Cet article d'Habib Bourguiba fait écho à la politique suivie par le Front Populaire, et plus particulièrement une déclaration de M. Viénot, alors sous-secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères, chargé des mandats (Syrie, Liban, Tunisie, Maroc). Paru dans L'Action Tunisienne le 23 décembre 1936, il expose les revendications du leader Bourguiba, qui s'inscrivent dans un contexte de renforcement du débat sur la place des colonies au moment du Front Populaire. Habib Ibn Ali Bourguiba, né à Monastir en 1903, s'imposa comme l'interlocuteur majeur des négociations qui aboutirent, pour la Tunisie, à l'autonomie interne (1955) puis à l'indépendance (1956). Auréolé du prestige du « Combattant Suprême », militant du Destour puis créateur du Néo-Destour (1934), il fut plusieurs fois arrêté par les autorités françaises. Après que des traités avec la Syrie et le Liban étaient conclus en novembre-décembre, Bourguiba cherche ici à exploiter la nouvelle conjoncture politique française. En outre, le projet Blum-Violette, proposant la nationalité française et les droits politiques à certains musulmans algériens, a été rejeté par l'Assemblée, notamment les partis de droite ; l'opposition est donc forte entre les colons, très attachés à leurs prérogatives, et les autochtones, souhaitant exercer une plus grande influence dans l'administration de leur pays.
Dans un premier temps, Bourguiba dénonce l'opposition entre l'opinion tunisienne et les colonialistes convaincus, qui font blocage dans la vie politique du Front Populaire (l.1-15). Malgré sa volonté de contenter les deux parties (l.16-30) et sa politique ambiguë qui cherchait jusqu'à maintenant à étouffer le problème, des réformes semblent être à l'ordre du jour. Puis, des lignes 31 à 50, Bourguiba expose les revendications du Parti Destourien : l'autonomie puis l'indépendance du peuple tunisien. Enfin, la volonté de coopération pour préparer l'avenir est mise en évidence à partir de la ligne 50.
Habib Bourguiba est le fondateur du parti du Néo-Destour, en 1934, ainsi que la même année du journal l'Action Tunisienne. Le Destour («Constitution» en arabe) est le parti de l'indépendance en Tunisie. Il cherche à lutter contre une représentation autochtone purement symbolique dans la vie politique locale, et qui ne bénéficie dans la pratique d'aucun pouvoir décisionnaire.
La présence française en Tunisie est ancienne ; en 1878, les congressistes de Berlin avaient offert la Tunisie à la France, qui ne se précipita pas pour en prendre possession. En 1881, Bismarck, qui ne voulait pas voir l'Angleterre maîtresse de tous les verrous méditerranéens, pressa Paris d'intervenir, menaçant, en cas de tergiversation, de soutenir les prétentions italiennes. Le gouvernement français décida donc de prendre le contrôle de la Tunisie. Ce fut chose faite le 12 mai 1881, quand les 35000 soldats qui avaient pénétré en territoire tunisien le 24 avril se présentèrent devant le palais du Bardo, résidence du Bey. Ce dernier n'eut que deux heures pour étudier et signer le traité du Bardo qui faisait du pays une dépendance française, même si la Tunisie ne devint officiellement un protectorat français qu'en 1883. Du fait des appétits coloniaux italien, portugais, anglais, le régime mis en place ne devait pas soumettre la population tunisienne, du fait du poids de la concurrence européenne. Le bey de Tunis resta en place, mais les réformes furent menées par la France ; malgré la main-mise de la France sur les finances du bey, la Tunisie restait un Etat. Le protectorat place effectivement les chefs indigènes comme intermédiaires avec les autorités de la métropole.
Le gouvernement français est tiraillé entre deux orientations contradictoires qu'il lui est difficile de concilier. On voit dans cet article l'opposition fortement marquée entre les colons installés en Tunisie et la population autochtone, affirmant à travers Bourguiba ses revendications, en particulier sa volonté d'indépendance. Le leader politique du Parti Destourien fournit des propositions de voies d'indépendance. Mais la position du Front Populaire reste marquée par le compromis, visant à conserver la Tunisie face à la montée des périls européens, sans créer une situation supplémentaire de tension au sein de l'empire colonial français.
[...] Bibliographie _Les armes retournées, colonisation et décolonisation française, André Noushi, éd Belin _Culture coloniale, la France conquise par son Empire 1871-1931, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, éd Autrement _L'Afrique au 20e siècle, Hélène d'Almeida Topor, éd Armand Colin. [...]
[...] Dans un premier temps, Bourguiba dénonce l'opposition entre l'opinion tunisienne et les colonialistes convaincus, qui font blocage dans la vie politique du Front Populaire (l.1-15). Malgré sa volonté de contenter les deux parties (l.16-30) et sa politique ambiguë qui cherchait jusqu'à maintenant à étouffer le problème, des réformes semblent être à l'ordre du jour. Puis, des lignes 31 à 50, Bourguiba expose les revendications du Parti Destourien : l'autonomie puis l'indépendance du peuple tunisien. Enfin, la volonté de coopération pour préparer l'avenir est mise en évidence à partir de la ligne 50. [...]
[...] Les journaux de la Prépondérance ont préféré monter en épingle la première partie des déclarations du Ministre, quitte à passer sous silence la deuxième partie. Quant à nous, qui n'avons partie liée avec personne, et qui n'avons rien à cacher à qui que ce soit, nous n'userons pas de pareils procédés. Notre position vis-à-vis de la France et vis-à-vis du Protectorat est connue de tous, de M. Viénot en particulier. Que ce soit sous la tente de Borj-Leboeuf ou dans les salons du Quai d'Orsay, nous avons toujours affirmé que le but de notre Parti est de voir mettre fin à l'oppression politique et à l'exploitation économique qui empoisonnent depuis un demi-siècle les rapports de la France avec le peuple tunisien. [...]
[...] Source : Habib Bourguiba, Ma vie, mon œuvre (1934-1938), Plon pages 259-261. Introduction Cet article d'Habib Bourguiba fait écho à la politique suivie par le Front Populaire, et plus particulièrement une déclaration de M. Viénot, alors sous-secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères, chargé des mandats (Syrie, Liban, Tunisie, Maroc). Paru dans L'Action Tunisienne le 23 décembre 1936, il expose les revendications du leader Bourguiba, qui s'inscrivent dans un contexte de renforcement du débat sur la place des colonies au moment du Front Populaire. [...]
[...] Du fait des appétits coloniaux italien, portugais, anglais, le régime mis en place ne devait pas soumettre la population tunisienne, du fait du poids de la concurrence européenne. Le bey de Tunis resta en place, mais les réformes furent menées par la France ; malgré la main-mise de la France sur les finances du bey, la Tunisie restait un Etat. Le protectorat place effectivement les chefs indigènes comme intermédiaires avec les autorités de la métropole. Le gouvernement français est tiraillé entre deux orientations contradictoires qu'il lui est difficile de concilier. [...]
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