Le regard, l'être et l'apparence dans l'Optique de l'Antiquité, Gérard Simon, science grecque antique, Euclide, Ptolémée, image, milieu, pensée antique, savoir
La préface de l'ouvrage de Gérard Simon ne peut tromper le lecteur averti : si, par son titre, celui-ci nous oriente vers l'histoire des sciences, la préface signée de Michel Foucault, directeur de la collection Des Travaux dont fait partie ce volume, donne immédiatement le ton d'une approche tournée vers l' « archéologie du
savoir » développée par ce grand savant (Foucault 1969). Celui-ci promeut en effet dans les années 1960 une conception de l'histoire des idées basée, pourrait-on dire aujourd'hui, sur une recherche de la dimension « émique », c'est-à-dire des concepts propres à la société étudiée, en essayant de solliciter le moins possible nos propres concepts, anachroniques par définition. C'est là le principal objet – et le principal mérite – de l'ouvrage de Gérard Simon : réaliser une étude approfondie d'une branche de la science grecque antique, l'optique, en refusant catégoriquement de tomber dans le piège de la transposition à notre manière de penser, qui nous amènerait inévitablement à fausser l'appréhension de l'ontologie propre des anciens Grecs.
[...] Cette dernière est naturelle en ce sens que Axelle Brémont Fiche de lecture : Gérard Simon, Le regard, l'être et l'apparence . P 9 de 10 l'oeil en situation de perception normale n'a pas devant lui un plan, comme dans le cas d'un tableau, mais plutôt une calotte sphérique qui détermine ses horizons possibles (Simon 1988:67-8, citant Panofsky 1975). Cette représentation perspective adoptée par les Grecs et appuyée sur la fidélité au sensible plus que sur l'objectivité s'oppose radicalement à nos propres formes symboliques tant sur le plan de la conception de la science que sur celle de l'art et, dans tous les cas, de la perception. [...]
[...] C'est ainsi que les mesures d'angles de réfraction prises par Ptolémée sont trop régulières pour être honnêtes : l'observation ayant prouvé son hypothèse, le savant présente ensuite des données plus idéales qu'empiriques, comme il convient à un objet mathématique dont on considère qu'il ne pourra jamais être reproduit dans des conditions parfaites : ce ne sont pas des relevés bruts d'observation : on peut prouver qu'ils ont été retouchés. En effet, Govi a fait remarquer que Ptolémée avait introduit, dans la progression des angles de réfraction, une régularité qui ne peut être attribuée au hasard. [...]
[...] Avec Kepler, la science de la lumière achève ainsi sa mutation objectiviste (ibid., p. 11). Or, c'est bien là la différence fondamentale avec la science grecque : ce n'est pas que les Grecs prennent comme point de départ une perspective subjective et délaissent la vision objective, c'est tout simplement que cette dissociation de deux pôles sujet et objet ne revêt aucun sens en-dehors de la culture occidentale moderne 3. Chez les savants hellénistiques et des débuts de l'ère chrétienne que l'on étudie ici, comme chez leurs contemporains, l'objet principal de l'optique n'est donc pas la lumière, ni même l'oeil, mais le regard ; ce sont en effet les rayons visuels (ibid., passim) qui sollicitent l'attention des savants. [...]
[...] Ptolémée est encore loin de partager un tel soupçon (ibid., p. 123) . BIBLIOGRAPHIE CASSIRER Ernst (1972 Philosophie des formes symboliques. Tome 3 : la Phénoménologie de la Connaissance, Editions de Minuit, Paris DESCOLA Philippe (2005), Par-delà nature et culture, Gallimard, Paris FARAONE Christopher A. [...]
[...] Il ne s'agit donc là ni des excentricités de tel ou tel savant individuel, ni d'un postulat de départ critiquable, mais simplement d'une autre ontologie qui se fait, comme la nôtre, prégnante dans tous les aspects de notre perception du réel Sauf peut-être du point de vue de leur exploitation technique, puisque ceux-ci n'ont pas développé la science des lentilles et donc des objets techniques aussi utiles que les lunettes. Axelle Brémont Fiche de lecture : Gérard Simon, Le regard, l'être et l'apparence . [...]
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