Michel de Certeau, histoire, méthodologie, opération historiographique, approche interdisciplinaire, sémiotique, lieu social, philosophie, déplacement, inversion scripturaire
Michel de Certeau se caractérise par une ouverture interdisciplinaire, qui était déjà perceptible lors de sa formation, puisqu'il va être intéressé par la psychanalyse, ainsi que par la sémiotique. La sémiotique, c'est la science ou plus exactement la discipline qui s'intéresse à la production du sens via l'usage des symboles. Certeau va s'impliquer dans ce courant, qui est assez actif dans les années 1960. D'ailleurs, une partie du texte est tout à fait influencée par ce courant. Enfin, Michel de Certeau est un auteur qui va avoir une renommée internationale. Enseignant à l'Institut catholique de Paris, il va enseigner dans les années 1960 à l'université de San Diego, en Californie, et également au centre d'études expérimentales de Vincennes, qui va devenir l'Université Paris VIII Vincennes, plus tard transférée à Saint-Denis, l'un des hauts lieux d'innovation pédagogique à la fin des années 1960 dans ce climat de crise de l'université française. Enfin, Certeau va achever sa carrière à l'École des hautes études en sciences sociales.
[...] Il est nécessaire de réfléchir sur la position sociale que l'on occupe, d'avoir conscience du fait que ce que l'on dit dépend du lieu social que l'on occupe : comme dit Certeau, la dénégation de la particularité du lieu est le principe de l'idéologie. Faire comme si la place que l'on occupe n'a aucune incidence sur ce que l'on dit, c'est produire finalement un discours idéologique, un discours naïf ou de mauvaise foi, mais un discours idéologique. L'opération historiographique doit donc être consciente de ce lieu social elle doit être réflexive si elle veut être « scientifique ». Le lieu social est donc une des dimensions fondamentales de l'opération historiographique. III. [...]
[...] Selon Certeau, cette logique propre à l'écriture de l'histoire a une fonction rituelle et symbolique : elle est une sorte de « rite d'enterrement », plaçant les morts dans un cadre qui leur donne une signification pour les vivants. L'écriture de l'histoire va donc au-delà de la simple narration : elle symbolise le passé, en lui donnant une forme et une fonction dans le présent. Elle n'est pas seulement descriptive : elle crée une « performativité » du passé, qui en rangeant les morts dans l'espace symbolique du tombeau narratif, place les vivants dans l'espace du présent. [...]
[...] L'autre élément, c'est que parce qu'une écriture de l'histoire ne se résume pas à un récit. Vous allez produire une thèse, une démonstration, et cette démonstration elle-même sera close sur elle-même. Ainsi, il y a une sorte d'inversion, une sorte de tension d'ailleurs, entre l'indéfinition de la recherche et le fait qu'il faut la finir, que l'écriture pose quelque chose de fini dans un mouvement qui ne l'est pas. - La recherche est lacunaire, l'écriture est pleine Enfin, dernier point qui décrit cette inversion scripturaire : c'est que la recherche est lacunaire, et c'est précisément parce qu'elle est lacunaire qu'elle n'est jamais finie. [...]
[...] L'idée de Certeau est que l'histoire a besoin des deux : l'événement (comme origine et rupture) et le fait (comme élément structuré et interprété). Ils sont interdépendants. L'événement donne un point de rupture nécessaire, mais ce sont les faits qui permettent à l'histoire de se développer en un récit intelligible. Ce rapport est qualifié d'« étrange réciprocité » par Certeau, parce que les deux éléments (événement et fait) semblent en tension permanente. L'événement reste une limite de la compréhension (quelque chose qui est toujours en partie opaque), tandis que le fait se construit comme une compréhension de cette limite. [...]
[...] Modèle, écart, limite La pratique historienne est aussi une pratique du modèle et de l'écart. Une pratique du modèle, effectivement, parce que l'historienne et l'historien tentent de donner du sens à l'histoire qu'ils construisent. Ils sont souvent conduits à construire des modèles et des formalisations. Je vous en donne un exemple : le modèle de la première révolution industrielle. C'est un modèle qui, disons-le, est très discuté aujourd'hui, qui est presque obsolète, encore qu'il fasse l'objet de débats ravivés par certains historiens économistes. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture