Du Xème au XIIIème siècle, l'Egypte, un pays au passé plus que marquant dans l'histoire du monde Méditerranéen depuis des siècle, devient un centre important de l'histoire de l'Islam, au centre des luttes internes entre différentes mouvances politiques et religieuses du dar-al-islam. Cette période du Xème au XIIIème siècle en Egypte est donc marquée par la succession de deux dynasties musulmanes en Egypte: les Fatimides et les Ayyoubides. Les Fatimides puisent leur nom de l'arabe al-Fâtimiyyûn, issu de Fatima, la fille de Mahomet qui épousa le cousin du prophète, Alî, et cette dynastie régna en Egypte de 969 à 1171. Quant aux Ayyoubides, ou Ayyûbides, ils puisent leur nom de Saladin, dont le nom arabe est Salâh al Din Yûsuf al-Ayyûbb, le fondateur de la dynastie qui succéda aux Fatimides, fondée en 1171, puis renversée en 1250 par une nouvelle dynastie, celle des Mamelouks turcs bahrites. Ces deux dynasties s'opposent principalement par leur différence religieuse, les Fatimides étant une secte schî'ite, issue de l'ismaïlisme, tandis que les Ayyûbides s'inscrivent dans le mouvement sunnite.
En effet depuis 642, Alexandrie est aux mains des musulmans, et ce principalement grâce aux actions d'Amr ibn al-As. Amr qui, en 643, fonda Fustat, engage ensuite la conquête du pays. Ainsi les musulmans sont devenus maîtres de l'Egypte, malgré une tentative infructueuse de reprise d'Alexandrie par les Byzantins en 645. Depuis cette date, l'Egypte est progressivement arabisée, tout d'abord sous les Omeyyades, puis dès 750 et la Révolution abbasside qui déplace le centre de gravité du monde musulman de Damas à Bagdad, par les Abbassides. Malgré une tentative de contrôle du califat abbasside par l'Egypte sous Ibn Touloun, celle-ci redevient une simple province de l'Empire abbasside en 905, après que l'armée califale eût raison des forces toulounides. C'est donc une Egypte province du califat abbasside dont l'armée berbère fatimide s'empare en 969. L'histoire de ces Fatimides commence à la fin du IXème siècle, par la rencontre d'un prédicateur shî'ite ismaïlien et de pèlerins issus de la tribu berbère des Kutâma, installés en Petite Kabylie. C'est ainsi qu'un arabe, Obeid Allah, se présente comme le Mahdi, l'envoyé de Dieu, l'imam caché attendu depuis la disparition du septième imam de la succession d'Ali. Le Mahdi entreprend ainsi la conquête du califat abbasside de Bagdad, ce qui implique la conquête de l'Egypte. Il meurt en 934, et c'est un de ses successeurs, al-Mu'izz (952-975), qui lance l'expédition en 969 sur l'Egypte, dont la conquête déplace le centre du pouvoir fatimide du Maghreb vers l'Egypte, et dont le Caire en devient la capitale en 973. L'Empire fatimide se trouve néanmoins réduit à l'Egypte depuis 1076 (Prise de Damas par les Turcs Seljoukides), s'éteignent en 1171 à la mort d'al-Adid, le dernier calife fatimide. A cette époque des Croisades, les Fatimides sont opposés aux Francs, et se trouvent en difficulté face à Amaury, le Roi de Jérusalem, et le calife fait donc appel en 1164 à Nûr-al-Dîn Ibn Zenki (1146-1174), le principal acteur du djihad à cette époque, qui envoie Shîrkûh son général pour repousser le roi de Jérusalem hors d'Egypte, ce qui lui vaut d'être nommé vizir en Egypte après sa victoire à Damiette contre les Francs en 1168. Mais c'est une période de renversement des pouvoirs en Egypte, qui sont passés progressivement du calife, à une véritable dynastie de vizirs militaires. A la mort de Shîrkûh deux mois plus tard, son neveu Salah-al-Dîn Ibn Ayyûb (Saladin) le remplace et devient le nouveau grand vizir du calife al-Adid en 1169. C'est donc à la démission volontaire puis la mort de ce dernier, que se fonde concrètement la dynastie des Ayyoubides en Egypte, en 1171, et que l'Egypte se rallie à l'orthodoxie sunnite après deux siècles de domination ismaïlienne. Mais en 1174 à la mort de Nûr-al-Dîn, Saladin, alors maître de l'Egypte, s'impose désormais à la Syrie, et constitue un véritable empire ayyoubide.
