Le royaume de Pergame présente souvent une figure assez singulière dès lors qu'on analyse l'époque hellénistique. Il se constitua en -241 principalement grâce à l'opportunisme de ses fondateurs Eumène Ier et Attale Ier. Ces derniers étaient en effet alors dépourvus d'une assise territoriale importante de même qu'ils n'avaient pas la légitimité des descendants des diadoques. Pourtant, malgré sa brève existence (il disparut en -129), la précarité de sa situation initiale et sa « compromission » avec Rome à partir de la deuxième guerre punique, ce petit royaume sut se présenter à l'historien avec ses victoires militaires prestigieuses (contre les Galates mais aussi les Macédoniens) ainsi que sa culture riche et foisonnante. En ce sens, la plus probante manifestation de l'art pergaménien fut probablement la frise de la Gigantomachie qui s'étalait sur les murs du Grand Autel de son acropole sur 113 mètres de long et sur 2,28 de haut. Considéré pendant un temps à égalité avec les sept merveilles du monde antique par certains auteurs anciens (tel Lucius Ampélius), ce monument demeure assez obscur concernant ses dates d'édification. Les historiens s'accordent néanmoins aujourd'hui presque tous à situer sa construction autour des année -160 pour son début ; construction qui fut interrompue, semble-t-il, presque définitivement au début des années -140, soit entre la fin du règne d'Eumène II (qui régna entre -197 et -158) et le règne d'Attale II. Une époque à laquelle ces souverains s'écartèrent quelque peu de la tutelle romaine (ceci n'étant valable que pour le premier) et s'affranchirent des velléités de conquête de Prusias II de Bithynie (surtout avec Attale II).
Alors que le monde hellénistique mêlait aisément les sphères politiques et religieuses, on peut se demander si la frise de la gigantomachie fut le produit de projets cultuels autant que de desseins royaux.
Il convient dès lors de comprendre dans un premier temps que la frise de la Gigantomachie présente avant tout un culte des Pergaméniens aux Douze Dieux, avant de constater dans un second temps que, certes le Grand Autel fut un Dôdécathéon, mais fut également un Euméneion, ainsi que nous le montre cette même frise.
[...] Elles ne sont pourtant pas les seules figurées : ce sont en tout près de 50 dieux qui terrassaient au moins 64 Géants. L'idée de la défaite des Géants est présente partout puisqu'à part à une reprise où l'un d'eux semble défier Hermès sur la face Nord, tous les fils gigantesques de Gaïa sont représentés défaits. Les Géants ne pouvant avoir été achevés, selon le mythe, que par un mortel, Hercule fut donc représenté avec son arc d'une manière très visible (car centrale) sur le côté Est (le plus immédiatement perceptible par le fidèle qui accédait à l'esplanade de l'autel). [...]
[...] Pourtant, le thème de la Gigantomachie, par la multiplicité des Géants pourfendus par les dieux, semblait faire plus référence au massacre de Galates des années -189. C'est néanmoins surtout l'analyse stylistique de cette frise qui autorise l'analogie Géants Galates : l'intempérance et l'excès que prêtait la culture grecque aux peuples barbares se reflétaient particulièrement dans l'attitude belliqueuse et l'air tourmenté de ceux que les dieux combattaient sur ce relief. Ces barbares s'enduisaient par ailleurs bien souvent la chevelure de plâtre humide, titanos en grec : or les Titans, divinités antérieures aux Géants, leur étaient néanmoins facilement assimilés. [...]
[...] L'art pergaménien fut en effet la principale source de l'hellénisation de la culture romaine et il n'est en ce sens pas surprenant que des auteurs romains aient rangé ce monument et ses frises au rang des sept merveilles du monde antique. Bibliographie - HOLTZMANN (Bernard), PASQUIER (Alain), Histoire de l'art antique : l'art grec, Ecole du Louvre, Paris (consulté) - LULLIES (Reinhard), HIRMER La sculpture grecque de ses débuts à la fin de l'hellénisme , Flammarion, Paris (consulté) - QUEYREL (François), L'autel de Pergame :Images et pourvoir en Grèce d'Asie, A. et J. Picard, Paris (ouvrage de base du dossier, lu entièrement) - SMITH (R. R. [...]
[...] Même si le culte d'Eumène II à travers la frise de la Gigantomachie reste très probable, il n'en est pas moins incertain : dans tous les cas, cette frise célèbre réellement une royauté attalide triomphante. Car en effet la victoire est partout : du côté des dieux évidemment mais plus précisément du côté de Hercule. Ainsi que nous l'avons vu, Hercule était le seul à même d'achever les Géants lors de ce combat en leur décochant ses flèches : c'est ainsi qu'il est représenté, d'une manière centrale et très visible du côté Est, ainsi que nous l'avons vu. [...]
[...] Enfin, le fidèle pouvait adopter un point de vue plus topographique pour appréhender la Gigantomachie. Il pouvait dès lors remarquer que l'emplacement de quelques unes des divinités répondait à la volonté des sculpteurs qu'elles fussent placées en direction du lieu de l'acropole de Pergame qui leur était spécifiquement consacré. A l'Est Athéna et Zeus était par exemple dirigés vers leurs sanctuaires respectifs. Il en était de même pour Dionysos à l'Ouest ou au Nord Aphrodite placée dans le sens de l'Aphrodision de même que Hermès. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture