Empire Byzantin, Chronographie, Théophane le Confesseur, coup d'État de Phocas, géopolitique
Dans le quatrième tome de l'Histoire du christianisme qu'il dirige en 1993, Gilbert Dagron écrit : « Les civilisations se forgent dans les crises, et Byzance au VIIe siècle vit la plus grande crise de son histoire ». L'historien résumait ainsi une période de troubles persistants que connaît l'Empire byzantin à partir de la fin du règne de Justinien, qui se poursuit tout au long du VIIe siècle, amplifiée par l'apparition de l'islam. Il relevait toutefois qu'il s'agissait d'un moment décisif, d'une période charnière entre l'Antiquité tardive et le Moyen-Âge, où l'héritage romain, sans être jamais renié par les contemporains, s'estompait progressivement pour laisser place à une identité byzantine aux caractéristiques propres. C'est précisément de cette évolution que rend compte notre texte, qui relate la crise de la légitimité impériale ouverte en 602 par le coup d'État de Phocas, qui met un terme sanglant au règne de l'empereur Maurice.
[...] De fait, c'est bien ce soulèvement qui conduit au coup d'État de Phocas et à la fin du règne de Maurice. Le coup d'État D'une simple rébellion, l'événement change de nature dès lors que les troupes « choisirent Phokas comme représentant, et [ . ] l'acclamèrent comme chef » (l. 17-18). De fait, l'héritage de l'Empire romain veut que l'acclamation par l'armée soit un rituel préalable à l'accession au trône impérial. Bien que Théophane ne le précise pas, il est probable que Phocas ait été acclamé « empereur » par les soldats de l'armée des Balkans. [...]
[...] Ce détail mentionné par Théophane suggère toute l'importance du decorum qui préside à l'exercice de la fonction impériale. À l'inverse, les Verts vont à la rencontre de Phocas avec « de grande acclamations », et le convainquent de venir à l'Hebdomon, aux portes de Constantinople, pour faire reconnaître son autorité. À cet instant, Phocas a donc obtenu l'acclamation d'une partie de l'armée et d'une faction des citoyens, alors que la population de Constantinople a chassé Maurice de son palais. En position de force, il organise donc officiellement son acclamation et son couronnement. [...]
[...] Les acquis sont toutefois fragiles, de sorte qu'en 602, comme nous l'explique le texte, Maurice est contraint d'envoyer « son frère Pierre combattre les Avars sur l'Ister » (l. c'est-à-dire sur le Danube. C'est lors de ces opérations menées par le frère de l'Empereur que se déclare une révolte au sein de l'armée. Le texte évoque de graves difficultés rencontrées par les troupes : « l'armée subit le froid, la pluie et la faim, Maurice refusant de ravitailler son armée » (l. [...]
[...] L'événement est ainsi un moment décisif du point de vue de la définition des fondements de la légitimité impériale à Byzance, au tournant des VI[e-]VII[e] siècles, entre l'héritage romain des principes d'élection par le Sénat et d'acclamation par l'armée et le peuple, le couronnement par le patriarche, ou encore l'hérédité dynastique. Nous pouvons donc nous demander dans quelle mesure le récit de la prise de pouvoir de Phocas que nous livre Théophane est révélateur des fondements de la légitimité impériale byzantine. Dans un premier temps, nous évoquerons les éléments du contexte de la fin du règne de Maurice qui conduisent à la révolte de l'armée de Thrace. Nous nous intéresserons ensuite au déroulement violent du coup d'État de Phocas. [...]
[...] La crise de la légitimité impériale qui s'ouvre avec le coup d'État de Phocas et la chute de Maurice, aura pour conséquence une accentuation progressive de la dimension chrétienne de la fonction impériale et de l'idéologie qui la légitime. Bibliographie DAGRON Gilbert (dir.), Histoire du christianisme. Evêques, moines et empereurs, Desclée, vol MANGO Cyril, SCOTT Robert, The Chronicle of Theophanes Confessor, Clarendon Press, Oxford MORRISSON Cécile, Le monde byzantin I. L'Empire romain d'Orient (330-641). Presses Universitaires de France, « Nouvelle Clio » ROBERT, Olivier, « La prise de pouvoir de l'empereur Phocas, entre coup militaire et insurrection populaire », Porphyra, Actes de la Journée d'étude byzantine « Violence autour de Byzance », pp. [...]
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