On constate donc que l'Egypte fût entre la fin du Xème et le XIIIème siècle, au coeur des intérêts à la fois des shî'ites, des sunnites, mais aussi des Croisés, en un mot, au centre des conflits politiques et religieux qui secouèrent le monde méditerranéen et arabe. Dès lors on peut s'interroger sur les éléments, les facteurs, qui ont fait de l'Egypte le fondement de la puissance fatimide et ayyoubide ? Pourquoi un tel intérêt pour ce pays, et quels sont les avantages que ces deux dynasties ont tiré de ce pays au croisement de nombreuses influences historiques, politiques, religieuses et géographiques?
Pour cela nous étudierons tout d'abord les fondements naturels et les richesses géographiques offerts par l'Egypte, puis le fondement commercial de la puissance fatimide et ayyoubide, et enfin l'exploitation par ces derniers d'un héritage riche de l'arabisation égyptienne, plus que favorable, et qui constitue un excellent terreau pour y fonder leur puissance.
[...] Ces routes entre Alexandrie, Assouan et 'Aydhab (port de la Mer Rouge), ont donc été l'un des fondements de la puissance fatimide et ayyoubide. A la fois donc sur le plan commercial, mais également militaire, ou encore dans un rôle de moyen de pression non armé, car ces routes ont été le point de départ aussi bien de la da'wa fatimide que de la contre-réforme sunnite. Ces routes en somme, ne véhiculaient pas seulement des biens ou des personnes. Non, il s'agissait de bien plus que cela, elles véhiculaient également des idées, des cultures et cultes religieux. [...]
[...] Ainsi, les Fatimides et les Ayyoubides ont redonné un nouveau visage à l'Egypte, et une nouvelle place au sein de l'échiquier international du Xème au XIIIème siècle, lui faisant peu à peu retrouver une centralité et une unité disparue depuis l'Antiquité. Mais les fondements de la puissance fatimide et ayyoubide en Egypte sont très liés. Ils sont tout d'abord naturels, la première force du pays venant principalement du Nil, ce don fait à l'Egypte, un territoire aux nombreux avantages, à la fois infranchissable par la plupart des armées, mais également très prospère pour l'agriculture. Si le Nil permet non seulement l'irrigation, il permet également le transport d'hommes et de marchandises. [...]
[...] Les routes commerciales sont donc en pleine expansion sous les Fatimides et les Ayyoubides, mais le principal fondement de la puissance des deux dynasties en Egypte, c'est sans aucun doute l'importance de la métropole du Caire et Fustat au niveau du commerce international, de l'Europe à l'Inde, un véritable noeud commercial mondial. Et l'hégémonie de cette ville sur le commerce entre l'Asie et la Méditerranée, n'a fait que de renforcer la volonté de centralité des pouvoirs des Fatimides et des Ayyoubides. Car cette époque est celle d'un grand essor commercial et industriel, et les Fatimides en tirèrent parti dans leur propre intérêt. Cet essor commercial se concentrait plus particulièrement sur les produits importés d'Asie, qui représentaient environ la moitié des produits échangés dans les marchés méditerranéens. [...]
[...] Cette population copte gagna le statut de protégés les dhimmis, ne se convertissant que très lentement, et plus massivement sous les Fatimides et les Ayyoubides. En somme les Coptes conclurent un traité promettant la soumission des coptes aux conquérants arabo-musulmans, contre la conservation de leur liberté religieuse, sûreté personnelle, la garantie de l'inviolabilité de leurs biens et d'une justice impartiale. C'est donc une véritable protection que les Arabes offrirent aux populations coptes, obtenant ainsi un soutien de la population locale, essentiel pour gouverner. [...]
[...] Et c'est ce commerce important, permis par la situation géographique de l'Egypte, qui devint un autre fondement de la puissance fatimide et ayyoubide, les deux dynasties en tirant de grands profits. Encore plus que ces avantages naturels et commerciaux, les Fatimides et les Ayyoubides ont su tirer les principaux fondements de leur puissance en Egypte de la forte arabisation du pays, et des administrations qu'ils ont développées ou consolidées. On peut donc en conclure que les Fatimides et les Ayyoubides ont fondé leur puissance en Egypte sur de nombreux facteurs, à la fois innés au territoire ou créés de toute pièce. [...]
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