Ces deux extraits de textes décrivent le déroulement d'un sacrifice particulier, celui du chien, dans deux villes d'Italie : Gubbio et Rome. Le premier texte provient des tables eugubines, tables de bronze découvertes en 1444 dans un théâtre romain à l'Ouest de Gubbio (Iguvium), en Ombrie. Elles étaient au nombre de neuf à cette date, mais deux d'entre elles ont disparu depuis. Elles sont aujourd'hui conservées au Palazzo dei Consoli. Rédigées en Ombrien, elles constituent l'unique source et témoignage de ce dialecte, ce qui en rend la traduction et l'explication difficile (certains passages sont d'ailleurs encore obscurs). L'alphabet utilisé pour les quatre premières tables est proche de celui qui avait cours chez les Etrusques, les tables V, VI, et VII utilisant un alphabet latin. Les textes écrits sur ces tables sont des instructions pour les cérémonies religieuses d'un collège de prêtres désignés sous le nom de Frères atiédiens, et datent de la République romaine. On peut difficilement dater précisément les tables, celles-ci n'ayant de plus pas été toutes rédigées au même moment, mais cet extrait est probablement antérieur au texte d'Ovide. Le sacrifice du chien est un extrait de la table IIa (c'est-à-dire la face recto). Le deuxième texte est extrait des Fastes d'Ovide. Ce dernier est né en 43 avant JC, dans une famille équestre. L'écriture des Métamorphoses (vers 1 avant J.-C.) marque un tournant dans sa carrière poétique. Il commence ensuite son poème les Fastes vers 3 après J.-C. Le mot « faste » désignait à l'origine les jours favorables à toute action, c'est-à-dire la majeure partie de l'année. Par extension, Ovide l'utilise pour désigner le calendrier. Présentée comme une annale, cette œuvre illustre la pratique de la religion romaine au fil des jours. Il s'agit d'un document unique sur les cérémonies religieuses, les institutions, les fêtes, les traditions sacrées et les croyances populaires. Comme dans les Métamorphoses, le poète met côte à côte des traditions romaines et d'autres venues du monde hellénique. Le poème devait contenir douze chants (un pour chaque mois de l'année), mais seulement les six premiers sont connus (de janvier à juin). Les six autres auraient été perdus, peut-être en raison de l'exil brutal du poète en 8 après J.-C. Les Fastes furent tout d'abord dédiés à Auguste, puis à Germanicus (l'auteur modifia la dédicace après avoir été exilé par l'empereur). Le texte concernant le sacrifice du chien est extrait du chant IV, consacré au mois d‘avril (mois de Vénus).
Ces deux textes décrivent tous les deux un sacrifice peu commun dans l'Antiquité, celui d'un chien, et nous permettent d'étudier la similitude de cet acte religieux à Gubbio et à Rome. On peut peut-être supposer une certaine diffusion des pratiques religieuses entre les différents peuples de l'Italie à l'époque de l'extension romaine, d'autant que Rome et Gubbio étaient liées par un traité (civitas foederata). Gubbio devint d'ailleurs municipe après la guerre sociale, et ses habitants obtinrent la citoyenneté romaine. L'étude comparée de ces deux textes permet donc de se demander en quoi ces deux sacrifices sont similaires, à travers tout d'abord les raisons qui entraînent le sacrifice, puis par l'étude des différentes offrandes, et enfin celle des différentes étapes du rituel.
[...] Le jour généralement choisi pour le début des festivités est le 25 avril, ce qu'Ovide explique à travers la tournure quand il ne restera plus que six jours à avril (l.1). L'auteur semble considérer cette date comme le milieu du printemps. Il s'agit en effet d'une période particulièrement propice à la rouille du blé, car les premières chaleurs favorisent la prolifération du champignon dans un milieu encore humide : si le soleil échauffe les chaumes humides : c'est alors que peut s'exercer ta colère, redoutable déesse (l.10-11). L'évènement marquant l'arrivée de cette période dangereuse pour la moisson est le lever du chien (l. : il s'agit également d'une constellation. [...]
[...] Les Ombriens, utilisaient probablement un calendrier lunaire, de même qu'à Rome. Le temps était réglé par les dieux visibles du Ciel, le Soleil (dieu du jour) et la Lune (déesse de la nuit). Les phases de la lune marquaient ainsi les mois : l'expression entre les lunes désigne donc un mois. La nouvelle lune était annoncée par le prêtre à chaque début de mois, fixant les calendes. Le point culminant du mois se situait à la pleine lune, lors de ides : c'est le moment choisi ici pour le sacrifice, ce qui renforce son importance et sa puissance. [...]
[...] L'équivalent de la fressure à Gubbio est l'erus (l.22). Vient ensuite l'invocation : à Gubbio, celle-ci se fait à l'aide d'aliments comme le vin et la farine : toi avec la farine (je t'invoque), toi avec le vin (je t'invoque) (l.10). L'utilisation de la farine semble ici marquer le début de la cérémonie. A Rome, le flamine s'adresse à la divinité sans lui offrir d'aliments. La prière commence tout de suite. Les paroles prononcées semblent avoir de l'importance, car Ovide les rapporte en entier à 17). [...]
[...] Une victime insolite A Gubbio comme à Rome, il était en effet peu courant de sacrifier un chien. Les animaux sacrifiés étaient plus généralement des taureaux (pour les sacrifices très prestigieux), des moutons, des chèvres, des porcs, ou de la volaille. Le sacrifice du chien est donc à mettre en relation avec des divinités particulières. A Gubbio, il était associé au culte des morts et des enfers, dont Hondus Jovius était l'un des dieux représentatifs. A Rome, on sacrifie un chien en raison de la levée de la constellation du chien, qui a lieu fin avril. [...]
[...] Le sacrifice réalisé à Gubbio est composé de nombreux rites est apparaît beaucoup plus complexe que le sacrifice du chien chez les Romains. Cependant, on retrouve un grand nombre d'éléments de ces rites dans d'autres circonstances à Rome. C'est le cas du rituel autour de l'obélisque : les Actes des Frères Arvales contiennent par exemple des références à l'onction d'objets de culte. De même, le choix du chiffre neuf pour l'exécution de la danse ternaire n'est pas un cas isolé dans les coutumes rituelles : les Fastes d'Ovide contiennent d'ailleurs un autre récit où il est fait mention du chiffre neuf au cours d'un rituel (l'exécutant prononce les mêmes paroles neuf fois, cf. [...]
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