L'Empereur Domitien (81 à 96), qui s'est appliqué durant tout son règne à affirmer le caractère sacré de sa personne, fut paradoxalement le seul de la gens Flavia à ne pas bénéficier à sa mort de l'apothéose. Cela est tout d'abord révélateur des contradictions et limites qui marquent l'idéologie politique d'un Prince se rêvant en monarque absolutiste. Par ailleurs, cette seule donnée incite l'Historien à la méfiance quant aux témoignages sur ce règne. Entre adulation et haine, il semble d'emblée nécessaire de nuancer les propos des contemporains, afin de saisir la réalité de l'exercice du pouvoir par celui que l'on surnomma « le Néron chauve ».
Dans cette optique, la réalisation du Palais flavien, entre 81 et 92, semble un bon terrain d'étude, constituant à la fois le plus abouti et peut-être le plus caractéristique des projets de Domitien pour la ville de Rome. La description de ce complexe, constitué d'un palais officiel (la Domus Flavia), d'une résidence privée (la Domus Flavia) et d'un hippodrome, est ici présentée par deux illustres poètes contemporains de l'Empereur. Stace, d'origine napolitaine, et Martial, originaire d'Hispanie, ne sont pas pour autant des auteurs objectifs, bien au contraire.
[...] En bref, tout ce qui a trait à Domitien en tant qu'Empereur est réuni sur le Palatin. Le corollaire de cette donnée étant le monopole de ce dernier sur cet espace : pour la première fois, sous Domitien, le Palatin ne comprend quasiment plus d'habitations aristocratiques privées. L'ancrage topographique de la dynastie et sa signification idéologique marque donc la Rome des Flaviens. Alors que sous Auguste par exemple la maison impériale s'inscrivait au centre d'un réseau d'images dispersées dans l'Urbs, la Rome flavienne développe une vision centralisatrice, dont le Palatin est le cœur politique. [...]
[...] La résidence est encore comparée à celle du Dieu Tonnant c'est-à-dire au temple de Jupiter situé sur le Palatin. Chez Martial, le modèle du ciel et ses étoiles est explicitement présenté comme source d'inspiration de l'architecte. Il y a donc une volonté manifeste d'imprimer dans l'architecture du Palais flavien une référence au séjour divin. Cela se traduit concrètement, dès lors que l'on étudie de près l'architecture de la Domus Flavia : les péristyles ainsi que le triclinium et surtout l'aula regia ont une fonction cérémonielle, comme il a été vu qui se double d'un caractère sacré. [...]
[...] Or, en dehors des considérations politiques, le programme architectural et iconographique semble bien compris, et on peut penser qu'il a l'effet escompté, en sacralisant et distinguant la personne de l'Empereur. Ce sont ce genre de réalisations qui font dire à l'Historien R. Syme : J'incline à croire que l'époque des Antonins commence avec (les Flaviens) ; preuve de l'apport de ces derniers dans l'élaboration d'un âge d'or à venir Bibliographie Sources M-J Kardos, Topographie de Rome, Les sources littéraires latines, Paris Ouvrages de référence et manuels M. Le Glay, J-L Voisin, Y. Le Bohec, Histoire romaine, Paris, PUF C. [...]
[...] La qualité et le soin apportés à l'architecture sont encore honorés, comme le montre l'apostrophe à Rabirius, désigné par Domitien comme architecte en charge de la construction et détenteur, selon Martial, d'un art merveilleux Cet effet de richesse est dû à l'utilisation de matériaux de qualité, tels que le marbre violet ou polychrome, ce marbre de Syène et de Chios cité par Stace, ou encore de basalte noir. Le recours à des matériaux provenant de contrées éloignées de Rome - Syène se trouvant au sud de l'Egypte, et Chios proche de la Turquie- témoigne de la maîtrise de l'espace d'un Empire alors proche de son apogée en terme de conquêtes territoriales. C'est encore ce qui se lit dans la comparaison avec l'œuvre d'Egypte soit les pyramides, qui représentent un sommet de la technique architecturale à cette époque. [...]
[...] Cette prouesse architecturale peut donner lieu à différentes lectures. B. Un palais sur le Palatin Tout d'abord, il semble que le Palais flavien représente l'aboutissement de plusieurs tendances politiques antérieures. Le lieu même d'implantation du Palais- le Palatin- est porteur de sens et fait de la demeure impériale l'héritière de plusieurs traditions. Auguste déjà l'avait compris, le Palatin est d'abord un lieu chargé en signification par son histoire, intimement liée aux origines de Rome. Selon un double enracinement légendaire, le Palatin est le lieu de l'occupation arcadienne primitive, là où Evandre bâtit son temple de la Victoire, et par la suite l'endroit où Romulus installa sa cabane. [...]
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