La fuite en Égypte, Lucette Valensi, Histoires d'Orient et d'Occident, culture chrétienne, culture musulmane, réinterprétations du mythe, épisode biblique
Il est rare que les travaux consacrés à ce qu'il était d'usage d'appeler l'aire culturelle « orientaliste », jusqu'au XXème siècle, prennent la forme d'études comparatives ; il était en effet courant, jusqu'à récemment, de faire porter le propos sur une seule aire culturelle de spécialisation, ou en tout cas de séparer radicalement les oeuvres consacrées à l'Orient et celles consacrées à l'Occident. Ce n'est pas le cas de l'étude proposée par Lucette Valensi, qui s'insère résolument dans une perspective post-orientaliste, non pas au sens des études
postcoloniales dont la posture essentialiste a été maintes fois décriée sur ces deux dernières décennies, mais d'une façon beaucoup plus dépassionnée.
[...] C'est pourquoi, nous dit-il, les chrétiens jouent avec des noix la nuit de la Axelle Brémont Fiche de lecture : Lucette Valensi, La Fuite en Egypte P 6 de 12 Nativité (ibid., p. 67). Le matériel chrétien et notamment le corpus textuel sont indubitablement connus de ces auteurs musulmans des premiers temps, ainsi que certaines coutumes propres aux communautés chrétiennes d'Orient. Cependant, avec le temps (et déjà chez un auteur du XIV ème siècle comme Raghûzi), un repli apparaît, les auteurs musulmans ne s'appuyant plus que sur leurs prédécesseurs musulmans, sélectionnant dans leur œuvre un nombre plus réduit de prouesses du Christ enfant, et tirant les Vies des Prophètes vers une prudente exégèse du texte coranique (ibid., p. [...]
[...] Les images de la Fuite en Égypte d'autre part apparaissent sur des supports différenciés : en Orient, on privilégie les grandes peintures murales et les tableaux d'autel5, tandis qu'en Occident, le motif est principalement représenté dans des manuscrits enluminés6. Ces divergences entre les supports, selon Lucette Valensi, recouvrent en fait des divergences dans les usages d'une part, dans la façon de penser le rapport entre image et mythe d'autre part, qu'il nous appartient d'expliciter désormais Lucette Valensi nous dit qu' en Ethiopie [ . [...]
[...] Cependant, en Éthiopie les êtres humains ne chevauchent pas sur des ânes, qui servent normalement à porter des charges. La Sainte Famille fuit donc à pied (ibid., p. 194). D'autres éléments iconographiques appuyés sur des traditions 1 Ce que ces images nous montrent parfois, en revanche, c'est l'égyptomanie naissante du XV ème siècle et du classicisme, qui associe fréquemment l'Égypte à ses ruines pharaoniques Approche exégétique qui consiste à considérer les épisodes de l'Ancien Testament comme des préfigurations de ceux relatés dans le Nouveau Testament 3 Certains auteurs invoquent pourtant à l'appui de ce choix non une référence au corpus des textes non canoniques, mais une exégèse placée sous le signe de la logique. [...]
[...] ] ce qu'il traduit par des reliefs escarpés, parsemés d'arbres rares, dressés sur un sol nu [ . ] C'est donc une lecture moins réaliste le désert d'Égypte qu'allégorique le désert comme épreuve que les peintres ont faite. Et un recours à leur expérience de la dureté physique, sur des routes escarpées de montagnes, qu'ils ont souvent préféré à l'évocation des déserts chauds (ibid., p. 169) Cependant, et même si l'Égypte est avant tout perçue par les Européens comme terre d'Islam, quand les membres de la Sainte Famille et leurs compagnons de route sont historicisés, ce n'est généralement pas sous des traits orientalisants, mais plus souvent sous ceux des contemporains des peintres qui les représentent (ibid., p. [...]
[...] En même temps, ces traces, par l'effet qu'elles produisent, actualisent sa présence en ces lieux et au moment même où les fidèles s'y trouvent (ibid., p. 217). Les deux époques, celle de l'Enfance et celle des pèlerins eux-mêmes, se trouvent alors rapprochées par le rite qui convoque un champ tactile du sacré ; celui-ci s'incarne dans des pratiques et des gestes, beaucoup plus que dans une culture visuelle comme c'est le cas en Europe. Lucette Valensi s'inspire ici des analyses d'Alain Boureau sur l'hostie (cité par Valensi 2002:218) et considère que le pèlerinage structure l'espace sacré en y imposant des pratiques, des gestes et le contact avec certains objets. [...]
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