La République romaine du dernier siècle était-elle une oligarchie ou une démocratie ? La question des élections à Rome implique, en effet, une interrogation plus vaste sur la nature même du régime en place. Et le débat perdure. Le vote apparaît comme l'un des fondements des rouages de la République, il est l'instrument principal de l'expression politique du populus qui exerce alors un droit apparemment essentiel puisque c'est lui qui se prononce tant pour l'élection des magistrats que pour le vote des lois ou les questions judiciaires. Mais cette expression n'est-elle pas au fond qu'une manière d'entériner des décisions qui n'incombent en rien à la volonté populaire ? Ce texte de Cicéron, qui clôt le livre III des Lois, permet d'appréhender les différentes facettes de ce problème et tente d'y trouver une solution tout en maintenant l'ambiguïté du vote romain. Né dans le municipe d'Arpinum, en pays volsque, à environ cent kilomètres au sud-est de Rome, Marcus Tullius Cicero (106-43 av. J. C.) est issu d'une famille équestre. Celle-ci comptait de nombreux magistrats municipaux et des officiers supérieurs de l'armée et était, en outre, directement alliée avec celle de Marius. Toute sa vie, Cicéron subordonne l'étude et la réflexion à l'action politique pour servir la République. Cet « homme nouveau », brillant orateur, devient consul en 63 mais est ensuite éloigné du pouvoir par les hommes du premier triumvirat et exilé en Macédoine. Lorsqu'il écrit Les Lois, autour de 52 av. J. C., la crise de la République romaine est évidente : chacun s'interroge sur le meilleur régime à établir, sur les devoirs que créent aux citoyens les révolutions et les guerres civiles. La République amorce sa chute. De plus en plus écarté de la participation aux affaires politiques, Cicéron a voulu formuler les conclusions de son expérience d'homme d'Etat. Les Lois ont été rédigées à la suite de la République : après avoir établi la meilleure forme de régime, Cicéron se propose de rédiger les lois les mieux adaptées à celui-ci. L'ouvrage se présente sous la forme d'un dialogue qui réunit Cicéron, son frère Quintus et son ami Atticus. Observateur privilégié des changements intervenus dans la cité romaine depuis les Gracques, Cicéron a profondément conscience des faiblesses du régime. Ainsi soulève-t-il la question de la place du peuple dans sa constitution idéale pour en déduire, dans cet extrait, que lui laisser trop de liberté aboutit au dysfonctionnement des institutions républicaines.
C'est pourquoi, nous verrons dans un premier temps que Cicéron dresse un véritable réquisitoire contre les lois tabellaires, puis qu'il entend sauver la République avec cette réaction conservatrice et enfin, qu'il tente de trouver un compromis pour régler le débat sur le vote secret.
[...] Cicéron tente de trouver un compromis entre le vote à voix haute qu'il considère comme le meilleur (l.17-18) et le vote secret. Il se trouve ainsi sur le fil entre démocratie et pro-aristocratie. Toutefois, si sa position peut paraître ambiguë, Cicéron défend avant tout la légalité et condamne vigoureusement l'arbitraire excessif que [l'aristocratie] sur les votes dans des causes malhonnêtes (l.37-38). Il fustige ainsi la brigue électorale –ambitus- qui, si elle n'a rien de nouveau (la première loi à son encontre date de 432 av. [...]
[...] Le compromis de Cicéron A. Lutter contre les excès aristocratiques B. Mais pouvoir contrôler le peuple La République romaine du dernier siècle était-elle une oligarchie ou une démocratie ? La question des élections à Rome implique, en effet, une interrogation plus vaste sur la nature même du régime en place. Et le débat perdure. Le vote apparaît comme l'un des fondements des rouages de la République, il est l'instrument principal de l'expression politique du populus qui exerce alors un droit apparemment essentiel puisque c'est lui qui se prononce tant pour l'élection des magistrats que pour le vote des lois ou les questions judiciaires. [...]
[...] C'est avec une réaction conservatrice que Cicéron entend sauver la République. Pour lui, le régime romain n'a, en effet, pas vocation à être démocratique, ce qui suscite de nombreuses interrogations. Il met dans les paroles d'Atticus une phrase-clef qui alimente régulièrement les débats entre historiens sur la nature de la République romaine[3] : Rien de ce qui est démocratique ne m'a jamais convenu (l.85-86). Cicéron s'interroge sur la meilleure forme de République (l.86-87) et il se fonde sur sa connaissance de la philosophie politique grecque et notamment sur la réflexion de Dicéarque, un disciple d'Aristote, qui affirmait que le meilleur gouvernement n'était pas celui qui assurait le plus grand bonheur aux citoyens, mais celui qui garantissait la plus longue durée de vie à la cité. [...]
[...] Bibliographie Source CICERON, Marcus Tullius, Traité des lois, traduction et introduction de Georges de Plinval, Paris, Société d'éd. les Belles lettres Ouvrages généraux NICOLET, Claude, Le Métier du citoyen dans la Rome républicaine, Paris, Gallimard 2e éd pp.363-417 NICOLET, Claude, Rome et la conquête du monde méditerranéen, T Les structures de l'Italie romaine, Paris, PUF, coll. Nouvelles Clio pp.345-356 Ouvrages spécialisés Sur Cicéron : BUTLER, Shane, The Hand of Cicero, London, New York, Routledge GRIMAL, Pierre, Cicéron, Paris, Fayard MITCHELL, Thomas N., Cicero. [...]
[...] Toute l'ambivalence de Cicéron se retrouve dans cet extrait, et si cela le lui a été reproché, il convient de ne pas perdre de vue la position qu'il a au sein de la cité depuis la conjuration de Catilina, il apparaît comme un arbitre, comme le champion des modérés et le défenseur des institutions. Ses convictions le plaçaient au dessus des optimates et des populares, au-dessus des luttes intestines et cet extrait manifeste sa volonté de résoudre les problèmes rencontrés par la République, et d'en assurer la continuité. Ainsi, il propose de rendre l'introduction du vote secret la plus inoffensive possible et d'en limiter les effets potentiels et ne laisse au peuple qu'une liberté théorique. [...]
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