En 878, une importante communauté de musulmans établis en Chine fut la victime d'une impressionnante vague de xénophobie. Des centaines de réfugiés s'installèrent sur les côtes de la péninsule malaise où ils reprirent leurs activités commerciales. Ils y apprirent, au contact des navigateurs malais, de nouvelles voies commerciales, plus méridionales, qui les amenèrent jusqu'à Borneo. On peut supposer, même que, lorsque les musulmans furent à nouveau autorisés à s'établir en Chine, certains d'entre eux y seraient revenus par la route du sud (Malaisie, Borneo, Philippines). Si cette hypothèse est exacte, cela signifierait que, dès le dizième siècle, des navigateurs musulmans ? arabes ou malais ? connaissaient la plus grande partie des Philippines.
L'une des tarsilas (récit généalogique) des Sulu narre comment un certain Tuwan Masha'ika débarqua à Jolo dans la région de Maimbung, et comment il se maria avec la fille d'une puissante famille. Il arriva à une époque où, selon le récit, les gens adoraient encore les pierres et objets inanimés. Si on admet que la tarsila recèle une part de vérité historique, on peut supposer que cet étranger était musulman, non seulement à cause de son nom, mais aussi parce que tous ses enfants ont reçu des noms musulmans. Il faut aussi remarquer que le terme Masha'ika est la forme plurielle du mot shaikh qui désigne dans le sud de l'Arabie les descendants des saints (...)
[...] Le système politique préislamique devait, me semble-t-il, permettre à un conquérant de fonder un sultanat sans pour autant islamiser une grande partie de la population, la reconnaissance par un petit groupe de dirigeants locaux devait lui suffire pour asseoir son autorité. En effet, avant l'arrivée des musulmans, la société était déjà très hiérarchisée, sous la forme d'une pyramide de pouvoir où chaque niveau se soumettait directement au niveau immédiatement supérieur. Toute décision prise par les dirigeants était retransmise à tous les échelons de la société et ne pouvait être discutée. Il suffisait donc qu'un missionnaire ou conquérant réussisse à convaincre un chef local ou un prince de se convertir, pour que toute la société le suive. [...]
[...] L'islamisation des Sulu En 878, une importante communauté de musulmans établis en Chine fut la victime d'une impressionnante vague de xénophobie. Des centaines de réfugiés s'installèrent sur les côtes de la péninsule malaise où ils reprirent leurs activités commerciales. Ils y apprirent, au contact des navigateurs malais, de nouvelles voies commerciales, plus méridionales, qui les amenèrent jusqu'à Borneo. On peut supposer, même que, lorsque les musulmans furent à nouveau autorisés à s'établir en Chine, certains d'entre eux y seraient revenus par la route du sud (Malaisie, Borneo, Philippines). [...]
[...] Les spécialistes de l'histoire des Sulu datent cet événement de la fin du quatorzième siècle. Probablement que Makhdum Karim était un de ces missionnaires soufis dont la présence est attestée vers la même époque dans l'archipel indonésien. Il serait pourtant faux de croire que ce personnage fut le premier à introduire l'Islam aux Sulu; des colonies de musulmans y étaient déjà établies avant son arrivée, mais ceux-ci devaient être des commerçants n'ayant que des connaissances superficielles de leur religion. Makhdum étant arrivé comme missionnaire, il aurait renforcé un Islam déjà existant et effectué de nouvelles conversions. [...]
[...] Certains historiens estiment qu'à cette époque, toutes les populations côtières et montagnardes partageaient la nouvelle foi : ceux-ci en veulent pour preuve une inscription découverte sur une tombe du Mont Tubangis révélant que le sultan avait effectué la conversion des populations montagnardes. Il est vrai qu'à partir de cette époque, tous les sultans se proclamèrent descendant de Sharif-ul-Hashim. Conclusion: Il faut se méfier des inscriptions élogieuses découvertes sur les tombes, qui déforment probablement l'histoire pour accroitre le prestige des premiers conquérants. De plus, pourquoi la reconnaissance de l'autorité d'un prince musulman impliquerait-elle la conversion rapide de toute la population? [...]
[...] Cette tarsila mentionne aussi l'existence de nombreux mariages entre musulmans étrangers et femmes indigènes. Une tombe découverte à Bud Dato dans l'île de Jolo pourrait bien confirmer la véracité de cette tarsila. La pierre tombale porte une inscription datée de l'an 710 de l'Hégire, révélant que le défunt était un musulman étranger décédé loin de son pays d'origine D'après cette tombe et d'autres inscriptions funéraires de la même époque, on peut déduire qu'à la fin du treizième ou du quatorzième siècle de notre ère, une colonie de musulmans était déjà bien établie à Jolo. [...]
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