Une des difficultés de l'étude des religions tient à notre référent culturel qui gêne une perception objective des croyances des « autres », perception objective sans laquelle il n'est pas de connaissance scientifique. Les cultures dans lesquelles nous baignons sont fortement marquées par le christianisme, par l'islam, par le judaïsme, bref par les monothéismes. Cela influence toute notre lecture du monde (même lorsqu'on se déclare agnostique ou athée), en attribuant aux religions des « qualités » particulières par rapport à ce qu'on sait ou croit savoir des autres. Le christianisme, et les autres monothéismes sont conçus, historiquement, par leurs adeptes comme la victoire d'un système de croyances sur les autres – voir l'usage fait encore aujourd'hui de termes comme paganisme et idole pour évoquer des rites des polythéismes -. Cette perspective entre dans une conception erronée, positiviste, de l'histoire, qui se la représente comme un progrès constant.
Notre sujet se limite au polythéisme, et, plus précisément, au polythéisme dans la religion grecque. Or, si tous les polythéismes ont des modes de fonctionnement en commun, ils ne renvoient pas tous à une même conception du divin (on trouve de telles différences aussi entre les monothéismes). Je laisse donc de côté d'autres polythéismes, d'hier comme le romain, le germain, et d'aujourd'hui comme l'hindouisme et le shintoïsme, je me consacre aux seuls Grecs.
[...] Il faut bien qu'individus et groupes sachent à qui, exactement, il convient qu'ils adressent prières offrandes et sacrifices. C'est cette nécessaire question de l'identification des formes qu'épouse le divin qui explique le système de nomination que nous avons examiné plus haut. En Grèce, cette nomination des dieux passe par le système des épiclèses. Pierre Lévêque et Louis Séchan, Les grandes divinités de la Grèce antique, Paris rééd. compl Première édition dans La naissance des dieux, Paris - 78 ; première rééd. dans Mythe & et société en Grèce ancienne, Paris - 120. [...]
[...] L'esprit humain tirerait du nombre des dieux une conception du monde. Parce que conception du monde et nature du divin constituent une seule et même représentation, une sorte de conglomérat hérité qui fait système, et que si le nombre change le reste vient avec. - Soit je dis que c'est d'abord la conception du monde, du sacré, de l'homme, par les hommes, qui changent, si bien que ces nouvelles représentations, ces conceptions nouvelles, modifient les représentations qu'on se fait du sacré, du divin. [...]
[...] C'est sa signature, son mode d'intervention dans le monde. Dans notre exemple, on peut rechercher, selon les circonstances, soit l'appui du dieu Arès, c'est le carnage ; ou celui d'Athéna, c'est la tactique, la finesse, la métis. Identités Le divin en général Les monothéismes disent le nom de Dieu au masculin singulier. Point de féminin, point de neutre, ni de pluriel. Pour parler des dieux, les Grecs utilisent des dérivés du terme théos qui signifie ‘dieu'. L'adjectif theios ‘divin', avec un article neutre : to theion divinité' ; au singulier, soit sans article théos : ‘surnaturel' ; avec l'article, ho théos dieu' (celui-ci) qui le distingue des autres, opération spécifique du polythéisme. [...]
[...] Il pourra alors citer cette fameuse parabole métaphysique du brahmane Yajnavalka (en contexte polythéiste) qui montre ce que ces deux conceptions empruntent l'une à l'autre. En réponse à cette question : Mais, enfin, combien y a-t-il de dieux (vous qui savez) ? Après avoir répondu 3003 et 303 alors qu'on le presse encore de le dire vraiment, il concède successivement : 33 puis 3 puis 2 puis un et demi pour conclure qu'il y a un dieu (peut-être avec une majuscule). [...]
[...] Agoraios, c'est un adjectif ; dans ce contexte on appelle cela une épiclèse. On peut comprendre ainsi : parmi tous les Zeus, celui qui a l'agora parmi ses secteurs d'activité, l'Agoraios. Zeus Agoraios a donc un sens plus étroit que Zeus. Règle à retenir : seuls ces dieux, nommés de cette façon, en deux parties, reçoivent un culte. Le processus de nomination va donc du général au particulier. Chaque dieu peut de cette façon être développé en un nombre indéterminé de formes spéciales en épousant toutes sortes d'épiclèses, et l'on ne voit pas de limite théorique à cette prolifération. [...]
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