Ce texte est de Cicéron, daté de 63 avant J.-C., année de son consulat. Il s'agit d'un extrait de son discours prononcé devant le peuple romain (quirites) réuni en assemblée, pour s'opposer à une loi à un projet de loi agraire proposé par Publius Servius Rullus, et que l'on retrouve dans l'ouvrage de lege agraria. Ce tribun de la plèbe, Rullus, voulait diviser les terres publiques de Campanie (l'ager Campanus) pour les attribuer à des colons parmi le petit peuple ou les vétérans. Dans ce texte Cicéron s'adresse aux comices, un public difficile à convaincre. Toutefois, ce discours est corrigé et publié 3 années plus tard, certainement dans le but de retrouver une certaine popularité. Mais l'opposition politique qui se met en place contre Cicéron dans cette assemblée du peuple est risquée.
Ce texte s'articule selon le découpage du texte mis en place dans de lege agraria. Tout d'abord Cicéron nous présente le territoire campanien, ses charmes, ses intérêts. Puis il dénonce clairement la politique de Rullus et ses partisans, tout en appuyant encore les attributs exceptionnels, ne tarissant pas de superlatifs, de ce territoire et de ce qu'il peut fournir à Rome, et de l'intérêt de le garder dans le domaine romain, dans le « commun patrimoine ». Il appuie également un trait caractéristique de sa personnalité politique, l'attachement aux ancêtres, aux lois et mesures qu'ils prirent. Et dans la deuxième partie du texte (paragraphes 86 à 88), Cicéron ne fait que de reprendre et argumenter ces mêmes éléments, accusant toujours Rullus et les siens de vouloir s'approprier la Campanie et ses richesses à des fins politiques.
Il convient dès lors de se poser la question de l'impact de ce discours. En effet si cette loi passe, si Cicéron échoue, cela risque de nuire à sa popularité, et de voir se mettre en place la vengeance de ses adversaires politiques, les populares, notamment Catilina. Il s'agit donc d'un discours à haut risque pour Cicéron, …
Qu'est-ce que ce projet de loi et le discours que Cicéron fait à ce sujet, nous apprennent donc sur la vie politique à Rome au Ier siècle av. J.-C., sur les débats, les oppositions, notamment sur le problème récurrent des territoires italiens ?
[...] C'est donc une terre à laquelle l'auteur est très attaché. D'autant plus que son principal trait de caractère dans sa vie politique est le respect des ancêtres et de leurs décisions, il paraît dès lors logique que ce dernier se place dans une logique de conservation de ce territoire et du partage qui en est fait. Car comme le dit l'auteur en s'adressant directement au peuple, il faut conserver dans votre patrimoine le plus beau de tous les domaines du peuple romain, l'essentiel de votre fortune, l'ornement de la paix, le soutien de la guerre, la base de vos revenus (vectigalia), le grenier d'abondance des légions, la suprême ressource de votre ravitaillement (l.18-20). [...]
[...] Ce texte nous apprend donc beaucoup sur les pratiques politiques du débat à Rome, sur les conflits entre les différents organes de pouvoir, sur les oppositions en général dans la vie politique romaine, et sur l'importance des territoires italiens dans les débats et décisions politiques au Ier siècle av. J.-C. Cet extrait est également un bon exemple de la prose politique de Cicéron, très enflammée et pleine d'idées conservatrices. L'ager campanus va pour autant rester principalement sous la possession des sénateurs après cet épisode de la tentative de loi agraire de Rullus, notamment par la promesse de César. [...]
[...] Mais les guerres Samnites, entre le et le III° siècle, ont donné lieu à la romanisation de la Campanie, devenue ager Campanus. Cette région très vallonnée (où se trouvent le Vésuve et le Mont Milletto haut de 2050m), est voisine du Latium, à peine à 200 Km de Rome. La Campanie a donc été arrachée aux Sabelliens, et elle est devenue en deux siècles un centre d'activité économique d'une importance fondamentale pour la République, notamment grâce aux villes de Capoue, Herculanum et Pompéi (ces deux dernières ayant été détruites en 79 lors de l'éruption du Vésuve). [...]
[...] Egalement, cette redistribution des terres permettrait de repeupler Capoue, la ville principale de la province de Campanie, pour y établir une nouvelle colonie en Italie. Toutefois Rullus cherche d'avantage à intéresser la multitude par sa rogatio, à s'approprier les grâces du peuple, dans la lignée des Gracques. C'est pourquoi les critères de sélection des hommes à qui sont redistribuées ces terres ne sont pas décrits dans la proposition de loi agraire de Rullus. Mais cette rogatio pose de gros risques pour la stabilité de Rome. [...]
[...] La multitude séduite par l'appât des terres qu'on lui promettait en Italie, voyait en Rullus un nouveau Gracque, un patron, un bienfaiteur. Car si l'ager publicus campanien semblait destiné par le projet de loi agraire à profiter au petit peuple et aux vétérans, il profitait grassement jusque là aux sénateurs. Ces derniers se rendirent donc avec Cicéron à l'assemblée d'où provient ce texte, ce dernier mettant en avant, pour se faire entendre sans préjugés, le fait qu'il était un homme nouveau, le premier homme nouveau que vous avez fait consul de notre temps (début de la Loi agraire). [...]
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