et les plus chers". L'observateur cairote finit son récit en précisant que "Le pacha lui en fit donc cadeau et (Le sultan Idriss) repartit ainsi honoré dans son pays". Ce dernier élément trahit les intentions et visées des sources arabes, qui veillent à présenter ici l'image d'une Egypte-hôte, carrefour des rencontres et des affaires depuis le Moyen-Age, habituée aux transactions commerciales et familières des rencontres multiconfessionnelles, qui par delà les échanges, conserve des valeurs propres, berceau de son influence et de son maintien stratégique dans les différentes partitions géopolitiques. [...]
[...] Si ce récit témoigne de l'importance et du nombre des échanges commerciaux dans la pratique même des pélerinages musulmans religieux, il transmet également un certain nombre d'idées reçues sur les représentations culturelles en Afrique. Un témoignage sur les perceptions arabes des Africains de l'Ouest En effet, le récit cairote apparait comme un précieux témoignage sur les perceptions arabes des africains de l'Ouest. La notion de « Takrur » employée ici, est une notion complexe révélant les représentations propres au monde arabe du XVIe renvoyant, en réalité, à un royaume ayant prospéré sur les rives du Sénégal pendant une courte période au XIe siècle et trahissant une vision archétypale, héritée des premières dominations moyen-ageuse puis de l'Empire Mamelouk. [...]
[...] La place stratégique des échanges commerciaux Si le récit du pélerinage religieux du sultan Idriss b. Ali se pare de rôles politiques dans une Afrique aux rivalités et puissances claniques prégnantes, il met également en lumière la place stratégique des échanges commerciaux, intrinsèquement mélés au Hadj. En effet, Islam et négoce sont liés depuis le VIIe siècle (Arditi ; Kane et Triaud, 1998) car si le commerce caravanier permit la diffusion de l'islam notamment au sud du Sahara, l'islam offrit, en retour, un cadre favorable aux transactions, ouvrant des possibilités d'échanges de produits exotiques dans des régions d'Afriques très reculées et cimentant un réseau de marchands unis par des valeurs morales communes (Grégoire et Labazée, 1993). [...]
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