Nous sommes ici à la fin des Mémoires, au livre VII. Commynes réalise son premier séjour vénitien d'octobre 1494 à juin 1495, le plus long qu'il ait jamais fait en Italie, et au cours duquel va s'imposer à lui la splendeur de Venise. Il y est envoyé par Charles VIII comme ambassadeur, et est accueilli à la mesure de celui qu'il représente. Ce chapitre est consacré à la description de Venise et de l'accueil qui lui est réservé. Dans le chapitre précédent, le Roi vient de remporter une victoire à Naples, et dans le suivant Commynes développe le contenu exact de sa mission à Venise. Ici Commynes prend donc le temps de raconter les circonstances de son arrivée sur place, l'accueil qui lui est fait, la situation géographique de la ville, ses instituions, le mode de fonctionnement de son gouvernement, dont il analyse en profondeur les mécanismes et sur lequel il porte un jugement très positif.
Cette attention portée au détail révèle une fascination de Commynes pour cette cité triomphante. La précision de la description s'explique par la quasi-contemporanéité des événements et de la rédaction des Mémoires (1494/1496). Le contexte prend ici beaucoup d'importance car alors qu'en 1494 Charles VIII est victorieux, vient de prendre Naples suite à une campagne fulgurante, en 1496 il est de retour en France, la garnison française de Naples est entourée à Atella et défaite par Gonzalve de Cordoue. Cette défaite s'explique par la formation d'une coalition du pape Alexandre VI, du roi d'Aragon Ferdinand le catholique de la République de Venise et de Sforza Duc de Milan. Soulignons donc que la neutralité légendaire de Venise, qui participe du mythe politique de Venise, encore valable en 1494 n'est plus à l'ordre du jour en 1496. La question qui nous intéresse donc tout particulièrement ici est de déterminer en quoi Commynes décrit-il Venise comme une cité idéale.
[...] Un premier élément de comparaison est développé lors de la description du trésor vénitien de la chapelle Saint Marc &6. D'anciennes reines vénitiennes portaient ces bijoux mais ont été enlevées par des brigands venus d'Istrie ou du Frioul. L'épisode est à rapprocher de l'enlèvement des Sabines, qui fait partie des mythes sur la fondation de Rome. En effet, pour Joël Blanchard, les deux légendes sont des mythes de préservation de la fertilité : les femmes sont nécessaires à la procréation et donc à l'existence d'une descendance. [...]
[...] Ainsi, l'histoire de Venise serait l'amélioration de l'histoire romaine. La différence on l'a vu, réside dans la participation de la société civile à la guerre. C'est dans cette comparaison que Commynes pousse le plus loin sa réflexion politique : pour lui, si personne n'affirme sa prééminence par les armes, personne ne revendique pouvoir et autorité, raison pour laquelle les Vénitiens ne connaissent pas de dissension civile. Ainsi, les Vénitiens ont tiré les leçons du passé, et leur prudence permet d'enrayer cette menace qui pèse sur tous les Etats. [...]
[...] Commynes met l'accent sur la surprise des Italiens devant la rapidité de l'avance française dans la péninsule : il souligne le contraste entre une entreprise guerrière aventureuse rapide mais fragile et le caractère progressif d'une croissance sans improvisation et assurée. : quand le Roi vint en Italie, ils ne pouvaient pas croire qu'on prît ainsi les places fortes, ni en si peu de temps, car ce n'est pas leur manière. Ils ne sont pas pour s'accroître en hâte. . qui s'appuie sur un arsenal particulièrement efficace . Non seulement cet arsenal est magnifique &6la plus belle chose qui soit dans le monde entier, mais il est surtout particulièrement efficace car il est le mieux organisé pour cette activité. [...]
[...] Nous reviendrons sur la façon dont Commynes juge ce mode gouvernement, mais expliquons la logique vénitienne. (Joël Blanchard) Ce mode de gouvernement et cette stratégie militaire permettent de façon très efficace la défense et la conservation de l'Etat. Il a un effet important sur la stabilité, car la crainte de voir les nobles s'engager individuellement dans les affaires militaires et arborer des prétentions incompatibles avec l'esprit traditionnel de la noblesse a conduit à établir une structure officielle qui conserve l'armée à distance et sous contrôle. [...]
[...] Il y a 4 ordres mendiants paroisses et de nombreuses confréries. Et bien sûr, le plus beau de tous, la Chapelle Saint Marc décrite au &5. Fonde la prospérité Commynes parle de Venise comme de la cité où l'on s'acquitte le plus solennellement du service de Dieu. Et même s'il peut y avoir des défauts, je crois que Dieu leur vient en aide, en raison de la révérence qu'ils portent au service de l'Eglise. Ainsi pour Commynes, c'est la profonde piété dont Venise fait preuve qui est à la source de sa prospérité et de son opulence sereine. [...]
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