Le personnage de Socrate a beaucoup influencé les écrits de ceux qui se présentent comme ses disciples, qu'il s'agisse de Platon ou de Xénophon. Ces deux auteurs ont un autre point commun, celui d'avoir rédigé chacun un Banquet, dont on ne connaît pas les dates respectives. C'est à celui de Xénophon, auteur grec né aux alentours de 430 et mort vers 355 avant JC, que nous allons nous intéresser ici, puisque notre texte en est extrait. Dans les premières lignes de son ouvrage, Xénophon explique qu'il considère que « ce ne sont pas seulement les actions sérieuses des hommes distingués qui sont dignes de mémoire, mais aussi leurs divertissements », c'est pourquoi il décide d'écrire ce Banquet. Notre texte est extrait des paragraphes 2 à 4 de la deuxième partie de cette œuvre. La première partie traite de la rencontre lors des Grandes Panathénées d'Athènes, de Callias, un homme en vue d'Athènes, et d'un groupe d'hommes (parmi lesquels Socrate, Critobule, et Nikéraos cités dans notre extrait). Callias les convie alors dans sa maison du Pirée où il donne un banquet en l'honneur d'Autolycos, tout juste vainqueur au pancrace, et dont il est d'ailleurs amoureux. Le banquet commence avec le deipnon, le repas proprement dit, marqué par l'intervention d'un bouffon. Puis on fait la libation, on chante le péan (il s'agit d'un chant en chœur en l'honneur des dieux), et les divertissements débutent avec l'arrivée d'un Syracusain, d'un jeune garçon joueur de cithare, d'une joueuse de flûte et d'une danseuse. Suit notre extrait, où Callias propose de faire apporter des parfums mais Socrate s'y oppose, sous prétexte que leur usage est réservé aux femmes. Socrate explique que les hommes doivent dégager une odeur spécifique : celle de l'huile des gymnases, et que les plus âgés doivent eux respirer la vertu.
On ne connaît pas la date de rédaction de cet ouvrage, en revanche, on sait que les Grandes Panathénées évoquées dans le texte se sont déroulées lors de l'été 422. Xénophon était alors trop jeune pour pouvoir y participer, contrairement à ce qu'il prétend dans son prologue : « je le sais pour en avoir été témoin et mon désir est aujourd'hui de les faire connaître ». De fait, on peut penser à juste titre que les faits et les discours rapportés dans ce Banquet sont une transcription de faits et de discours ultérieurs auxquels Xénophon aurait assisté.
A travers l'étude de ce texte, nous chercherons à déterminer quels sont les usages du parfum, en quoi l'odeur peut être un critère de reconnaissance du citoyen, et quel modèle de citoyenneté Xénophon cherche à véhiculer. Dans une première partie, nous nous attacherons à l'usage du parfum par les femmes, et à sa remise en question par Socrate. Puis nous verrons que les citoyens ont et se doivent d'avoir une odeur bien spécifique : celle de l'huile des gymnases. Enfin, nous verrons comment le propos de Xénophon, l'exhortation à la kalos kagathia, apparaît en filigrane du texte.
[...] Callias, par les divertissements qu'il propose, prend donc la figure d'un hôte fastueux puisque le menu et les divertissements sont là pour signifier le prestige de celui qui invite. C'est lui qui propose d'apporter des parfums, ignorant ainsi les convenances : il n'est donc pas kalos kagathos, mais peut le devenir, notamment grâce à Socrate qui lui montre le chemin. De plus, cet épisode allie les plaisirs gustatifs aux plaisirs de vue et de l'ouïe, cela s'inscrit dans la recherche d'harmonie (hesychia) caractéristique des banquets. Conclusion A travers ce texte, Xénophon invite le citoyen à faire bon usage de son corps. [...]
[...] En outre, ici apparaît l'idée qu'elle se renforce avec l'âge. Les vieux citoyens sont vertueux (kalos kagathos) parce qu'ils ont suivi un enseignement spécifique, accomplis tous leurs devoirs de citoyens dans leur jeunesse. Plus loin dans le texte, Socrate souligne le rôle du père dans cet apprentissage de la vertu. Le père, par l'exemple qu'il montre à son enfant, a un poids considérable dans l'acquisition de la vertu. Socrate apparaît comme celui qui mène le dialogue, celui qui détient la clé de l'accès cette vertu à laquelle il incite. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, à tord ou à raison, les femmes se parfument. Les hommes, eux, ont une odeur qui leur est propre et qui les caractérise en tant que citoyen. II. L'odeur spécifique des citoyens Un moyen de se différencier des autres Socrate justifie son refus de faire apporter du parfum par le fait que ce sont des odeurs différentes qui conviennent à l'homme et à la femme (l.7). L'odeur s'inscrit dans toute une série de codes de l'identité sexuelle. [...]
[...] La femme athénienne, elle, ne fait pas d'exercice physique ; et c'est uniquement en sa qualité d'esclave que celui-ci est habilité à pénétrer dans l'enceinte du gymnase. Les esclaves n'ont en effet pas le droit aux entraînements gymniques dans les palestres, ni à l'entraînement aux jeux panhelléniques. Ils n'ont par conséquent pas le droit de s'enduire d'huile, comme le font tous les citoyens avant leur séance d'exercice physique. Exaltation du bon citoyen Le citoyen athénien pratique des exercices physiques réguliers au gymnase où il s'entraîne tant aux jeux panhelléniques qu'à la guerre. C'est une condition indispensable à sa santé et à son bien-être. [...]
[...] Le parfum apparaît donc aussi comme un moyen de séduction, un artifice esthétique qui vise à attirer. Le caractère artificiel que confère le parfum à la femme peut être critiqué. Le point de vue de Socrate C'est en fait un des arguments qui justifient l'interrogation de Socrate : quant aux femmes, surtout lorsque ce sont de jeunes mariées, qu'ont-elles encore besoin de parfum ? (l.10). Le parfum, parce qu'il est artificiel, contribue à réduire à la femme à une enveloppe vide, une apparence trompeuse. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture