Agis et Cléomène, dont les pères avaient adopté des principes forts différents, héritèrent d'une patrie misérable et malade, ce qui n'affaiblit nullement leur élan vers le bien. (Plutarque, Comparaison d'Agis et Cléomène et des Gracques, I, 5), cette brève citation nous conduit de plain pied dans le sujet qui nous préoccupe. Agis IV et Cléomène III furent rois de Sparte respectivement d'environ 244 à 241 pour le premier et de 235 à 222 pour le second. Plutarque indique rapidement que dans une Sparte « décadente », ces deux rois essayèrent d'inverser la tendance.
Après la guerre du Péloponnèse (404), Sparte exerça son hégémonie sur le monde grec jusqu'à la bataille de Leuctres (371). Cette défaite ouvrit une période de déclin. Agis et Cléomène tentèrent d'y remédier. Leur manière d'agir a été diversement interprétée. Certains ont parlé de rois réformateurs, c'est-à-dire d'individus modifiant un ordre donné afin d'en corriger les défauts. D'autres, comme M. I. Finley ou E. Lévy ont parlé de rois révolutionnaires, ce qui sous-entendrait en toute rigueur, que politiquement, ces rois ont conduit une transformation radicale. Enfin, le terme de restaurateurs a pu aussi leur être appliqué, c'est-à-dire qu'ils auraient cherché à renouer avec un ordre passé.
On le voit, Agis et Cléomène, ainsi que Plutarque le rappelle, transformèrent une Sparte moribonde. L'enjeu est d'essayer de présenter leur action et de déterminer ce qui relève de la restauration, de la révolution ou encore de la réforme.
Les sources disponibles sur la Sparte du IIIe s. sont littéraires et se bornent essentiellement aux biographies de Plutarque et au récit de Polybe, le témoignage de ce dernier se rapportant exclusivement ou presque au règne de Cléomène.
Afin de bien mesurer le malaise spartiate et la manière dont les rois Agis et Cléomène tentèrent d'agir, il faut d'abord revenir sur les ingrédients qui composent ce malaise spartiate, ensuite, il est logique de voir, puisqu'Agis et Cléomène se succédèrent, ce que firent l'un puis l'autre. (...)
[...] Pour lutter contre les problèmes socio-économiques, Agis et ses proches préconisent les mesures suivantes : abolition de dettes ; réorganisation des phidities ; partage de terres pour offrir et créer 4500 kléroi - mesure complémentaire indispensable à la reconstruction du corps civique Dans toutes les mesures préconisées, on le voit, la référence, l'inspiration d'Agis IV et de ses partisans est Lycurgue et la Sparte traditionnelle, le roi tente de remettre en œuvre ce modèle qui lie un citoyen, une terre et un mode de vie égalitaire. L'ambition est de l'ordre de la restauration. C. Un projet avorté Si l'on observe la mise en œuvre du programme, les résultats sont bien modestes. Parmi les projets, seule l'abolition de dette est appliquée. [...]
[...] Les changements proposés sont trop radicaux pour pouvoir emporter l'adhésion d'une majorité, d'autant que si Agis se réfère au législateur Lycurgue pour se légitimer, Léonidas en fait autant La référence n'est pas aussi solide et univoque que l'on pourrait le penser. Léonidas parvint à se rétablir, mettant un terme à ce sursaut. Il nomma de nouveaux éphores et en 241, fit mettre à mort Agis, sa mère et sa grand-mère. Faute d'avoir été plus rapide, plus radical et moins légaliste, Agis échoua. Au final, ce roi souhaitait restaurer plus que tout changer, et ce parti pris conduisit à sa perte. Cléomène III s'inspira d'Agis, mais sans l'imiter en tous points. [...]
[...] On doit quand même souligner quelques actions pragmatiques. En matière militaire, Sparte la conservatrice, plus d'un siècle après Philippe II, adopte la sarisse et donc la tactique macédonienne : il devenait urgent de rompre avec une tradition obsolète. En 223 par ailleurs, Sparte ayant besoin de subsides, affranchit 6000 hilotes et peut-être 2000 autres à des fins militaires. Cléomène agit donc aussi pragmatiquement vis- à-vis de ses hilotes. Si l'on dresse un bilan, on doit constater que Cléomène a manifestement réussi à restaurer un ordre économique et social ancien sans connaître les écueils et contestations de son prédécesseur. [...]
[...] À Leuctres hommes étaient présents disparaissent. Par ailleurs, la définition de la citoyenneté est particulièrement contraignante. Outre l'ascendance (parents spartiates), l'éducation spécifique, les homoioi adultes se doivent de participer aux repas collectifs (syssities ou phidities) et d'y payer leur écot, quiconque ne peut s'acquitter de sa part est déchu. Le phénomène est décrit par Xénophon, il est plausible néanmoins qu'à l'époque hellénistique, des Spartiates plus aisés ont pu aider ceux qui n'étaient pas en capacité d'honorer leur participation. La dénatalité est le dernier facteur qui peut expliquer le déclin démographique, celui-ci n'est pas proprement spartiate, comme le rappelle Polybe (XXXVI, 17) : [ ] de nos jours, dans la Grèce entière, la natalité est tombée à un niveau très bas et la population a beaucoup diminué, en sorte que les villes se sont vidées et que les terres restent en friche, bien qu'il n'y ait pas eu de longues guerres ni d'épidémies. [...]
[...] HISTOIRE ANCIENNE Sujet : Agis et Cléomène, rois réformateurs de Sparte Bibliographie : Sources : Plutarque, Vies parallèles, texte établi et traduit par A.-M. Ozanam, Paris, Gallimard, coll. Quarto Polybe, Histoire, texte établi et traduit par D. Roussel, Paris, Gallimard, coll. Quarto Ouvrages généraux : Cl. Préaux, Le monde hellénistique, Paris E. Will, Histoire politique du monde hellénistique, Paris Ouvrages spécialisés: P. Cartledge, Hellenistic and Roman Sparta, a tale of two Cities, Londres et New York E. Lévy, Sparte, histoire politique et sociale jusqu'à la conquête romaine, Paris Agis et Cléomène, dont les pères avaient adopté des principes forts différents, héritèrent d'une patrie misérable et malade, ce qui n'affaiblit nullement leur élan vers le bien. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture