Dans République, Platon nous dit ceci : « La première des choses à faire pour fonder une cité c'est de la doter de mythes. » La primauté n'est donc pas donnée à la loi, mais au mythe, on comprend alors l'importance de la mythologie au sein de la cité grecque. Toutes les cités en effet se nourrissent et fondent leur existence sur les mythes. A Athènes comme dans les autres cités, les mythes parlent de l'origine, une origine nécessairement brillante au travers de laquelle les citoyens voient une forme de préfiguration de leurs entreprises collectives. Le mythe dont nous avons ici la charge nous a été transmis par Saint Augustin qui dans son ouvrage la cité de dieu rapporte ce mythe dont l'écriture est attribuée à Varron, écrivain Romain né à Reate (auj. Rieti) en 116 et mort en 27 av. J.-C. C'est dans la partie Antiquités de l'œuvre de Varron intitulée Rerum humanorum et divinarum antiquitas («Des choses humaines et divines antiques») que St Augustin d'Hippone (354-430) reprend le mythe dont il est ici question dans le livre 18 chapitre 9 de la cité de dieu. Le mythe décrit par Varron s'inscrit dans un large mouvement de rédaction sur les origines locales au cours des périodes hellénistique et romaine. Cette historiographie colossale donnait à chaque cité ses origines et ses ancêtres et répondait à un besoin d'identité politique des cités car au delà de l'excentricité du discours, cette mythologie des origines fait œuvre d'étiologie et permet à l'homme grec de restaurer les causes de la nature civique et politique de la cité réelle. Certes le mythe raconté par Varron n'était point connu des grecs de l'âge classique puisqu'il fut rédigé au cours de la période romaine. Cependant il est indéniable que l'homme grec classique en connaissait au moins une version analogue. La multiplicité des formes dans le discours mythique disait Lévi-Strauss dissimule une unité profonde de fond et de sens. Aussi sur le message civique qui apparaît dans ce mythe l'homme grec classique n'est point ignorant, car le mythe de la démocratie masculine fait référence à deux autres mythes Athéniens des origines connus de tous à l'âge classique et dont nous aurons à reparler. Varron y raconte la naissance d'Athènes, l'origine de son nom, et de sa démocratie masculine. Cela se passe au temps lointain du partage des timai (les honneurs) entre les immortels, chaque dieu compte recevoir le maximum d'égards et les cités des hommes sont à cette époque le terrain d'âpres luttes entre les divinités. A Athènes donc Poséidon affronte Athéna sous l'œil de kékrops, premier roi de l'attique, déjà à moitié humain mais encore lié aux créatures monstrueuses de la terre primordiale, la mythologie le présente comme diphues, personnage à double nature, mi-homme mi serpent. Il soumet le peuple entier hommes et femmes au vote pour savoir qui d'Athéna ou de Poséidon prendra la possession de l'attique. Les femmes plus nombreuses d'une unité votèrent toutes pour Athéna qui remporta ainsi le duel. Poséidon est vaincu comme il le fut à Trézène, Argos et Delphes par Athéna, Héra et Apollon. Afin de calmer la fureur du dieu vaincu, les hommes frappèrent aussitôt les femmes de trois sortes de peines : exclusion de la vie politique, interdiction de porter le nom d'athénienne ainsi que de transmettre leur nom à leurs enfants. La fable nous invite ainsi par le biais de l'exclusion des femmes en même temps que du rapport entre la cité d'Athènes et sa divinité poliade à réfléchir sur l'intrication du mythe et du politique, sur le rapport entre l'imaginaire et le réel. L'exclusion des femmes au sein de la cité, les dénis dont elles sont victimes trouvent une origine dans la sphère mythologique de la cité, ce mythe en leur accordant la victoire les privent aussitôt de toute influence, c'est ce à quoi nous nous attacherons dans un premier temps pour ensuite tenter d'élucider cette ambiguïté que conte le mythe dans une recherche sur l'éponymie d'Athènes, sur le paradigme tout à fait original que représente la déesse parthénos pour la cité. Enfin, nous verrons que le mythe si on le dépouille de sa langue fabuleuse, peut intégrer pleinement la cité réelle en alimentant l'imaginaire collectif de fantasmes idéalisés sur la citoyenneté et la division des sexes, il impose et dicte les représentations civiques au sein de la cité.
[...] Le mythe de la démocratie masculine opère quant à lui une forme de synthèse, un syncrétisme ce ces représentations. Conclusion Pour conclure, force est de constater que le mythe des origines remplit une fonction civique et politique au sein de cité. Il est pour les Grecs un élément fondamental de l'histoire de la polis et s'il l'est pour les Grecs il l'est aussi pour l'historien cherchant à restaurer les causes de la nature politique de la cité athénienne. Le mythe protège les institutions de la cité en leur assurant leur légitimité. [...]
[...] Toutes les cités en effet se nourrissent et fondent leur existence sur les mythes. A Athènes comme dans les autres cités, les mythes parlent de l'origine, une origine nécessairement brillante au travers de laquelle les citoyens voient une forme de préfiguration de leurs entreprises collectives. Le mythe dont nous avons ici la charge nous a été transmis par Saint Augustin qui dans son ouvrage la cité de dieu rapporte ce mythe dont l'écriture est attribuée à Varron, écrivain Romain né à Reate (auj. Rieti) en 116 et mort en 27 av. J.- C. [...]
[...] Le mythe est donc à la fois l'identité de la cité et son principal garant. Il n'est alors pas étrange de rencontrer au travers de différents mythes, une unité de fond et de sens qui fait appel à la réalité sociale, le mythe peut ainsi parfois en cherchant à cautionner la réalité sombrer dans une forme de surenchère justificatrice. polymorphisme du discours sur division des sexes et citoyenneté Nous disions en introduction que ce mythe de la démocratie masculine est à mettre en parallèle avec deux autres mythes connus de tous les Athéniens de l'âge classique : le mythe de Pandora et celui d'Erichthonios dont nous avons déjà parlé. [...]
[...] Ces fantasmes envahissent l'imaginaire civique athénien et s'autonomisent en un système de pensée qui cherche sa légitimité dans le discours mythique. Si dans la réalité les femmes doivent enfanter des enfants qui ressemblent à leur père (telle est même la définition du bon ordre social), au niveau de la pensée mythique les Grecs préfèrent enfermer les femmes dans un génos (cf supra) toujours prêt à faire sécession, voire à se reproduire en circuit fermé. Cette opération imaginaire libère, ne nous y trompons pas, le fantasme inverse d'une reproduction masculine qui n'aurait pas besoin de passer par les femmes. [...]
[...] Une fois que l'origine de la cité était racontée, la cité n'avait plus qu'à vivre sa vie, elle était inscrite dans l'espace et dans le temps. Si le temps mythique n'a ni profondeur ni mesure, les auteurs grecs et romains s'attachèrent néanmoins avec une certaine obsession à établir une chronologie des mythes basée sur les généalogies des dieux et des héros. Pourquoi un tel acharnement ? Parce que la chronologie est quelque part l'œil de l'histoire et elle se suffit à elle-même en temps que programme de vérité où l'on connaît le temps, l'espace et où l'on connaît les hommes et les évènements à y inscrire. [...]
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