Les rapports entre Grecs et Egyptiens dans l'Egypte des IV-IIIème siècles, soulèvent des problèmes sur deux niveaux :
· au niveau de l'état. La nouvelle dynastie gréco-macédonienne accapare un pouvoir qui, quelques années auparavant, appartenait encore à une dynastie indigène (Nectanebo II disparaît à partir de 341).
· au niveau de la catégorie dominante que constituent les Grecs. Dans les principaux secteurs d'activités (sociale, économique, culturelle), ils sont en position de force, ce qui a pour conséquence une infériorisation de la population indigène – même si les rapports de force vont évoluant.
Il s'en suit une double série de questions :
· Comment la domination grecque sur l'Egypte a-t-elle été reçue, ou subie : c'est le problème des réactions indigènes ; sur quel plan se situent-elles, sous quelles formes ?
· Le contact durable entre groupes hétérogènes entraîne-t-il des transformations de l'un ou l'autre groupe, ou simplement au sein du groupe « dominé » ? Peut-on parler d'acculturation, et dans quel sens ?
On définit l'acculturation comme l'ensemble de phénomènes résultant du contact continu et direct entre groupes d'individus appartenant à des cultures différentes, et aboutissant à des transformations affectant les modèles culturels originaux de l'un et l'autre groupe.
[...] La plus fréquente de ces manifestations de résistance est le refus de travailler, mais peu efficace. La fuite hors du nome, l'anachôresis, est un bon moyen de pression sur l'employeur, et représente rapidement un danger pour l'économie royale : celui de la baisse de la production (d'autant plus que les terres abandonnées retournent très vite à l'état désertique). Ces mouvements ne sont pas le signe d'une opposition systématique et cohérente à la politique royale, mais plutôt l'expression du désespoir de ceux qui n'en peuvent plus selon les termes d'une lettre adressées à Zénon. [...]
[...] Avec Ptolémée IV commencent les phases de tension sociales évoquées, mais qui aboutissent aussi d'une certaine façon à un rapprochement entre roi lagide pharaonisé et clergé. Le pouvoir lagide entre dans la voie des concessions à la population indigène, dont on fait le point de départ le plus marqué de l'égyptianisation de la royauté. C'est après la bataille de Raphia que le pouvoir lagide rentre(rait) dans une phase de déliquescence ; Polybe : Ptolémée, en armant les indigènes contre Antiochos, prit une résolution sage pour le présent, imprudente pour l'avenir ; remplis d'orgueil par leur victoire à Raphia, ils ne purent souffrir qu'on leur donnât des ordres et se mirent à chercher un chef et un prétexte pour se révolter en gens capables de se suffire Parmi les mesures prescrites par l'édit de la stèle de Pithom (pour célébrer la victoire de Raphia) figure l'ordre d'ériger dans tous les temples une stèle commémorative de la victoire de Raphia. [...]
[...] o Sur le plan de la vie culturelle, la même constatation d'existence parallèle s'impose. Il y a d'un côté la vie intellectuelle à la cour d'Alexandrie, sous le patronage des rois, au musée et à la Bibliothèque ; les Egyptiens n'y ont pas participé, à part Manéthon. En milieu égyptien, l'activité intellectuelle est à un tout autre niveau : dans les maisons de vie des temples, où s'effectue le travail de copie et de lecture. C'est un monde clos, un petit univers fermé sur lui-même, qui fait perdurer la tradition religieuse afin que les Dieux ne se détournent pas de la terre d'Egypte. [...]
[...] On ne peut non plus négliger le très fort maintien, globalement, du système de représentations et de valeurs caractéristiques de la culture égyptienne, ce pour quoi le clergé joue un rôle fondamental, du fait de sa mentalité conservatrice, et de sa volonté de préserver son rôle de détenteur d'un savoir unique et irremplaçable à l'intérieur de la société égyptienne. Ce rôle-ci est bien plus important, plus réel, plus efficace et plus tangible que la rédaction de quelques œuvres messianiques et prophétiques, qui certes expriment la solidarité ethnique, religieuse et culturelle d'une communauté menacée, mais sont surtout des utopies compensatrices, des refuges dans l'imaginaire. o Enfin, le processus d'acculturation ne joue pas seulement dans le sens d'une assimilation par les Egyptiens de la culture grecque dominante, mais il implique un mouvement en retour. [...]
[...] Les voies de passage. o La première possibilité est l'apprentissage de la langue. C'est une absolue nécessité pour les Egyptiens d'apprendre le Grec, langue officielle de l'administration et de l'armée. Le temps aidant, une couche assez large de la population a du apprendre quelques rudiments. Les deux cultures peuvent alors s'interpénétrer, se mélanger, se comparer. Ainsi, les inscriptions funéraires, grecques et égyptiennes, de la nécropole d'Edfou, révèlent chez les auteurs d'épigrammes grecques, une indéniable connaissance de la littérature égyptienne traditionnelle. [...]
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