Le souci de faire connaître la Bible à un groupe religieux donné en la traduisant dans sa langue, avec une attention particulière à ses besoins propres a donné lieu à un certain nombre de traductions anciennes dont la première fut celle des Septantes qu'on peut dater du III siècle avant JC. Il s'agit là d'une traduction de la Bible hébraïque en grec.
Le témoignage le plus ancien et le plus complet sur les origines de la Bible des Septantes est fourni par la lettre d'Aristée, œuvre dans laquelle le Loi juive fut appelée pour la première fois le Livre (biblion). Ainsi, dans l'Antiquité et plus précisément dans la tradition juive hellénophone, la Bible c'est les 5 livres de la Torah, à savoir le Pentateuque. Cette définition restreinte de la Bible s'oppose à une définition plus large et plus moderne qui assimile la Bible à l'ensemble de l'Ancien Testament.
La lettre d'Aristée constitue la tradition selon laquelle la traduction grecque de la Bible des Septantes a été composée sur les ordres du roi égyptien Ptolémée II (-283-247) par 72 Anciens palestiniens amenés expressément à Alexandrie à cette fin. Il fallait une traduction qui nécessitait la coopération d'Eleazar, le grand-prêtre de Jérusalem. Parmi les émissaires envoyés auprès d'Eleazar se trouvait Aristée, auteur supposé de la Lettre, qui avait apparemment beaucoup d'influence à la cour.
Le texte rapporte la commande passée par Ptolémée, la lettre envoyée à Eleazar et dont le texte I est un extrait, la réponse du grand-prêtre, le cadeau envoyé par le roi au grand-prêtre et la visite de la délégation à Jérusalem, l'accueil fait aux érudits à Alexandrie, enfin comme nous le verrons avec le Texte II, les conditions dans lesquelles la traduction a été préparée et son accueil.
En fait, étant donné le ton extrêmement pro-juif du texte, les spécialistes s'accordent à penser que cette lettre attribuée à un païen désintéressé contemporain de Ptolémée II a été écrite par un Juif d'Alexandrie à une époque ultérieure (-200)
Cette légende propagée depuis la lettre d'Aristée (entre -200 et -96) contient sans aucun doute une part de vérité puisque d'autres sources telles Aristobule, Flavius Josèphe et Philon d'Alexandrie viennent corroborer certaines des informations que la lettre apporte.
C'est le cas du texte III, extrait du Vita Mosis de Philon qui nous relate l'accueil des traducteurs par le roi dans l'île de Pharos et la traduction même qu'il qualifie de parfaite car d'inspiration divine.
On ne dispose que de peu d'informations concernant la vie de Philon (-20+54). Il appartenait à une famille de notables juifs d'Alexandrie liée à la cour romaine et à la dynastie d'Hérode. Interprète de la Bible, Philon rend compte du climat intellectuel régnant parmi les Juifs d'Alexandrie caractérisé par une vision du monde imprégnée de pensée grecque mais qui ne renie pas pour autant le judaïsme. Son œuvre, rédigée en excellent grec, témoigne d'une vaste érudition. On peut en conclure qu'il bénéficia de l'enseignement des écoles grecques et s'interroger sur l'origine de ses connaissances en hébreu, aucune école juive n'étant attestée en diaspora à cette époque. Si sa connaissance de l'hébreu demeure hypothétique, il paraît néanmoins clair qu'il grandit dans un milieu familial empreint des traditions juives. Sa connaissance du Pentateuque provient justement des Septantes.
On s'interrogera donc à travers ces textes sur les origines de la traduction en grec de la Torah et sur l'apport de la littérature judéo-alexandrine à ce sujet.
[...] On s'interrogera donc à travers ces textes sur les origines de la traduction en grec de la Torah et sur l'apport de la littérature judéo- alexandrine à ce sujet. I. Les Septantes : le reflet d'une hellénisation du judaïsme alexandrin A. L'origine égyptienne des Septantes selon la tradition La tradition ancienne qui apparut pour la première fois avec la Lettre d'Aristée veut que la traduction de la Torah en grec soit l'œuvre du pouvoir ptoléméen. En effet, la Lettre qu' Aristée adresse à son frère Philocrate fait le récit de la mission dont il a été chargé par le roi Ptolémée II Philadelphe auprès du grand-prêtre des Juifs (texte lignes 33-34). [...]
[...] Les Septantes s'inscrivent donc dans un contexte de pluralisme juridique. Les auteurs postérieurs à Aristée tels Philon développent des éléments communs : l'initiative de la traduction revient à Ptolémée Philadelphe. Mais Aristée offre des éléments propres comme celui concernant le rôle de Démétrios de Phalère, soucieux d'enrichir la Bibliothèque royale. En revanche, Philon mentionne l'île de Pharos comme lieu où le travail a été effectué (ligne 18). Ainsi, la légende contient sans aucun doute une part de vérité : il est parfaitement raisonnable de penser que Ptolémée II, à la suite de Démétrios ait fait traduire la Torah à la fois pour satisfaire sa curiosité et pour doter d'un code une importante minorité ethnique qui apparaît déjà comme un politeuma, c'est-à-dire un groupement autonome. [...]
[...] On peut même parler de trahison car il n'y a pas d'équivalence exacte. On utilise le sens littéral, global, et non le sens originel. Dans ces conditions, on peut facilement parler d'une Bible grecque. II. L'origine des Septantes : reflet d'une résistance de l'identité juive à Alexandrie A. Une résistance contre l'hellénisme Il faut considérer la Lettre d'Aristée comme une apologie du judaïsme et comme un moyen de propagande. Il s'agit de montrer la supériorité du judaïsme face à l'hellénisme. [...]
[...] Mais les historiens considèrent que parler de philosémitisme avant Ptolémée VI Philometor est un anachronisme. Au paragraphe 312 de la Lettre d'Aristée (absent de ces extraits) un autre motif apparaît : le goût du roi pour ce qui est législation. Ainsi, il n'est pas impossible de tirer de la Lettre l'idée que Ptolémée II avait fait traduire la Loi parce qu'il était soucieux de connaître la législation d'une des ethnies d'Alexandrie. Il faut, pour comprendre cette raison, rappeler la législation sous le règne de Ptolémée II. [...]
[...] La traduction de la Torah en grec aurait donc eu pour motif les besoins culturels et liturgiques de la communauté juive d'Alexandrie. Certains savants proposent même de ne pas limiter les besoins de la communauté juive à ces besoins liturgiques Il a fallu rendre la Torah accessible en grec à la fois pour le culte et pour la lecture personnelle (Momigliano). A côté des besoins liturgiques (lectures synagogale et prédications) apparaissent des besoins éducatifs. Perrot écrit à ce sujet : Les proseuques étaient à la fois des lieux de prières, des lieux d'asile, des lieux de réunions et des lieux d'études de la Loi. [...]
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