Thucydide d'Athènes (460-398) est considéré comme le grand historien de l'Antiquité. Sa Guerre du Péloponnèse n'est pas seulement et simplement une suite d'évènements historiques rapportés par l'historien (qui avait d'ailleurs participé à cette guerre en tant que stratège) mais, il s'agit avant tout d'une réflexion sur la nature et les causes profondes de cette guerre qui opposa Athènes et Sparte entre -431 et -404 av. J.-C. Thucydide interprète les évènements plus qu'il ne les décrit. D'ailleurs, dans un important soucis de vérité, Thucydide, en écrivant la Guerre du Péloponnèse, accorda beaucoup d'importances aux choix des sources et à leur véracité. Il le fit notamment en critiquant et en étudiant méticuleusement les témoignages oraux qui consistent en la plus grande part des sources de l'historien, et en refusant d'intégrer à son récit de la guerre, toutes sources découlant de la tradition orale, sources qui laissent généralement la part belle au fantastique et qui préfèrent mettre les évènements sur le compte du divin ou du surnaturel. Aussi, les deux extraits de la Guerre du Péloponnèse qui nous avons ici comme objet d'étude, nous montrent une fois de plus le soucis de Thucydide d'intégrer dans son récit des témoignages oraux, fondant donc sa narration sur des faits réels et vérifiés et non pas sur des témoignages dont l'auteur n'est pas avéré. L'auteur nous rapporte ici les discours de Diodote et de Cléon ; Diodote répondant à Cléon qui était un des orateurs les plus écoutés mais qui était également un homme violent et un grand démagogue. Ces discours, prononcés devant l'assemblée convoquée lors de l'Affaire de Mytilène (428 av. J.-C.), avaient pour but de prendre une décision à propos de la mise à mort des mytiléniens. Mytilène, qui était une cité alliée d'Athènes sur l'île de Lesbos pendant la guerre du Péloponnèse, était accusée de défection. Une première décision avait été prise pour la mise à mort des hommes en age de porter les armes. Mais l'assemblée été revenue sur sa décision et les discours rapportés ici donnent les arguments des deux partis représentés par Cléon qui est pour la condamnation des mytiléniens, qui, selon l'orateur sont les seuls responsables de cette défection, et Diodote qui veut que l'assemblée revienne sur sa décision mettant en cause la politique athénienne vis-à-vis de son Empire.
L'on peut donc se demander quels sont donc les deux avis présentés par les deux orateurs) propos de la mise à mort de ce peuple.
Pour étudier ces deux discours, nous étudierons dans un premier temps les arguments présentés par Cléon et Diodote pour ou contre la mise à mort des citoyens de la cité de Mytilène, puis, nous étudierons dans un deuxième temps le remise en cause de la démocratie athénienne notamment en ce qui concerne l'attitude à adopter d'Athènes par rapport à son Empire.
[...] Si Athènes met à mort le peuple de Mytiléne, les autres cités de l'empire athénien y verraient un crime contre des innocents. Les révoltes dans le but de soutenir les Mytiléniens, et tout simplement contre l'autorité et la répression trop forte d'Athènes, n'en seraient alors que plus nombreuses. Si, au contraire, Athènes se montre compréhensible, elle y gagnera les faveurs populaires qui l'aideraient à lutter contre son ennemie, Sparte. Enfin, les deux donnent des arguments économiques. Cléon estime que si Athènes s'engage dans une guerre contre Mytiléne au lieu de mettre à mort la population, elle y perdrait beaucoup d'argent et surtout, si elle gagne, elle récupèrerait une cité ruinée qui ne pourrait plus verser le tribut qu'elle doit à Athènes. [...]
[...] Au lieu de fonder sa réflexion sur ses faits et ses erreurs passées, elle préfère écouter certains arguments de bons rhétoriciens. Pour Cléon, il suffit qu'un orateur donne de bons arguments bien tournés pour que l'assemblée, enthousiaste, prenne une décision qui va dans le sens de l'orateur. Il compare même l'assemblée venue entendre des orateurs, à un public venu écouter des sophistes. Autrement dit, l'assemblée préfère, selon Cléon, utiliser une argumentation toute faite, quelque soit le but premier du rhétoricien, plutôt que de réfléchir par elle-même. [...]
[...] Tout d'abord, pour Diodote surtout, l'assemblée ne doit pas se montrer juge mais doit réfléchir aux meilleurs moyens de régler le problème de la défection des Mytiléniens. Elle doit avant tout créer un débat et utiliser des arguments logiques pour le bien et l'intérêt d'Athènes et des athéniens. L'orateur le dit, ce n'est pas du ressort de l'assemblée de décider si les mytiléniens sont coupables ou pas, et en soit, le savoir ne serait pas le plus important pour Athènes. Il s'agit plutôt de réfléchir aux solution à prendre qui seraient les meilleures pour l'avenir de la cité. [...]
[...] Aussi, ce n'est donc pas la mise à mort des mytiléniens qui y changera quelque chose. En plus des arguments en faveur ou contre la mise à mort du peuple de Mytilène, les deux orateurs discutent des conséquences de la mise à mort des mytiléniens sur le reste de le l'Empire athénien. D'un côté, Cléon cherche à montrer qu'Athènes pourrait révéler une faiblesse si elle accepte les rébellions de ses cités. Si Athènes excuse Mytilène pour ses rébellions, cela remettrait même en cause la légitimité de l'Empire. [...]
[...] Les Mytiléniens se résignent, mais n'adhèrent pas réellement à la politique impérialiste d'Athènes puisque leur seul intérêt est d'être protégé par Athènes. Quant à Diodote, il met aussi en cause Athènes et son autorité, mais d'une autre manière. Il accuse les athéniens d'avoir trop usé de la force et de sa domination sur les Mytiléniens. En exerçant son impérialisme plus souplement, cela pourrait éviter à Athènes que ses cités n'aient rien que l'idée de se révolter. Enfin, les deux discutent de la nature même de l'être humain. [...]
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