Cicéron (106-43 av. JC), orateur et homme politique romain, membre de l'ordre équestre, formé au droit et la philosophie (notamment stoïcienne, et platonicienne), se distingue à Rome par son éloquence lors des procès au cours desquels il intervient à partir de 81. Il gravit ensuite les échelons du cursus honorum jusqu'au consulat en 63. Isolé en raison de son hostilité aux triumvirs, il est exilé par le sénateur Clodius en 58. De retour à Rome, il se consacre au barreau et se rapproche de Pompée. Le De legibus, dont nous avons ici un extrait, est écrit en 52 av JC, durant l'été, alors que Cicéron est de plus en plus à l'écart des affaires politiques de la cité. Il ressent donc le besoin de faire part de son expérience d'homme d'Etat, ce qu'il a fait tout d'abord avec le De Republica dans lequel il cherche à distinguer les fondements essentiels de l'Etat romain, puis avec le De legibus où sont répertoriés des exemples plus concrets et plus précis. Seuls les trois premiers livres de l'œuvre nous sont parvenus entiers. Cicéron veut y présenter l'exposé le plus complet possible de toutes les lois de Rome, dans une période où le droit romain est en pleine mutation. Dans cet extrait, prologue du livre II essentiellement consacré au droit religieux, Cicéron se met lui-même en scène dans une discussion avec son ami Atticus. La scène se déroule dans le jardin de la propriété de Cicéron à Arpinum, son frère Quintus étant également présent. L'orateur y exprime son attachement pour la région où il est né, en déduisant l'existence pour un Italien de deux patries distinctes : celle de sa naissance, et celle qui lui a donné la citoyenneté, c'est-à-dire Rome. Cette question se pose effectivement après l'incorporation des Italiens dans la citoyenneté romaine, conséquence de la guerre sociale achevée en 89 av. JC. Rome englobe ainsi la majorité de la population de l'Italie, en devenant leur nouvelle patrie, une patrie commune à tous. Suite à l'extension massive de la citoyenneté romaine dans les années 88-89, quel est le rapport que peuvent entretenir les Italiens vis-à-vis de leur cité d'origine, dont Rome a juridiquement pris le rôle principal ? Cicéron définit tout d'abord le lieu d'origine comme une patrie de nature, qu'il oppose à Rome en tant que patrie de citoyenneté, avant de montrer son dévouement à cette dernière, dont le service doit primer par-dessus tout.
[...] Cicéron, malgré sa carrière prestigieuse, a toujours du supporter le mépris des Romains nés à Rome, qui ne considéraient pas les citoyens des municipes comme leurs égaux. En tant qu'homo nouus, il était de plus beaucoup plus exposé aux moqueries et critiques de ses adversaires. L'égalité de droit ne se traduisait pas tout de suite par l'égalité de fait, c'est pourquoi Cicéron se sent régulièrement obligé de rappeler son dévouement à Rome. Ce dévouement est ici total : en elle qu'il faut déposer et pour ainsi dire sanctifier tout ce qui nous appartient (l. [...]
[...] La petite patrie possède quant à elle un rôle plus maternel, plus nourricier, mais de moindre importance du point de vue de la citoyenneté. Par cette vocation de gouvernement universel, la patrie de citoyenneté est plus grande est contient donc les autres patries locales. On peut y voir l'influence de la notion de majesté du peuple romain développée dans les relations entre Rome et les autres peuples depuis le IIIe siècle. Dans la majorité des traités passés avec d'autres cités, Rome exigeait la soumission politique de l'autre partie au nom de cette majesté du peuple romain. [...]
[...] A moins que pour le sage Caton, sa patrie ne fût pas Rome mais Tusculum ! Dans le pro Sulla, Caton sert d'exemple pour démontrer que les Romains des municipes étaient des citoyens à part entière, de valeur égale aux Romains nés dans la cité. Dans d'autres passages du De Legibus, Cicéron présente de plus Caton comme un Italien natif de Tusculum et accueilli par Rome, tout en restant attaché à sa patrie d'origine. Il crée l'image d'un homme amoureux de la nature et de son municipe, en se fondant sur le fort intérêt de Caton pour l'agriculture, comme en témoigne par exemple le traité qu'il a laissé sur l'agriculture (De Agricultura). [...]
[...] Le mot patrie fait ainsi référence à la famille, à la terre natale. L'allusion à l son frère Quintus renforce cette dimension familiale. La notion d'héritage, ancré dans la région d'origine et transmis par la famille et les ancêtres, entre ainsi en compte dans cet attachement, ce qui est mentionné l : nous avons ici nos dieu, notre famille, de nombreux souvenirs de nos ancêtres Cicéron semble entretenir un lien particulier à la maison de son père, par exemple, ce qu'il explique essentiellement par le fait qu'il y soit né : c'est là, apprends-le, que je suis né (l. [...]
[...] Ainsi, les citoyens des municipes, même s'ils ne sont pas nés à Rome, servent la cité aussi bien que les citoyens romains. On peut donc également voir dans cette déclaration de loyauté une façon pour l'orateur de valoriser les municipes. Une demande de reconnaissance des municipes Cicéron veut également montrer, à travers ce texte, que les citoyens des municipes sont égaux à ceux qui sont nés à Rome. En effet, ces derniers considèrent toujours les citoyens nés hors de Rome comme des étrangers à la cité, malgré l'extension de la citoyenneté. [...]
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