L'Egypte romaine n'est évidemment pas une fondation ex nihilo sur des territoires vierges ou peuplés de tribus appelées barbares par les Romains. Lorsque ceux-ci s'en emparent concrètement en -30, après en avoir fait un allié, puis un Etat dominé, ils mettent fin à l'indépendance égyptienne et à l'époque hellénistique. Mais les deux grandes ères les ayant précédé, celle des Ptolémées lagides succédant à celle des pharaons égyptiens en -323, leur transmettent un legs politique et surtout culturel dont ils ne peuvent faire abstraction. La réduction de l'Egypte en province entre directement dans le cadre de la guerre civile que se livraient alors Antoine et Octave. Il ne s'agit donc pas réellement d'une conquête militaire comme elle peut apparaître partout ailleurs. La présence romaine demeure d'ailleurs particulièrement endémique, le but étant moins de maîtriser le territoire que de drainer ses richesses.
Les cadres de vie restent très largement ceux de l'époque hellénistique, il est très présomptueux de parler de « romanisation ». La vie continue à s'y dérouler en marge de l'influence des nouveaux détenteurs du pouvoir, comme l'illustrent les luttes que se livrent Juifs et Grecs jusqu'à l'anéantissement des premiers par l'empereur Hadrien dans le premier quart du IIe siècle. L'expression de l'hostilité vis-à-vis des autorités romaines se concentre essentiellement au sein de la ville d'Alexandrie, qui est animée de plusieurs révoltes au cours des périodes antoninienne et sévérienne, dont l'une réprimée très durement par Caracalla en 215. Ce même Caracalla met un terme aux revendications des habitants d'Egypte quant à la citoyenneté par l'édit de 212.
La province ne relève pas, comme la norme l'exige, du Sénat. Elle apparaît comme un bien propre de l'empereur, originalité qui se traduit dans les cadres administratifs qui la gouvernent notamment. Le cas de l'Egypte s'illustre également par le matériau historique qu'elle procure. En effet, les sources sont extrêmement abondantes. Cette richesse en quantité se double d'une richesse en qualité. On retrouve plusieurs langues, à l'image de la société cosmopolite égyptienne. Outre la numismatique, les inscriptions épigraphiques et les données archéologiques dont ont dispose, c'est avant tout par la papyrologie que l'on possède un regard bien plus que lacunaire sur l'Egypte d'alors. De ce point de vue, le nombre de ces papyrus singularise fortement l'Egypte par rapport aux autres provinces. Enfin les géographes et historiens antiques sont également assez prolixes à son sujet.
Il s'agit ici d'étudier l'évolution des principaux traits de l'identité de la province, militaires, économiques, fiscaux, administratifs, sociaux, culturels et religieux principalement, face aux difficultés globales connues par l'Empire pendant l'apogée des menaces militaires pesant sur lui, liée à son incapacité à y répondre, mais aussi face au redressement de la situation entamé dès les années 270 et confirmé par la restauration, voire la rénovation tétrarchique, en somme du règne de Valérien (253-260) à celui de Constantin (312-337). Les enjeux impliqués concernent les racines mêmes du pouvoir impérial et de la conception du territoire romain. Ainsi, la province est elle au cœur du problème.
La singularité de l'Egypte résiste-t-elle à la nouvelle rationalisation de l'Empire romain opérée sous la tétrarchie ?
[...] Mussius Aemilianus en 261-262 et Lucius Domitius Domitianus en 297-298 ont aussi par leur action intégrée pleinement l'Egypte dans la crise de l'Empire. Les peuples limitrophes se sont, comme un peu partout aux frontières romaines, manifestés en tant que menace : les arabes et les troglodytes à l'est, les tribus sahariennes à l'ouest, mais surtout les Blemmyes nubiens, qui sont remontés jusqu'en moyenne Egypte et ont peut-être provisoirement occupé la Thébaïde, et en auraient alors été chassés par Probus en 279. [...]
[...] Histoire politique 192- 325 ap. JC, Errance, Paris (2e éd.) *Lançon, Bertrand, Schwentzel, Christian-Georges, L'Egypte hellénistique et romaine, Nathan Universités, Paris *Legras, Bernard, L'Egypte grecque et romaine, Armand Colin, Paris -Le Roux, Patrick, romanisation en question”, in Annales. Histoire, Sciences sociales, 59e année, mars-avril 2004, p.287-311. *Mélèze-Modrzejewski, Joseph, L'Egypte in Rome et l'intégration de l'Empire av. JC 260 ap. JC. Tome 2 : Approches régionales du Haut- Empire romain, Claude Lepelley éd., Paris Vie sociale, démographie, populations -Albou-Tabart, Sylvie, Antérion, Dominique, Demory, Jean-Claude, Fortier, Alain, La vie quotidienne de l'Egypte ancienne, Hachette, Paris -Alston, Robert, Violence and Social Control in Roman Egypt in Proceedings of the 20th International Congress of Papyrologists, Copenhague p.165-176. [...]
[...] Cela permet d'appréhender les enjeux culturels, au sens de la cohabitation de différentes cultures, religieux et sociaux dans une province économiquement florissante. La place particulière de l'Egypte tient aussi de sa position économique dans l'Empire. La première de ses qualités, celle qui tout du moins construit sa réputation, est son agriculture céréalière, en particulier la culture du blé. Elle représente une grand part de la production agricole totale, qui elle-même est un socle majeur de la production de la province. Ainsi, hors des nombreux échanges intra provinciaux, ce blé s'exporte hors de ses frontières. [...]
[...] L'Egypte est soumise aux mêmes turbulences fiscales et monétaires que le reste de l'Empire pendant la période. Elle fait même figure de témoin de ces changements grâce à la richesse de sa documentation. La Tétrarchie s'attelle à une réforme fiscale de grande ampleur, dès 287. Les cycles fiscaux quinquennaux (epigraphai) sont instaurés, les décaprotes ont désormais un mandat de cinq ans et des fonctions plus étendues. L'outil sur lequel l'autorité impériale fonde avant tout sa nouvelle politique fiscale est le recensement, en Egypte comme dans tout l'Empire, des terres et des personnes. [...]
[...] Ce maillage prend concrètement l'apparence d'une défense en profondeur, visant à répondre au développement des insurrections internes. Souvent, les constructions militaires sont prétexte à démolir les édifices et symboles religieux propres à la culture égyptienne, comme à Louqsor ou Coptos. La voie qui relie toutes ces infrastructures semble être celle de l'inspection de Dioclétien en 302. La terre d'Egypte offre en elle-même un certain nombre de défenses naturelles que ces édifices viennent consolider : delta du Nil, Mer Rouge, déserts. [...]
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