Jacques Roux, dans son Manifeste des Enragés, déclare le 25 juin 1793 : "La liberté n'est qu'un vain fantôme, quand une classe d'hommes peut affamer l'autre impunément. L'égalité n'est qu'un fantôme, quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La République n'est qu'un vain fantôme, quand la contre-révolution s'opère de jour en jour par le prix des denrées auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes". Les Enragés de gauche revendiquent ainsi l'égalité sociale, en plus de l'égalité juridique. La dictature de salut public élimine le "curé rouge" ainsi que sa faction. Mais les bases du socialisme français sont jetées : les Egaux seront les héritiers politiques des Enragés.
Robespierre arrêté et exécuté en juillet 1794, la Convention thermidorienne épure l'administration, démantèle les instruments de la Terreur et casse le réseau jacobin. Après la famine de l'hiver 1794-1795, une manifestation néojacobine, en germinal an III, réclame du pain et la Constitution de 1793. En prairial, une autre manifestation pénètre dans l'Assemblée et oblige la Convention à voter la mise en application de la Constitution de l'an I. Après que l'armée soit entrée dans Paris et ait désarmé les sections parisiennes, la Convention y renonce alors publiquement. La commission chargée de préparer les lois organiques modifie sa mission initiale et propose une nouvelle Constitution, adoptée le 22 août 1795. Par ce "coup d'Etat parlementaire", on passe ainsi de la "ré-publique des droits" à la "ré-privée des riches" selon la formule de Florence Gauthier. Le Directoire se réunit pour la première fois fin octobre 1795, et laisse se rouvrir en novembre le club du Panthéon où se réunissent d'anciens jacobins, après l'amnistie des condamnés des journées de prairial. Babeuf, qui, dans son journal Le Tribun du Peuple, attaque le régime et promeut l'idée de mise en commun des richesses, parvient à faire l'union des opposants au sein du club du Panthéon. Obtenant une large audience avec plus de 1000 membres, le club est fermé le 27 février 1796 par Bonaparte sur ordre du Directoire. Passant alors dans la clandestinité, Babeuf et ses amis s'érigent en "Directoire secret de Salut Public" et mettent en place un réseau pour la prise du pouvoir. Dans cette Conjuration dite des Égaux, on retrouve également des hommes tels que Darthé, Buonarotti, Grisel ou encore Maréchal.
[...] Oui, c'est toi qui le premier dois offrir au monde ce touchant spectacle" (l.54). La Révolution a donc vocation à s'étendre à toute cette "pauvre espèce humaine" et la France, en tant que pays d'expérimentation politique depuis 1789, doit y tenir le rôle d'avant-garde, image de gloire bien plus grande que les conquêtes de Bonaparte en Italie. Le projet de la République des Egaux montre une Révolution parvenue à son terme en instaurant le communisme agraire qui réconcilie définitivement la société des hommes avec les lois de la nature. [...]
[...] A quel bon signe dois-tu donc reconnaître désormais l'excellence d'une constitution ? Celle qui tout entière repose sur l'égalité de fait est la seule qui puisse te convenir et satisfaire à tous tes vœux. Les chartes aristocratiques de 1791 et de 1795 rivaient tes fers au lieu de les briser" (l.67). Les Egaux fondent ainsi la validité d'une constitution non pas d'après le principe de ses institutions mais selon le but poursuivi par celles-ci. Fondée sur la séparation des pouvoirs, la Constitution monarchique de 1791 reprend pour préambule la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. [...]
[...] Mais comme l'égalité n'est pas réalisée concrètement dans les faits, cela ne différencie donc en rien la Révolution de l'Ancien Régime. "Il nous faut pas seulement cette égalité transcrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons". Maréchal réaffirme ici le caractère social de l'égalité sans lequel le bonheur commun n'est pas possible et sans lequel l'ordre politique n'est pas légitime. L'égalité n'est "qu'une belle et stérile fiction de la loi" puisque, selon l'article premier toujours de la Déclaration de 1789, "les distinctions sociales ne peuvent être fondés que sur l'utilité commune". [...]
[...] On retrouve ainsi le credo des Egaux "Egalité, liberté, bonheur commun". Au nom de l'égalité, la Constitution de l'an I met aussi en place le suffrage universel masculin, jetant ainsi les bases de la démocratie sociale. A terme, la réalisation de la démocratie directe permettra l'expression pleine et entière des droits naturels. Mais cette Constitution de l'an I apparait aux yeux des conjurés avant tout comme une étape vers l'égalité réelle car le principe de bonheur commun est annoncé mais non concrétisé dans les institutions. [...]
[...] (l.70) "Celle de 1793 était un grand pas de fait vers l'égalité réelle ; on n'en avait pas encore approché de si près ; mais elle ne touchait pas encore le but et n'abordait point le bonheur commun, dont pourtant elle consacrait solennellement le grand principe". En effet, la Constitution de l'an I affirme article premier: "Le but de la société est le bonheur commun. - le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la puissance de ses droits naturels et imprescriptibles". "Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété", selon l'article II. Cette Constitution reprend l'idée rousseauiste du bonheur commun développée dans le Contrat social. Et, affirmant "la puissance des droits naturels", cette constitution va donc évoluer vers leur reconnaissance absolue. [...]
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