La cité grecque a survécu à travers les périodes de domination hellénistique et romaine, d'inévitables mutations ne devant pas dissimuler une permanence remarquable dans l'ensemble. Car les Romains détruisirent les confédérations et les monarchies héritières d'Alexandre, et prirent progressivement leur place, y compris dans les rapports qu'elles avaient entretenus avec les cités, sujettes ou autonomes.
L'euergésia était tenue pour l'une des vertus royales par excellence, et les Romains, successeurs des rois, sont eux aussi devenus des évergètes par excellence. Une inscription d'Epidaure apprend qu'ils avaient la priorité parmi les évergètes invités à la proédrie ; les romains évergètes recevaient des honneurs cultuels, et l'épithète Euergétis fut une des épithètes cultuelles de la déesse Rome. La formule « commun évergète de tous » apparaît pour la première fois en 182, au lendemain des victoires sur Philippe V et Antiochos III, et se généralise après Pydna. Si l'on peut penser qu'à l'époque hellénistique, les rois entendaient être les bienfaiteurs de « tous les hommes » et que l'idéal est la reconnaissance du roi comme koinos euergétès tôn hellènôn, il faut admettre que cet idéal fut rarement atteint par les rois et que la formule ne fut régulièrement appliquée qu'aux Romains.
[...] Un sanctuaire lui est dédié en propre, il est aussi honoré au gymnase, où il partage le trône avec les dieux de la palestre c'est-à-dire Hermès et Héraclès. Théophane de Mytilène, déjà cité, qui arrache à Pompée la liberté pour sa cité, est honoré aussi comme un nouveau fondateur. Les cités fondues en un agrégat de clients, les rois affaiblis ou disparus, Rome restait le seul recours mais aussi le seul pouvoir. [...]
[...] Une certaine haine des romains a du pousser sur le terreau du malaise économique et social. Ce d'autant plus qu'après la première guerre mithridatique, les exactions qui n'avaient auparavant frappé que la province d'Asie s'étendirent à toute l'Asie mineure. Les publicains oeuvrent en Bithynie en 74, et poussent jusqu'à Héraclée du Pont, où les romains résidents sont massacrés. Vers 50, aucune province n'échappe aux publicains, aucun état-client n'est à l'abri des negotiatores. Très vite, les cités sont contraintes à l'emprunt car leurs impôts rentrent mal guerres mithridatiques, guerre contre Pharnace en 47, libérateurs en 42, invasion parthe Elles s'endettent auprès d'hommes d'affaires et de publicains disposant de fonds sur place. [...]
[...] Entre temps, les rois hellénistiques avaient pu continuer à jouer leur rôle : les Romains n'avaient élevé aucune objection à ce qu'Antiochos IV comblât de ses bienfaits Rhodes, Délos, Cyzique, Tégée, Mégalopolis ; il leur suffisait que les Séleucides ne puissent jouer de rôle politique au-delà du Taurus. Mais l'affaiblissement des Séleucides et des Lagides, l'extinction des Attalides, laissèrent un vide que durent combler, lorsqu'ils le pouvaient, le dévouement des citoyens les plus riches. C'est le cas de Moschiôn de Priène, achevant la construction d'un gymnase après qu'eurent fait défaut les subventions promises par des rois. [...]
[...] Il est bien évident qu'une cité ne devait pas manquer d'élever une statue à son patron si ce dernier se rendait dans la province dont elle faisait partie : lorsque son patron M. Junius Silanus vint gouverner l'Asie en 76, Mylasa s'empressa d'envoyer un ambassadeur à sa rencontre pour le persuader de se rendre dans la ville et de constater le zèle de ses habitants pour lui-même et pour le peuple romain. Il est clair que dans bon nombre de cas, des cités durent saisir l'occasion de la magistrature provinciale d'un sénateur pour se faire admettre dans sa clientèle, ou voulurent se concilier un gouverneur ou un questeur en lui demandant d'accepter de devenir leur patron. [...]
[...] Si l'on peut penser qu'à l'époque hellénistique, les rois entendaient être les bienfaiteurs de tous les hommes et que l'idéal est la reconnaissance du roi comme koinos euergétès tôn hellènôn, il faut admettre que cet idéal fut rarement atteint par les rois et que la formule ne fut régulièrement appliquée qu'aux Romains. I. Les romains évergètes Il ne faut pas voir pure adulatio dans l'appellation de communs évergètes accordée aux romains : c'est aussi, et peut-être surtout, une façon pour les Grecs de rappeler leurs maîtres à une conception du pouvoir fondée non sur un simple rapport de force mais sur un échange de bienfaits et de reconnaissance obéissante. [...]
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