Depuis 146 av. J.-C., Rome est propriétaire du sol africain, qui appartient à l'Etat (ager publicus). La conquête du royaume numide de Juba Ier en 46 av. J.-C. et le testament de Bocchus en 33 étendent ce vaste domaine public ; en effet Bocchus II a légué son royaume au vainqueur d'Actium, Octave. Octave projette dans un premier temps d'annexer définitivement le royaume à l'Etat romain et de le transformer en parcelle de l'ager publicus. Mais après une période d'interrègne de 8 ans, il décide en 25 av. J.-C. d'installer Juba II, fils de Juba Ier vaincu par César à Thapsus, sur le trône du royaume de Maurétanie. Le passage à l'administration directe semble donc révéler la volonté de créer un ensemble nord-africain homogène. Juba II s'insère ainsi dans la réorganisation de l'Empire qui prévaut au lendemain de la bataille d'Actium. Auguste veut mettre en place les éléments susceptibles de créer les conditions d'une véritable romanisation en Africa. Il faut bien sûr entendre par romanisation un double mouvement: d'une part, un processus d'acculturation lié à la diffusion de normes, de références et de valeurs, notamment hellénistiques, aboutissant à la constitution d'une « koïnè » culturelle commune ; d'autre part, un processus politique et institutionnel fondé sur l'octroi de la citoyenneté et la participation étroite aux affaires romaines.
Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure Juba II, en étant associé par Auguste à la réorganisation politique, territoriale et administrative de l'Empire, a-t-il participé au processus de romanisation dans le royaume de Maurétanie ?
[...] La politique mixte d'hellénisation et de romanisation prônée par les empereurs et appliquée par Juba II a eu des répercussions inattendues : elle doit amener à la cause romaine les élites africaines et faire de la culture gréco-romaine un facteur d'intégration politique. Mais des forces centrifuges sont à l'œuvre au sein même du petit groupe des familiers du roi, chez lesquels loyalisme et ambitions personnelles se sont imbriqués. Conclusion La romanisation n'a touché qu'un espace restreint. La majeure partie des Africains est des semi-assimilés, occupant une position intermédiaire entre les tribus réfractaires à l'autorité romaine. [...]
[...] En revanche, en 6 apr. J.-C. Juba II combat en Mauritanie le foyer primitif qui a donné naissance à large coalition des Musulames et des Gétules de l'est et de l'ouest ; sa défense lui vaut d'ailleurs les honneurs indiqués sur les monnaies de la 31e et de la 32e année de son règne. Juba a en même temps aidé à la victoire finale de Lentulus, comme le numéraire maurétanien semble le confirmer : les années 31 et 32 du règne de Juba II donnent lieu à deux types, la Victoire et les ornements triomphaux. [...]
[...] L'hellénisme, signe d'une culture universelle, est désormais avant tout un facteur de romanisation. Se reconnaître grec, c'est pour tout souverain, accepter l'ingérence romaine. L'hellénisation du mode de vie qu'adopte Juba se manifeste également par les propagandes et les images liées au pouvoir qu'il véhicule dans le royaume Images et propagandes En tant que roi client de l'empereur, Juba se trouve confronté à une situation identique à celle que vivent ses homologues orientaux : une autorité personnelle, mais fondée sur la caution romaine, un pouvoir précaire, une situation politique ambiguë. [...]
[...] La fondation de Caesareae est un moyen, pour reprendre l'expression de Mireille Coltellini-Trannoy, de forger un limes culturel aux marges de l'Empire La politique édilitaire de Juba menée dans sa capitale crée, aux yeux des Romains, une étape intermédiaire entre la barbarie d'un royaume semi-nomade et la civilisation romaine. C'est sans doute peu après 25 av. J.-C. que Caesarea prend l'aspect d'une ville romaine à part entière, bâtie très rapidement et pour ainsi dire ex- nihilo. Entre mer et montagne, Caesarea est construite selon les normes classiques de l'urbanisme hellénistique : plan hippodaméen de centre urbain, enceinte, construction étagée des îlots d'habitation à l'acropole. Ce schéma subit toutefois des inflexions sensibles, qui font de la capitale une ville aussi romaine que grecque. [...]
[...] Juba II ne se borne pas à puiser dans un savoir déjà constitué ; il organise aussi, aux bornes de son pays, des expéditions de reconnaissances auxquelles il a peut-être participé. Pline relate en particulier les missions envoyées dans l'Atlas à la recherche des sources du Nil, et d'autres vers l'archipel des Canaries. De tels voyages ont souvent un but politique (délimiter le territoire et soumettre des peuplades rebelles) et un but scientifique. Ces expéditions rehaussent en tout cas le prestige de Juba II. Juba incarne donc une double culture, même si la langue et les sujets de ses ouvrages le rattachent à la culture gréco-romaine. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture