Le texte que nous avons ici est extrait du « livre des vizirs » ou « kitab al Wazirs » en arabe, rédigé par Hilal al Sabi et traduit par Dominique Sourdel. Hilal al Sabi était secrétaire et écrivain à l'époque buwayhide. Cette dynastie vient du nord de l'Iran. Elle fut fondée à l'époque de l'émiettement du pouvoir abbasside par les trois fils de Buyah: Ali, Hasan et Ahmad. Vers 935, Ali s'empara d'Ispahan et du Fars tandis que Hasan et Ahmad mirent la main sur le Khuzestan et la province de Kerman. Les trois frères coalisèrent alors leurs forces pour chasser le calife et occuper Bagdad en 945. L'Empire fut, par la suite, fragmenté entre les membres de la famille. Néanmoins, Adud ad-Dawlah (949-983) réussit à unifier l'empire et à agrandir le territoire. Cet Empereur donna au régime Buwayhide un caractère profondément Perse et chi'ite. Hilal al Sabi appartenait à une famille de savants et de secrétaires sabéens originaire de Harrran et établie à Bagdad. Il est né en 969 et mort à Bagdad en 1056. Il fut directeur du bureau de la chancellerie sous l'émir al Dawlah et en 1012 il se convertit à l'Islam. Ses fonctions administratives à la cour des émirs buwayides lui permirent de composer des ouvrages qui par les témoignages et les documents qu'il utilise constituent une mine précieuse de renseignements. Son “kitab al Wazirs” fut rédigé au temps du vizir Ibn Mafina vers 1050. Seul une partie de cette œuvre a pu être conservée traitant des vizirs sous le calife al Muqtadir dont fait partie l'extrait étudié. Dans ce texte, Hilal al Sabi décrit le déroulement de la succession du calife abbasside al Muktafi (902-908) environ un siècle et demi sépare donc le récit des évènements qu'il évoque. Il décrit ici les évènements qui conduisirent à la mise en place du calife al Muqtadir ou Djafar fils du calife al Mutadid (892-902) au détriment Ibn al Muttaz fils du calife al Mutazz (866-869). Il insiste sur le rôle déterminent du vizir et d'un de ses secrétaires ibn al Furat dans cette prise de décision. Dès la fin du IX e siècle l'autorité des califes abbassides ne cessa de s'affaiblir tandis que les vizirs, hauts dignitaire et chef de l'armée pesait lourdement dans la vie politique. L'autorité des califes abbassides ayant donné la prééminence au pouvoir spirituel n'avait en fait jamais reposé sur des bases véritablement stables et le pouvoir politique était en permanence vacant à qui voudrait l'exercer. Aussi le pouvoir grandissant des vizirs cumulé à celui de l'armée et aux discordes au sein de l'empire devaient définitivement compromettre l'autorité du califat abbasside. Dans cette perspective et par les renseignements que nous fournit Hilal al Sabi nous tenterons de montrer en quoi cette succession fut l'expression même de l'écroulement du pouvoir califal.
[...] Avant de mourir il nomma comme héritier son demi -frère cadet Djafar Al Muqtadir. Il respectait ainsi les dispositions successorales mises en place au temps des Omeyyades par Abd Al Malik. Pourtant Hilal al Sabi continue en nous disant ligne 5/7 tous conseillèrent de désigner Ibn al Muttazz à l'exception d'Ibn Al Furat qui s'abstint de donner son avis. Déjà avant la mort d'al Muktafi, un groupe d'officiers, de secrétaires et de quadis avaient organisé un complot pour déclarer calife Ibn al Mutazz. [...]
[...] Le jeune al Muqtadir reprit alors la possession de son titre de calife. Ces événements attestent des divisions au sein même des dignitaires du vizirat, ils consacrent également l'affaiblissement de l'autorité califale qui sous le règne d'al Muqtadir transparaît largement. Ibn al Furat nous l'avons vu avait prédit qu'al Abbas occuperait dans le cœur du calife la place de son père al Mutadid et serait ainsi calife lui-même. Ses plans qui s'avérèrent inexacts suite à la mort d'al Abbas devaient néanmoins se retourner en sa faveur. [...]
[...] Il naquit à Samarra en 861 et avait donc 47 ans à la mort d'al Muktafi. Il avait toujours entretenu des relations étroites avec le personnel politique de l'empire et son engagement auprès des califes, ses convictions politiques profondément antichiites transparaissaient largement dans ces écrits au travers desquels il glorifiait et exaltait les victoires des califes contre les révoltes dans l'empire. Retiré des affaires publiques en 902, il donna néanmoins son consentement à ceux qui cherchaient à le proclamer calife. [...]
[...] Nous voyons donc comment le vizirat qui pendant la révolution abbasside avait forgé en partie la recevabilité de la dynastie devait au cours des siècles devenir un élément subversif en raison de son autonomie et de la malveillance de certains dirigeants. En ouvrant les fonctions politiques et administratives à des éléments chiites, la dynastie s'exposait à des dissensions. La succession d'al Muktafi et le règne d'al Muqtadir marquent l'effondrement définitif de l'autorité califale. Son successeur al Radi sera contraint de déléguer en 935 l'ensemble de ses pouvoirs militaires et financiers à un chef qui reçut le titre nouveau de grand émir ou amir al-umara qui exerça jusqu'à la chute des Abbassides une véritable tutelle sur le califat. [...]
[...] Il fut lui-même choisi comme vizir par le jeune calife suite à l'échec de la conjuration d'Ibn al Mutazz. Ibn al Furat exerça alors un pouvoir total échappant au contrôle des grands notamment la mère du calife et les principaux eunuques du Palais. D'une grande éloquence et fort intelligent, Ibn al Furat gagna la sympathie du jeune calife à qui il avait servi de guide et qui manifesta pour lui une forme de fascination lui léguant ainsi la totalité du pouvoir. [...]
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