George Herbert Walker Bush nouvel ordre mondial discours congrès 11 septembre 1990
Dans ce discours au Congrès américain, George Herbert Walker Bush, 41ème président des États-Unis, s'adresse aux membres du Sénat et de la Chambre des représentants réunis. Discours éminemment politique, rediffusé en direct à la radio et la télévision, et profondément remanié pour s'adapter à l'actualité dans le golfe Persique, il est adressé plus largement à ses concitoyens américains, voire au reste du monde. Il s'agit par ailleurs d'un discours qui fera date, et qu'on retient surtout pour être la première évocation d'un « nouvel ordre mondial » comme concept géopolitique, à distinguer du vocable conspirationniste qui a repris l'expression.
L'homme qui prononce ce discours est George Bush. Président républicain depuis janvier 1989, il a succédé à Ronald Reagan, en profitant de la popularité de ce dernier dont le bilan, surtout en matière de politique étrangère avec la politique de réarmement qui conduit à l'essoufflement de l'URSS dans ce domaine, apparaît exceptionnellement positif.
Il renvoie l'image d'un homme de grande expérience : ancien directeur de la CIA, ambassadeur auprès de l'ONU puis de Pékin, sa fonction de vice-président durant les deux mandats de R. Reagan l'a amené à beaucoup voyager, lui apportant une solide expérience en matière de politique étrangère, plus importante que tous ses prédécesseurs ayant accédé à la présidence des États-Unis.
Par ailleurs, quand George Bush arrive au pouvoir, les deux chambres du Congrès sont dominées par une majorité démocrate, ce qui peut expliquer le ton employé dans le présent discours caractérisé sur le plan de la politique intérieure des États-Unis par un appel à l'union, au dépassement des antagonismes politiques.
Le cadre global dans lequel s'insère ce discours est celui d'une ambiance de fin de la Guerre froide, période malgré tout mouvementée et incertaine. Avec l'arrivée de Gorbatchev en 1985, une nouvelle détente s'est instaurée entre les deux grands. Ce dernier a annoncé la mise en place de la Glasnost et de la Perestroïka en URSS, l'abandon de la course aux armements et celui de la doctrine de « souveraineté limitée » qui pesait encore sur les démocraties populaires. Dès lors, le bloc soviétique se désagrège rapidement : lorsque George Bush prononce son discours en septembre 1990, les démocraties populaires sont tombées une à une depuis la chute du mur de Berlin en octobre de l'année précédente, la réunification de l'Allemagne est imminente sans que l'URSS ne s'y oppose plus, les républiques Baltes intégrées à l'URSS ont proclamé leur souveraineté ... Si un effondrement de l'URSS n'est pas nécessairement envisagé, sa pérennité en tant qu'Etat unitaire est remise en cause, et la fin de la guerre froide semble acquise ( Francis Fukuyama publie d'ailleurs en 1989 l'article, The end of history ?, qui préfigure son ouvrage du même nom paru en 1992). Les États-Unis apparaissent déjà comme les grands vainqueurs de la Guerre froide et l'unique superpuissance mondiale. Reste alors à voir quel monde va émerger après près d'un demi-siècle de Guerre froide organisant le monde en un système bipolaire, en sachant que les États-Unis sont désormais les seuls à garder leur stature.
C'est précisément dans ce cadre encore flou et en définition qu'intervient la guerre du Golfe, dans une région déjà relativement instable, marquée par les conflits israélo-arabes en particulier, ainsi que la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988. Il est d'ailleurs à signaler que depuis la révolution islamique de 1979 qui voit l'ayatollah Khomeiny arriver au pouvoir en Iran, Saddam Hussein apparaît comme un allié ''fréquentable'' aussi bien pour les États-Unis que la Grande-Bretagne, la France et l'URSS.
Mais sa politique vis-à-vis du Koweït en 1990 ne laissera pas indifférent, et la crise internationale qui en naît marque le bouleversement et la tentative de reconfiguration des relations internationales au sortir de la Guerre froide. L'Irak émet d'abord des menaces envers le Koweït, dont il ne reconnaît pas l'indépendance datant de 1961, auprès duquel il a également contracté des dettes conséquentes, et dont la production abondante, en faisant baisser le prix du pétrole, dessert l'Irak qui ne peut profiter de sa production pétrolière pour se désendetter Mais Saddam Hussein ne rencontre pour le moment aucune opposition américaine, alors même qu'il amasse des troupes à ses frontières avec le Koweït.
On connaît la suite des événements : début août 1990, l'Irak, profitant de sa supériorité militaire, envahit sans difficultés le Koweït. Les États-Unis obtiennent la condamnation de cette invasion par l'ONU, dont le Conseil de sécurité réclame le retrait des troupes irakiennes par la résolution 660. L'opération Bouclier du désert est mise en place par une coalition menée par les États-Unis, et vise à défendre l'Arabie saoudite contre d'autres velléités expansionnistes de la part de Saddam Hussein. Après de nombreuses résolutions de l'ONU, allant des sanctions économiques au blocus maritime, un ultimatum est posé à l'Irak, expirant le 15 janvier 1991. Devant son refus de quitter le Koweït, l'opération Bouclier du désert fait place à Tempête du désert, réunissant 34 Etats soutenus par l'ONU : un mois de combats plus tard, l'Irak accepte toutes les résolutions de l'ONU et quitte le Koweït.
