Tal Bruttmann, historien : "Le Hamas a conçu, en amont, une politique de terreur visuelle destinée à être diffusée dans le monde entier" - Anne Chemin (2023)

Thèmes abordés

Tal Bruttmann, Hamas, Anne Chemin, Déluge d'al-Aqsa, Gaza, antisémitisme, israël, guerres israélo-arabes

Résumé du document

Le 7 octobre 2023, le Hamas a lancé l'opération « Déluge d'al-Aqsa » depuis Gaza. Cet assaut s'est traduit par des attaques aériennes et terrestres dans plusieurs zones frontalières israéliennes. L'événement a fait l'objet d'une couverture médiatique importante. Dans un article du Monde du 29 novembre 2023, Anne Chemin propose un entretien avec l'historien spécialiste de la Shoah et de l'antisémitisme en France au XXe siècle, Tal Bruttmann. Nous en proposerons une recension et une critique.

Extraits

[...] Le Hamas et les Nazis sont foncièrement différents. Plus encore, rapprocher tous les événements de la Shoah peut empêcher de saisir leur singularité. L'historien a raison de rappeler que la haine contre les Juifs s'est traduite différemment selon les époques et les lieux, et que le Hamas et les Nazis ne peuvent être amalgamés. Bruttmann tend à expliquer l'attaque par « l'antisémitisme » et à affirmer que le but était « de tuer le plus de juifs possible ». Il rappelle que la chartre initiale du Hamas renvoie aux Protocoles des sages de Sion et à des théories complotistes antisémites. [...]

[...] À juste titre, Bruttmann suggère que le Hamas ne peut être amalgamé au peuple palestinien. Iris Lambert rappelle que la terminologie « terroriste » pose aussi problème : cette notion fait l'objet d'un flou sémantique et son usage peut conduire à « réduire des dynamiques sociales et politiques à des événements uniques et choquants », en omettant notamment de considérer l'évolution des tensions entre le Hamas et Israël, et à « en faire une dynamique fondamentalement extrinsèque à nos systèmes politiques et éthiques et face à laquelle les règles habituelles de retenue et de protection ne s'appliquent plus »3, au risque de minimiser, voire de légitimer la violence des représailles perpétrées contre Gaza. [...]

[...] Avec Bruttmann, il nous semble donc prudent d'employer les termes les plus neutres possible et de préférer l'expression « crime de masse », voire même d'éviter le terme « terroriste ». Un second enjeu consiste à rappeler que plusieurs formes d'antisémitisme existent et qu'il est impropre de rapprocher le Hamas et le 7 octobre, respectivement, des Nazis et de la Shoah. Bruttmann indique que l'on tend à chercher à comprendre tous les actes violents visant des Juifs à l'aune de la Shoah. Pourtant, le nazisme est irréductible à l'antisémitisme. [...]

[...] Tal Bruttmann, historien : "Le Hamas a conçu, en amont, une politique de terreur visuelle destinée à être diffusée dans le monde entier" - Anne Chemin (2023) Le 7 octobre 2023, le Hamas a lancé l'opération « Déluge d'al-Aqsa » depuis Gaza. Cet assaut s'est traduit par des attaques aériennes et terrestres dans plusieurs zones frontalières israéliennes. L'événement a fait l'objet d'une couverture médiatique importante. Dans un article du Monde du 29 novembre 2023, Anne Chemin propose un entretien avec l'historien spécialiste de la Shoah et de l'antisémitisme en France au XXe siècle, Tal Bruttmann. [...]

[...] Rappeler la dimension antisioniste du Hamas aurait permis de mieux faire comprendre la singularité des événements du 7 octobre. Enfin, l'entrevue distingue les caractéristiques spécifiques de cette attaque. Selon Bruttmann, sa première particularité est qu'elle s'est déroulée en Israel, faisant « voler en éclat » l'espérance que cet État constitue « un havre protecteur pour les Juifs du monde entier ». Il s'agit effectivement de l'attaque de la plus grande ampleur qu'a essuyée Israël depuis la création du Hamas en 1987 : plus d'un millier d'Israéliens, dont une grande majorité de civils, ont trouvé la mort. [...]