Culte de Cybèle, Rome, République, cultes orientaux dans le monde romain, Robert Turcan
A Rome, on opposait volontiers la religio (religion nation et authentique) à la superstitio (exotique et suspecte). Tout ce qui déviait du rituel enseigné par les ancêtres et légitimé par la tradition relevait de la superstitio, notamment les pratiques marginales de l'occultisme, les techniques d'exaltation mentale, de contact direct avec le surnaturel et le sacré, où l'on s'aventurait en période de crise morale ou d'épidémie, sans la médiation des pontifes, des flamines et des augures.
Romanisation des dieux étrangers
Il faut rappeler que le nationalisme farouche et sourcilleux des Romains ne les empêchait pas d'intégrer à l'Urbs les hommes et les dieux du dehors, les premiers par l'affranchissement des esclaves ou l'attribution du droit de cité, les seconds par la consultation des livres Sibyllins ou par le rituel de l'evocatio.
[...] On a conjecturé que le roi pouvait l'avoir déjà transférée à Pergame. Quoiqu'il en soit, en cette affaire religion et politique concordaient à merveille : politique extérieure, mais aussi politique intérieure puisque le recours à la Grande Mère permettait de calmer les esprits égarés par le surnaturel, tout en ménageant le prestige de l'héritage religieux national. Pour plus de sûreté, les délégués du Sénat avaient interrogé l'oracle de Delphes. Apollon les avait rassurés ; mais on devait veiller à faire accueillir la déesse par le meilleur homme de Rome, uir optimus. [...]
[...] Pessinonte dépendait du roi de Pergame Attale. Il s'agissait d'une principauté théocratique naguère indépendante comme beaucoup d'Etats- temples du Proche-Orient, mais devenue vassale des Attalides avant de l'être un jour de la République romaine, puis de l'empereur jusqu'en 25 av. J.C. A la tête des prêtres ou galle de Cybèle se trouvaient un Attis et un Battakès L'Attis présidait comme grand-prêtre, et le Battakès jouait le rôle de vice-président de la communauté sacerdotale. La prééminence d'Attis nous est confirmée par la correspondance des rois de Pergame. [...]
[...] On y apportait à la Mère des plats de moretum, mélange de fromage et d'herbes pilées. Les édiles curules offraient aux Romains non seulement des représentations théâtrales devant le temple du Palatin (plusieurs comédies de Térence furent données à cette occasion), mais des courses de chars dans le Grand Cirque où la statue de Cybèle défilait en compagnie des dieux. A la fin de mars, une procession avait mené triomphalement la déesse jusqu'aux bords de l'Almo (affluent du Tibre) où le grand-prêtre en cheveux blancs, revêtu de se robe de pourpre, baignait solennellement l'idole et les objets sacrés (Lavatio). [...]
[...] Alors une jeune matrone que ses coiffures apprêtées, son élégance et sa langue trop bien pendue aux dépens des vieillards austères avaient perdue de réputation, détache sa ceinture, l'attache au navire et le débloque sans peine. Elle s'appelait Claudia Quinta et descendait de l'illustre Atta Clausus, dont le nom correspondait à celui d'Attis. Cette ordalie de chasteté la rendra célèbre dans la littérature et dans l'art. On en fera une vestale. Les matrones se passant l'aérolithe de main en main, la déesse fait son entrée dans l'Urbs parmi les invocations joyeuses et les exhalaisons d'encens montant des brûle-parfums que les citoyens avaient érigés devant leurs portes. [...]
[...] Mais il était rigoureusement interdit aux citoyens de revêtir le costume bariolé des eunuques et de se livrer à leurs pratiques rituelles. Le grand pontife, responsable de la religion romaine, gardait la haute main sur tous les cultes d'origine étrangère, en liaison avec les décemvirs sacris faciundis, gardiens et interprètes des Livres Sibyllins. L'officialisation du culte de Cybèle se doublait d'une marginalisation effective du clergé. Mais en dépit, ou à cause, de ces restrictions, le temple métroaque excitait la curiosité. [...]
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