Gilbert Millat est maître de conférences à l'université Lille III, spécialiste de la classe ouvrière et de l'identité britannique.
L'identité britannique a été triplement remise en cause :
- l'idée que l'Empire britannique constitue une entité économique et militaire a été remise en cause depuis l'indépendance de l'Inde en 1947, la crise de Suez en 1956, l'achèvement de la décolonisation en Afrique au début des années 1960 et la fin de la présence britannique à l'est de Suez dans les années 1970.
- la montée en puissance des nationalismes en Ecosse et au pays de Galles dans les années 1970 débouche sur une remise en cause de l'identité britannique.
- la crise du modèle multiculturel, notamment après les attentats du 7 juillet 2005 à Londres, suscite de nouvelles interrogations.
[...] Il ne nie pas les mauvais côtés de l'impérialisme, mais pense que les historiens négligent les bienfaits de la colonisation : diffusion de la langue anglaise, droit de propriété, technique bancaire, Common Law, protestantisme, sports collectifs, rôle limité de l'Etat, gouvernement représentatif, idée de liberté Selon lui, l'impérialisme britannique a été moins mauvais que les autres impérialismes et devrait constituer le fleuron de l'identité nationale. Edward Saïd, auteur de Culture and Imperialism, affirme que la littérature britannique de Jane Austen à Joseph Conrad, en passant par Charles Dickens, était impérialiste. Cependant, il a été accusé de recourir à des stéréotypes de l'Europe en dénonçant ceux que l'on attribue habituellement à l'Orient. I. L'identité britannique : un enjeu historiographique Pour Mark Connelly, l'empire constitue un signe distinctif reconnu de l'identité britannique. [...]
[...] De plus, l'attitude des Britanniques vis-à-vis de l'Empire aurait été dictée par leur milieu social. Pour Andrew Thompson, il est impossible de concevoir l'histoire britannique comme une simple extrapolation de l'histoire anglaise. Mais il faut tenir compte du caractère pluriel de l'empire comme de la société britannique. Il distingue trois récits structurant l'historiographie britannique : selon le premier, le Royaume-Uni aurait connu un développement différent de celui des autres puissances ; le second récit insiste sur le déclin du royaume et sur la perte de son statut de grande puissance ; enfin, le troisième développe le concept de désintégration, c'est-à-dire que le Royaume-Uni aurait perdu sa raison d'être avec la perte de ses colonies. [...]
[...] Avec les difficultés de l'empire, une certaine idée de l'identité nationale disparaît : une conception communautaire succède à l'enracinement local. D'après Linda Colley, auteur de Britons : Forging the Nation 1707-1837 (1992), l'identité nationale cristallise un patriotisme issu des guerres contre la France, la stabilité des frontières du Royaume-Uni, l'insularité et le protestantisme. Elle s'apparenterait à un parapluie susceptible d'abriter avantageusement d'autres identités galloise, écossaise, irlandaise, etc. Linda Colley employa des sources originales : L'identité britannique, de même que l'Empire britannique, fut imaginée, communiquée, débattue et ancrée dans la mémoire collective au moyen de la pierre, de la toile, des cartes de géographie, des carnets de dessins et de la broderie tout autant qu'au moyen de la parole et de textes écrits ou imprimés Elle installe sa réflexion dans un contexte européen, transatlantique et mondial. [...]
[...] L'identité britannique impériale s'enracina essentiellement dans les institutions (monarchie, armée). Les éléments constitutifs de l'identité britannique (protestantisme, parlement, ruralité, BBC, mémoire populaire de la Seconde Guerre mondiale) auraient perdu beaucoup de leur vigueur à la fin du XXe siècle. Par conséquent, l'incertitude actuelle sur l'identité nationale ne serait pas due à la perte de l'empire. Bernard Porter s'intéresse principalement au XIXe siècle et insiste sur le décalage entre l'image de la Grande-Bretagne à l'étranger perçue comme une puissance impériale et le récit whig véhiculé par les manuels scolaires dans lesquels la Grande-Bretagne se présente comme une nation pacifique, éprise de liberté et de progrès. [...]
[...] L'identité britannique au miroir de l'empire, Revue française de civilisation britannique, Gilbert Millat Sommaire de la fiche I. L'identité britannique : un enjeu historiographique II. Que faire de l'héritage impérial ? L'identité britannique a été triplement remise en cause : - L'idée que l'Empire britannique constitue une entité économique et militaire a été remise en cause depuis l'indépendance de l'Inde en 1947, la crise de Suez en 1956, l'achèvement de la décolonisation en Afrique au début des années 1960 et la fin de la présence britannique à l'est de Suez dans les années 1970. [...]
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