Nous étudions un discours de Robespierre tenu, le 2 janvier 1792, à la tribune du Club des Jacobins en réponse à Brissot. Ce discours s'inscrit dans une confrontation entre ces deux orateurs influents du Club débutée par un discours de Brissot, à cette même tribune, le 16 décembre 1791. Si ce débat se déroule au Club des Jacobins, c'est que Robespierre, avocat d'Arras et ancien constituant, ne siège pas à la Législative du fait des décrets adoptés, à son initiative, les 16 et 18 mai 1791 sur la non-réélection des membres de la Constituante à la prochaine législature. De retour d'une visite triomphale à Arras, Robespierre retrouve Paris agité par la question de la guerre contre les Electeurs et les émigrés rassemblés aux frontières. Le discours qu'il tient le 2 janvier s'inscrit dans toute une série d'interventions au cours desquelles il s'était donné pour mission « d'éclairer la nation sur ses véritables intérêts » (l. 7) en tentant de démontrer les périls qui, selon lui, menaçaient la Révolution derrière l'attitude belliqueuse des Brissotins. Un bellicisme lui apparaissant d'autant plus menaçant qu'il était partagé par toute la « coalition des ennemis » du nouveau régime.
Contre « cette hydre qui se nourrit de la substance des peuples » Robespierre s'élevait déjà avec force, en mai 1789, dans son Dire sur le veto : « L'aristocratie vit encore au milieu de nous : déjà, pleine d'une confiance nouvelle, elle relève cent mille têtes menaçantes, et médite de nouvelles trames pour rétablir son pouvoir sur les vices mêmes de la Constitution naissante. » Aussi, Robespierre estime-t-il qu'en proposant la guerre, la Cour « le rapporte à son plan » (l. 36), et que Brissot, Jacobin, député à la Législative et chef de file des partisans de la guerre au sein de l'Assemblée nationale est soit victime d'un « malentendu » soit de mauvaise foi dans son argumentation. Tout au long du discours Robespierre s'interroge, plus ou moins explicitement, sur les motivations profondes de celui-ci.
Outre la question de la guerre ou de la paix, quelles oppositions sous-jacentes laissent entrevoir les discours contradictoires de deux des plus brillants orateurs du moment au sein du Club des Jacobins ?
[...] Interroge Robespierre. Non, vous n'en connaissez pas, vous ne connaissez que Coblence. N'avez-vous pas dit que le siège du mal est à Coblence ? Il n'est donc pas à Paris ? Il n'y a donc aucune relation entre Coblence et un autre lieu qui n'est pas loin de nous Voilà le vice (l. 14) du raisonnement de Brissot dont s'inquiète Robespierre. Un point fondamental (l. 16) sans cesse évité, aboutissant à l'élévation de tout un système sur une base absolument ruineuse (l. [...]
[...] Dès 1789, Artois intrigua, sans succès, auprès des souverains européens auxquels il soumettait des plans d'invasion. Malgré ses déconvenues (il ne parvint par à imposer à Léopold et Frédéric-Guillaume la rédaction d'un texte se présentant comme une véritable déclaration de guerre à la Révolution) cela ne freina pas ses ardeurs : interprétant à sa manière la déclaration de Pillnitz, il la fit circuler en France accompagnée d'un manifeste en forme d'adresse au roi. Il y priait le souverain de se consoler de ses malheurs en apprenant que les puissances conspirent et que l'assistance de toute l'Europe lui est acquise. [...]
[...] Outre les émigrés, Robespierre note que la guerre avait les faveurs de la cour (l.33). En effet, s'ils n'eurent pas l'initiative, Louis XVI et Marie-Antoinette contribuèrent à la marche vers la guerre[7] Dès le début de la Révolution, Louis XVI avait dépêché des émissaires (dont le baron de Breteuil) auprès des souverains européens afin de réclamer leur concours. Pourquoi ? (l. 28) Pour certains, les véritables intentions de la cour étaient de voir les souverains se réunir en congrès (appuyé d'un rassemblement de forces) destiné à intimider les révolutionnaires plus qu'à les attaquer. [...]
[...] Ironie du sort, c'est la guerre qui lui coûtera le pouvoir, favorisant le retour des comtes de Provence et d'Artois dans les fourgons des coalisés. Tout comme cette citation tirée du discours in extenso de Robespierre du 2 janvier 1792, nous serons amenée, par la suite, à nous appuyer sur des passages du discours non reproduits dans le polycopié pour, d'une part, mieux comprendre l'argumentation de Robespierre et d'autre part entrevoir les tenants de l'opposition naissante entre ce dernier et Brissot. Un astérisque en signalera les occurrences. Version Hamel-Louis Blanc et Gadet-Lamartine. Ernest Hamel, Histoire de Robespierre, 1865- vol. [...]
[...] Il annonça qu'une armée de hommes serait placée sous le commandement de La Fayette, Luckner et Rochambeau. Quant à lui, il allait aux frontières pour se rendre compte de l'état des troupes. Je sais, conclut-il, qu'on voudra encore exciter des méfiances, que parmi les hommes qui ont proposé les mesures que le roi vient de prendre, il en est qui se disposent à les combattre ; mais vous résisterez à ce système dangereux Brissot à la Législative et Robespierre prévenu, au club des Jacobins, du discours du ministre, se sentirent, tous deux, mis en cause. [...]
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