L'année 1938 est caractérisée par une escalade des tensions en Europe qui, comme on le sait, mèneront un an plus tard au conflit le plus meurtrier que le monde ait jamais connu. Dès 1938, la plupart des pays européens se rendent compte que le conflit devient peu à peu inéluctable. En effet, les ambitions territoriales de Hitler, en Allemagne, inquiètent ses voisins, à juste titre, puisque l'Anschluss, c'est-à-dire l'annexion de l'Autriche à l'Allemagne, est proclamée au mois de mars, et que les Sudètes, territoire tchécoslovaque peuplé d'une majorité d'Allemands, sont rattachés « de force » à l'Allemagne au mois de septembre.
De plus, en 1935, Hitler avait rompu une des clauses fondamentales du traité de Versailles, en annonçant la remilitarisation de l'Allemagne. C'est pourquoi nombreux sont les pays européens qui signent entre eux des pactes d'alliance, visant à garantir leur sécurité mutuelle, et établissent une mobilisation partielle de leurs effectifs.
La guerre n'a donc pas encore commencé, mais tous les pays s'organisent déjà pour ne pas être pris au dépourvu une fois celle-ci déclarée. C'est notamment le cas en France, où le troisième gouvernement Daladier décide de voter le 11 juillet 1938 la loi sur l'organisation de la nation pour le temps de la guerre. Le texte que nous allons étudier est extrait du décret du 28 novembre 1938 portant règlement d'administration publique pour l'application de cette loi.
[...] Cette loi sera reprise par le régime de Vichy: l'organisation de la production mise en place par le régime de Vichy s'inspire de ce que proposait la loi sur l'Organisation générale de la nation pour le temps de guerre, promulguée le 11 juillet 1938. La répartition des ressources est organisée par l'Etat, d'autant plus que la pénurie s'aggrave avec les charges de l'Occupation. Cette loi revêt par ailleurs un caractère exceptionnel dans la mesure où elle prévoit une limitation des libertés individuelles, ce qui se produit assez rarement dans le droit français. [...]
[...] L'organisation de la nation en temps de guerre est donc entièrement décidée dès le temps de paix. Un ministre désigné en temps de paix, est chargé de la liaison étroite avec les ministres utilisateurs en ce qui concerne la circulation des renseignements nécessaires, le recrutement de la main-d'œuvre dans les catégories requises, la répartition entre les services de la main- d'œuvre disponible, la réglementation générale des conditions de travail et du contrôle de la main-d'œuvre (article 54 de la loi). [...]
[...] Le droit de réquisition exercé dans le cadre du décret sur l'organisation de la nation en temps de guerre entraîne également une limitation temporaire du droit de grève. En vertu de la loi du 11 juillet 1938, une situation d'urgence peut justifier que les autorités gouvernementales, détentrices du pouvoir d'appliquer le droit de réquisition, suspendent le droit de grève et mobilisent la main-d'oeuvre nécessaire. On peut également voir une limitation des libertés individuelles dans l'hégémonie étatique conférée par ce décret. [...]
[...] Le droit de réquisition ne s'effectue pas n'importe comment, mais s'exerce dans le cadre de conditions très clairement définies par avance: La loi du 11 juillet prévoit que les mesures seront prises soit dans le cas d'agression manifeste mettant le pays dans la nécessité de pourvoir à sa défense, soit dans les cas prévus par le pacte de la Société des Nations, soit en période de tension extérieure lorsque les circonstances l'exigent (article 1er). Les mobilisations concernent les ressortissants français de sexe masculin de plus de 18 ans, choisis selon leur profession ou aptitudes physiques et intellectuelles. Le droit de réquisition peut être partiel ou général, selon les circonstances. Tout est décidé en Conseil des ministres (cf. [...]
[...] La question que nous nous poserons ici est celle de savoir de quelle manière l'Etat se prépare pour soutenir l'effort de guerre dès 1938. Nous verrons tout d'abord que ce décret marque la volonté de l'Etat de pallier les manques que le pays avait connus au cours de la Première Guerre mondiale. Puis nous montrerons que cette loi, en prévision d'une situation d'urgence, donne à l'Etat des pouvoirs très étendus Les leçons de la Première Guerre mondiale a. Une loi promulguée pour pallier les manques de 1914-1918 Au cours de la Première Guerre mondiale se développe un certain étatisme, avec une extension des attributions de l'Etat, notamment au niveau économique, et la mobilisation d'usines et d'ateliers. [...]
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