La vie quotidienne des enfants romains nous est très mal connue. En effet, nous ne disposons pas de témoignages directs autres que ceux des adultes sur leur quotidien. Sous l'Empire cependant, la figure de l'enfant semble prendre une plus grande place dans la politique, du fait des ambitions dynastiques d'Auguste. Ce mouvement se reflète dans les épitaphes funéraires, celles concernant les enfants devenant plus nombreuses, à Rome comme dans l'Empire. Ces épitaphes et ensuite les monumenti élevés à la mémoire des enfants de la Ville, ne serait-ce que du seul fait de leur existence, montrent combien les impubères peuvent être chéris et pleurés.
Ce dossier va donc tenter de monter comment, d'Auguste au début du IIIe siècle apr. J.-C., et dans le contexte d'une mortalité effrayante à laquelle les adultes n'étaient pas innocents, s'est développée en particulier à Rome une affection grandissante pour les enfants, qui s'est manifestée dans leurs tombeaux. Afin de maintenir un ensemble pertinent, j'ai écarté de mon champ d'analyse les pratiques funéraires chrétiennes, liées à des croyances éloignées de celle de la cité. De plus, j'ai tenté de me limiter le plus possible aux exemples issus de Rome, même si des exemples d'autres régions de l'Empire ont été aussi utilisés, lorsqu'ils étaient plus significatifs. Bien entendu, ces exemples provinciaux ne furent sélectionnés qu'après qu'il ait été vérifié qu'ils représentaient bien les idées exprimées de manière plus fragmentaire ou plus vague dans les épitaphes ou monumenti de Rome.
[...] VI d'une collection d'épitaphes de mères à leurs enfants étaient dédiées à des enfants de zéro à quinze ans, et sur ces étaient dédiées à des enfants de dix ans et moins. De plus, dans seulement 21 de ces 88 épitaphes, les pères se joignaient aux mères. Ainsi, ce n'est que dans environ un quart des épitaphes que les pères sont mentionnés comme dédiant le monument funéraire à leur enfant. Cela n'est pas étonnant si on met ces chiffres en rapport avec le fait que ce sont les femmes qui doivent pleurer les enfants et non les hommes. [...]
[...] Buste en marbre du IIe siècle. Source: B. Rawson, the Roman family in Italy, p 228. Sesterce romain de Drusus, fils de Tibère, datant de 23 apr. J.-C . On peut voir les jumeaux de Drusus émergeant d'une corne d'abondance. (source : RAWSON B . [...]
[...] Sénèque fait allusion au même découpage dans la lettre 24 du livre III des Lettres à Lucilius : Infantiam amisimus, deinde pueritiam, deinde adulescentiam. Usque ad hesternum quidquid transit temporis perit; hunc ipsum quem agimus diem cum morte diuidimus. Nous laissons s'échapper la petite enfance, puis l'enfance, puis l'adolescence ; tout le temps passé jusqu'à ce jour est perdu pour nous, et même ce jour présent, nous le partageons avec la mort. Malgré tout, toutes ces données restent très floues : on ne sait pas, à moins qu'il soit fait mention de l'âge de l'infans, s'il est plus proche de sa naissance ou de son septième anniversaire. [...]
[...] Parallèlement, dans des monuments comme l'Ara Pacis Augustae, les premières représentations du petit Caius César né en 17 avant JC et du jeune Germanicus font leur apparition dans l'art officiel, ouvrant le chemin à des représentations d'enfants dans l'art privé et plus précisément funéraire. Partie de la frise de procession de l'Ara Pacis Augustae montrant les adultes et les enfants de la famille d'Auguste. Source : DIXON S. ,The Roman mother, pl-2. De plus, en littérature, Virgile, qui exprima si bien la politique d'Auguste dans son Enéide, dépeint un Enée faisant preuve de pietas envers son père Anchise, mais aussi envers son fils Ascagne : omnis in Ascanio cari stat cura parentis. [...]
[...] Être enfant à Rome, c'était s'inscrire dans un panel entier d'identités, de relations sociales et/ou affectives, de devoirs et peu à peu de droits. En effet, un glissement s'est opéré sous l'Empire, avec un passage de l'utilisation de l'image de l'enfant pour des fins politiques à un souci de ses droits et de son bien-être, ainsi que le prouve des divers articles du Digeste. Les écrits restent dédicateurs et dédicataires Dès la période augustéenne, les inscriptions funéraires commençaient presque toutes selon le même schéma, avec tout d'abord l'évocation des Dieux Mânes plus ou moins abrégée : D(is) M(anibus) (S(acrum)) Suivie du nom de la personne défunte au nominatif, génitif ou datif, qu'il s'agisse d'un adulte ou d'un enfant ou d'une personne âgée, puis son âge. [...]
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