Dans ce contexte, George Bush intervient donc avec le présent discours au Congrès, un mois après l'invasion du Koweït, après le déclenchement de l'opération Bouclier du désert mais avant le déclenchement de la guerre en elle-même. Il y définit la nouvelle politique étrangère des États-Unis, qui doit se substituer à la logique bipolaire qui a structuré les relations internationales durant la Guerre froide mais est désormais inopérante, les États-Unis apparaissant comme l'unique superpuissance survivante. Ainsi, les États-Unis étant désormais privés d'ennemis, l'enjeu pour George Bush est de proposer une nouvelle doctrine pouvant succéder à l'affrontement des blocs Est et Ouest dans une période encore trouble.
De son discours ressortent trois grands axes pouvant être examinés : d'une part, George Bush définit le « nouvel ordre mondial » qui doit organiser les relations internationales au lendemain de la Guerre froide (I), et définit la place que les États-Unis doivent tenir dans cette nouvelle organisation internationale (II), tout en identifiant un important facteur de crise dans cette ordre post-Guerre froide : le pétrole (III).
[...] Le pétrole, ressource stratégique George Bush affiche ainsi un certain réalisme, malgré le caractère idéologique que peut revêtir à première vue la notion de nouvel ordre mondial Il rappelle l'extrême dépendance vis-à-vis du pétrole étranger de l'économie américaine et, au-delà, de l'ensemble des pays industrialisés, rappel qui peut d'ailleurs renvoyer aux chocs pétroliers de 1973 et 1979 ayant tout deux durement touché les économies développées, et prenant leur source au Moyen-Orient, pour le premier dans une politique volontaire de l'OPEP, et pour le second dans la révolution iranienne et la guerre Iran-Irak qui a succédé et déstabilisé la région. C'est ainsi cette prise de conscience de la dépendance américaine au pétrole de la péninsule arabique qui fonde aussi la décision d'intervenir contre l'invasion du Koweït. George Bush l'explique de façon explicite en affirmant ne pas pouvoir permettre qu'une ressource aussi essentielle soit dominée par un être aussi tyrannique : en effet, Saddam Hussein, en occupant le Koweït, détenait alors avec les ressources irakiennes près de 20% des réserves mondiales prouvées de pétrole. [...]
[...] Bibliographie - Manuels généraux : BERNSTEIN Serge et MILZA Pierre, Histoire du XXe siècle, Tome La fin du monde bipolaire, Paris, Hatier VAÏSSE Maurice, Les relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Collin DROZ Bernard et ROWLEY Anthony, Histoire générale du XXe, Crises et mutations de 1973 à nos jours, Paris, Seuil GARCIN Thierry, Les Grandes questions internationales depuis la chute du mur de Berlin, Paris, Economica DUROSELLE Jean-Baptiste, KASPI André, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, Tome Paris, Armand Collin - Sur la politique étrangère des États-Unis : NOUAILHAT Yves-Henri, Les États-Unis et le monde au XXe siècle, Paris, Armand Collin DELAPORTE Murielle, La politique étrangère américaine depuis 1945, l'Amérique à la croisée de l'histoire, Bruxelles, Editions Complexe - Articles : CALLEO David P. Les États-Unis peuvent-ils s'offrir un nouvel ordre mondial Le Débat n°69. [...]
[...] Mais dans ce nouvel ordre mondial, il reste à déterminer la place que doivent tenir les États-Unis, superpuissance qui ressort victorieuse de la Guerre froide touchant à sa fin. Le discours de George Bush se fait à ce sujet relativement ambiguë, avec deux positions possibles pour les États- Unis : la plus mise en avant est celle d'un État garant du système multilatéral organisé autour du droit international mais on peut voir se dessiner en filigrane une américaine plus hégémonique, le nouvel ordre mondial reposant essentiellement sur le modèle défendu par les États-Unis durant la Guerre froide et sur sa politique active de par le monde A. [...]
[...] Lorsqu'il accède au poste de premier secrétaire du PCUS, l'URSS est économiquement ruinée, en grande partie du fait de la poursuite de la course aux armements relancée par Reagan. Ses politiques de réforme intérieure, Glasnost et Perestroïka, vont de pair avec une nouvelle détente avec les États-Unis qui s'expriment par des accords de désarmement notamment. Les démocraties populaires quittent une à une le giron soviétique, et l'URSS elle-même voit son unité menacée lorsque ses États Baltes proclament leur souveraineté. C'est dans ce cadre qu'intervient la crise provoquée par l'invasion du Koweït : l'URSS n'a alors plus les moyens de soutenir le moindre conflit contre les États- Unis, trop occupée par ses propres difficultés internes. [...]
[...] C'est précisément par ce que Saddam Hussein menace cette nouvelle ère de paix que George Bush justifie l'intervention contre l'invasion du Koweït : un État ne doit pas pouvoir dévorer ses voisins plus faibles impunément. On trouve donc là en apparence, à l'encontre d'un certain réalisme, une composante idéologique au monde post-Guerre froide prôné par George Bush, qui appuie son affirmation en dénonçant par ailleurs le programme nucléaire irakien et la détention d'armes chimiques. II Les États-Unis dans le nouvel ordre mondial : garants d'un système multilatéral ou gendarmes du monde ? [...]
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