Cesare Pavese est un écrivain italien. Il vit l'Italie fasciste de Mussolini à laquelle il s'oppose par l'intermédiaire du groupe antifasciste « Giustizia e Liberta » ; il est exilé en Calabre. Cet événement biographique est significatif dans sa production littéraire puisqu'il le pousse sans aucun doute à réfléchir sur l'existence humaine, à travers ses Dialogues avec Leuco notamment.
Alors qu'il s'inscrit dans le mouvement néoréaliste de l'époque, il rompt avec ses formes caractéristiques pour ses Dialogues avec Leuco qu'il considère comme son chef d'œuvre. Ce travail, écrit entre 1945 et 1947, est divisé en vingt-sept dialogues qui mettent en scène des personnages mythiques, sauf exceptions comme Sappho ou Hésiode. Leuco, abréviation du mythique Leucotea (Ino, épouse du roi de Orcomeno Athamas) qui protège les naufragés fait également référence à son amour à la fois passionnel et frustrant pour Bianca Garuffi.
Ce titre donne le ton de son ouvrage qui se veut une réflexion existentielle et personnelle à travers le support mythologique, en vue de protéger les hommes de leur naufrage, peut-on penser.
On peut se demander pour quelle raison il s'est appuyé sur la mythologie rendant son propos hermétique au premier abord alors qu'un spécialiste de Pavese évoque « un caprice sérieux ».
Il nous semble qu'il a voulu utiliser la force significatrice de la mythologie pour imprégner les esprits au delà du rationalisme omniprésent en 1947. Également, il apparaît que Pavese a mis en exergue l'universalisme du mythe jusqu'à réhabiliter celui ci, démontrant sa forme résolument moderne ainsi que sont atemporalité.
[...] Les dialogues de Leuco décrivent donc la progression du chaos et de l'humanité tragique pour atteindre l'humanité des dieux bons. Cette progression de la structure du texte qui passe du monde des Titans au monde des Dieux semble évoquer le passage de l'enfance (la sienne également) à la maturité Il évoque également le thème du sexe et de la douleur comme constantes de l'existence, "tout est imprégné de sperme et de larmes", conclut la présentation du dialogue en écume, où parlent Britomarti et Sappho. [...]
[...] Le texte semble replié sur les paroles des figures mythologiques et repousse le lecteur en dehors de ce champ. Par le jeu des références et des symboles, des pans entiers des dialogues disparaissent, ne sont pas dits, pas explicités. Ainsi, si l'on isole certaines phrases, celles-ci semblent parfaitement incompréhensibles. Dans La Bête Sauvage, on lit si cela peut t'être utile, je te dirais que les immortels connaissent la route du manteau de la cheminée En réalité, l'argument, l'explication sont dans ce texte comme bannis. [...]
[...] Par le mythe, l'auteur laisse de côté le discours argumenté et logique sans malgré tout abandonner le sens. Il fait ainsi confiance au mythe pour assurer cette transmission du sens. Cela laisse alors le champ libre à l'écriture poétique. Si l'on se réfère à quelques éléments de linguistique, il nous semble possible d'affirmer que le mythe se présente ici comme le signifiant, le signifié devant s'imposer naturellement au lecteur. Le mythe est un support de références et de symboles qui font sens. [...]
[...] En outre, quelques indices sont également apportés par certaines phrases, plus claires, prononcées par les personnages de manière impérieuse, et qui jalonnent le texte. Ainsi, on lit dans Le Déluge, aucun mortel ne sait comprendre qu'il meurt et regarder la mort. Il faut qu'il coure, qu'il pense, qu'il s'exprime et Étranges gens. Ils traitent le destin et l'avenir comme si c'était un passé En rapport avec une tout autre thématique, on lit dans le dialogue la Fleur : Hyacinthe se sentait capable de tout faire. [...]
[...] La logique et le discours argumenté sont absents. Rien n'est affirmé, tout est suggéré. Ce sont les sentiments, les sensations, les intuitions qui doivent ici aiguiller le lecteur et faire affleurer le sens. Celui-ci doit transparaître, mais ne jamais s'imposer. Le mythe et la poésie de l'écriture sont là pour porter, soutenir le sens et susciter chez le lecteur impressions et sensations. Ainsi, la musicalité est une caractéristique importante de l'écriture. Dans la Bête sauvage, on note de nombreuses répétitions qui sonnent comme des lamentations en même temps qu'elles confèrent un rythme particulier au dialogue : p74 touché touché p74 dormant dormir je dors en dormant p75 ne disons pas son nom, ne le disons pas . [...]
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