La guerre sociale, qui a déchiré la péninsule italienne de 91 à 88 avant J.C., oppose les Romains et leurs alliés (socii). Ceux-ci se sont révoltés lorsque la ville leur a refusé la citoyenneté. Et si la guerre s'est soldée pas une victoire militaire de Rome, cette dernière a pourtant décidé d'intégrer à la civitas romana tous les habitants libres et toutes les collectivités de l'Italie qui le désireraient, sur le mode ouvert depuis longtemps aux municipes. C'est à cet exemple des municipes que Cicéron fait référence dans cet extrait liminaire du livre II du Traité des lois (...). Toute sa vie, Cicéron subordonne l'étude et la réflexion à l'action politique pour servir la République. Cet « homme nouveau », brillant orateur, devient consul en 63 mais est ensuite éloigné du pouvoir par les hommes du premier triumvirat et exilé en Macédoine. Lorsqu'il écrit Les Lois, autour de 52 av. J. C., la crise de la Constitution romaine est évidente : chacun s'interroge sur le meilleur régime à établir, sur les devoirs que créent aux citoyens les révolutions et les guerres civiles. La République amorce sa chute. De plus en plus écarté de la participation aux affaires politiques, Cicéron a voulu formuler les conclusions de son expérience d'homme d'Etat. Les Lois ont, sans doute, été rédigées à la suite de la République : après avoir établi la meilleure forme de régime, Cicéron se propose de rédiger les lois les mieux adaptées à celui-ci. L'ouvrage se présente sous la forme d'un dialogue qui réunit Cicéron, son frère Quintus, absent de cet extrait, et son ami Atticus. En se fondant sur sa propre expérience, Cicéron exprime l'attachement des habitants des municipes à la communauté locale. Ainsi soulève-t-il la question du double niveau de la civitas romana et, plus encore, de l'identité même du citoyen romain.
[...] En revanche, pour un citoyen romain, le lieu de naissance n'a qu'une importance limitée, et la patrie de nature (l.24) décrite par Cicéron a d'ailleurs hérité du surnom de petite patrie Néanmoins, cette patrie de nature joue un rôle essentiel dans l'identité du citoyen : c'est elle qui détermine son origine. Cicéron, lorsqu'il précise Nous sommes nés ici d'une souche très ancienne (l.5- introduit d'emblée cette notion d'origine : c'est dans ce village d'Arpinium que sa famille est ancrée. En outre, cette mention souche très ancienne est fondamentale, elle traduit l'idée de filiation. Cicéron choisit de faire le parallèle avec le système grec pour mieux mettre en évidence cet aspect identitaire du lieu d'origine : Les Attiques [ ] appartenaient en même temps à leur et au pays attique (l.26-28). [...]
[...] Cette référence à Ulysse, qui, dans l'Odyssée, insensible aux sollicitations de Calypso, désire revoir la fumée de son pays et préfère la mort apparaît comme une garantie illustre pour justifier son attachement à Arpinium. En outre, Cicéron affirme que le municipe est sa véritable patrie comme si soudain, le patriotisme local, l'emportait sur sa citoyenneté romaine. Il s'agit là d'un amour instinctif pour la patrie local, et s'il tempère ses propos en affirmant son affection plus grande pour Rome, il ajoute tout de même qu'il ne se résoudrait jamais à dénier absolument le nom de ma patrie (l.33) à Arpinium, cela reviendrait à renier ses origines. [...]
[...] Le peuple romain, victorieux du monde, est au sommet de la gloire. Appartenir au corps civique est une faveur recherchée et Cicéron nous le fait ressentir en disant il est nécessaire que celle-là [la patrie de droit] l'emporte dans notre affection (l.29). Cette conscience du privilège d'être romain, cette sorte de gratitude vis-à-vis de la République sont très présentes dans le texte. C'est ce statut, tellement attrayant pour celui qui en était exclu, qui a tant été revendiqué pendant la guerre sociale, que Rome s'est vue conduite à étendre dans toute l'Italie. [...]
[...] Cette ascendance se retrouve dans les propos de Cicéron : c'est sur le même emplacement [ ] que mon grand-père vivait (l.9-10). Pour autant, l'origine est tout à fait distincte de la citoyenneté et, si elle contribue à identifier un citoyen, ce n'est pas elle qui lui donne accès à ses droits, d'où l'importance de la patrie de citoyenneté. La patrie de citoyenneté (l.24) est le fondement même de la vie politique. D'ailleurs, c'est le surnom de grande patrie qui lui est attribué. Cette patrie de citoyenneté c'est Rome. Et nulle autre cité que Rome. [...]
[...] En effet, la notion de commune patrie revêt un sens institutionnel. La distinction qu'a établie Cicéron entre la patrie locale et la patrie romaine fait l'écho d'une conception claire du double degré d'organisation de la citoyenneté romaine. Les termes commune patrie ont une portée idéologique indéniable. Rome se place ainsi comme étant à la fois la commune patrie de l'Italie, mais surtout comme étant celle du genre humain tout entier. En outre, ces termes introduisent le principe d'ubiquité de Rome. [...]
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