En 293 avant J.-C., le roi Séleucos Ier Nikatôr (règne : 321-280) donne sa propre épouse Stratonice en mariage à son fils Antiochos (324-261), avant d'associer celui-ci au pouvoir. Ces événements sont racontés par l'historien grec APPIEN D'ALEXANDRIE (90/95 – 163/165 après J.C.) dans le livre XI (ou Livre Syrien) de l'Histoire romaine, dont nous avons ici les paragraphes 59 à 61. On connaît peu la vie d'Appien, si ce n'est pas la correspondance de Fronton, l'un de ses familiers, et le peu d'événements connus est sujet à des débats entre historiens. On sait qu'il est parti à Rome, qu'il a reçu la citoyenneté romaine et effectué une carrière de haut-fonctionnaire, qui lui a notamment donné accès aux archives impériales. De cette vie romaine, il en retire l'argument de son ouvrage, qui a pour but d'instruire ses compatriotes grecs sur l'histoire du peuple qui domine pratiquement tout le monde connu alors. La structure originale de son oeuvre permet de nous renseigner sur tous les peuples que Rome a soumis car Appien le compose de façon kata génos, cad « par nation », racontant l'histoire d'un peuple jusqu'à son absorption par l'Empire : ainsi écrit-il l'histoire des Séleucides. Des 24 livres de l'Histoire romaine, entre 9 et 11 nous sont parvenus entiers, dont le livre d'où provient notre extrait. Appien écrit 4 siècles après les événements racontés, pendant sa retraite, et se révèle avant tout un compilateur de différentes sources qu'il résume sans esprit critique, comme Jérôme de Cardie et Polybe, cependant il est la meilleure source dont nous disposons sur le règne de Séleucos Ier.
Séleucos, depuis 301 et la bataille d'Ipsos, a ajouté la Syrie (moins la Syrie-Coélée, occupée par Ptolémée) à ses autres possessions que sont la satrapie de Babylone, les Hautes satrapies orientales et la Bactriane (renvoi à la carte p.18). Mais, alarmé par le rapprochement entre Lysimaque, Cassandre et Ptolémée, à travers une politique d'alliance matrimoniales, il conclue, en 298 av. J.-C., l'alliance de Rhossos avec Démétrios Poliorcète : il lui reconnaît la Cilicie contre la main de sa fille Stratonice, avant de reprendre la Cilicie à Démétrios en 294, tout en gardant sa fille. [cf. carte p.18 du fascicule]
Or, de la l. 1 à l.6, Antiochos, fils de Séleucos, tombe amoureux de Stratonice en 293 av. J.-C. et se met à dépérir, mais, de la l. 19 à 35, le médecin Erasistratos, qui a compris d'où venait le mal, use d'un stratagème pour que Séleucos accepte de donner sa femme à son fils. Séleucos convainc alors, de la l. 36 à 37, les deux jeunes gens de se marier ; il convoque ensuite son armée pour un discours où il explique la situation, proclame l'infaillibilité de la royauté et la corégence d'Antiochos. Enfin, le texte se termine l.50 à 52, sur l'union d'Antiochos et Stratonice, avant qu'ils ne partent régner dans les satrapies orientales.
Nous allons donc commenter ce texte suivant trois axes : après avoir vu comment ce mariage a été justifié dans l'Antiquité, nous nous interrogerons sur l'importance qu'il a dans l'ancrage de la dynastie séleucide et enfin, comment Séleucos s'en sert surtout pour consolider le pouvoir de l'empire.
[...] Mais la consolidation est encore plus effective avec le mariage avec Stratonice qui est élevée au rang de basilissa quand Antiochos devient basileus, et qui aidera son mari à administrer leur royaume (l.51). Le corégent a là l'occasion de fournir les preuves de ses vertus royales qu'il ne peut plus affirmer par le droit de la lance Cette technique de corégence devient une coutume dans la dynastie séleucide et s'affirme comme le moyen d'un meilleur contrôle de ce vaste empire L'accord de l'armée, pilier de l'empire Lorsque Séleucos [convoque] son armée (l.37), il le fait pour des raisons bien précises : l'intronisation du corégent passe par sa présentation au peuple, ici l'armée, qui est un facteur déterminant de la structuration du système politique, basé sur la conquête. [...]
[...] Le document : édition et commentaire APPIEN, Histoire romaine, livre XI, traduction de Horace White http://www.livius.org/ap-ark/appian/appian_syriaca_00.html Sur Appien et son œuvre Pascal ARNAUD, Les sources de l'histoire ancienne, Supérieur Histoire, Belin, Paris Valérie FROMENTIN, s.v Appien d'Alexandrie in Jean LECLANT (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité, PUF, Paris p.162-163 Joël SCHMIDT, s.v. Appien d'Alexandrie in Dictionnaire de la Grèce antique, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, Paris p Autres documents invoqués au cours de l'explication EURIPIDE, Hippolyte, in Jean RACINE, Phèdre, Classiques, Pocket, Paris p.105 (complainte du chœur sur l'amour) JUSTIN, Abrégé des Histoires philippiques, XV : cf. fascicule p.90 (origine apollinienne) PLUTARQUE, Vie de Démétrios traduction de John Dryden, The International Plutarch Society, http://classics.mit.edu/Plutarch/demetrus.html (diagnostic d'Erasistrate) et cf. fascicule p.20 (motif du mariage) 2. [...]
[...] Séleucos, depuis 301 et la bataille d'Ipsos, a ajouté la Syrie (moins la Syrie-Coélée, occupée par Ptolémée) à ses autres possessions que sont la satrapie de Babylone, les Hautes satrapies orientales et la Bactriane (renvoi à la carte p.18). Mais, alarmé par le rapprochement entre Lysimaque, Cassandre et Ptolémée, à travers une politique d'alliance matrimoniales, il conclue, en 298 av. J.-C., l'alliance de Rhossos avec Démétrios Poliorcète : il lui reconnaît la Cilicie contre la main de sa fille Stratonice, avant de reprendre la Cilicie à Démétrios en 294, tout en gardant sa fille. [cf. carte p.18 du fascicule] Or, de la l à l.6, Antiochos, fils de Séleucos, tombe amoureux de Stratonice en 293 av. J.-C. [...]
[...] Dans ce cas, Erasistrate va utiliser autant ses talents de médecin que de psychologue : le chagrin, la colère et d'autres passions de ce genre se dévoilent. Mais l'amour d'un timide reste caché (l.9-10). Il utilise une méthode empirique basée sur les changements physiques (l.12) pour définir son diagnostic : la visite de tous les visiteurs ne suscitaient qu'une faiblesse encore plus grande et une lente dégradation de son état (l.13-14), mais quand Stratonice entre, son corps reprenait de la vigueur et de l'entrain (l.16). [...]
[...] Il s'agit maintenant d'affirmer les principes mêmes de la royauté séleucide Le basileus : roi absolu et maître de la loi Pendant le discours à ses soldats, Séleucos proclame en une phrase le pouvoir de la royauté séleucide : J'impose qu'aucune loi des Perses ou des autres nations ne soit plus digne d'être observée que celle-ci, qui est commune à tous, à savoir que ce que le roi impose est toujours juste (l.46-48). Autrement dit, le roi est l'incarnation de loi et ne peut pas mal agir. Selon l'expression de Peter GREEN, il est obligatoirement juste Il est la loi vivante et affirme ainsi sa toute puissance. L'exemple en est qu'il peut unir sa femme et son fils en étant le seul à valider ce mariage comme légitime ; sa parole (loi) suffit. [...]
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