Ici, nous avons à faire à l'épisode de la vie de Cicéron juste avant son exil, lors du tribunat de Clodius en 58. Ce dernier s'acharne sur Cicéron avec le plein soutien du triumvirat, et plonge ainsi Rome dans une lutte entre factions rivales. Nous verrons donc comment Plutarque établit une figure idéale de Cicéron, sous les traits du sauveur de la patrie, qui est attaqué par des personnages factieux, à travers tout d'abord les ennemis de Cicéron, puis la figure du Père de la Patrie?
[...] Il s'agit plus certainement d'agir sur l'opinion des citoyens, en montrant le bouleversement qu'entraîne la loi de Clodius, à savoir une élite qui se dégrade volontairement. Et on peut donc penser que cette manifestation du deuil a pour but d'influencer les citoyens, dans le domaine de l'émotion. Mais la manifestation du deuil s'inscrit également dans une signification plus concrète. Plutarque montre donc dans le texte que ce n'est pas seulement Cicéron qui prend le deuil, mais aussi les citoyens les plus honorables. C'est un moyen de marquer que cette loi n'affecte pas seulement Cicéron, mais toute la Cité. [...]
[...] Les raisons du témoignage de Cicéron que personne n'obligeait à faire, restent quelque peu obscures. Plutarque semble faire référence à l'influence de Terentia, la femme de Cicéron : L19 : "rejetant sur Terentia la principale responsabilité" Une certaine tradition veut que Terentia était jalouse de Clodia, l'une des sœurs de Clodius, persuadée que Clodia voulait épouser Cicéron. Cependant le fait que Clodia était encore à l'époque mariée à Q Métellus Celer rend assez caduque cette vision des choses. Il est plus probable que les troubles provoqués par Clodius en politisant l'affaire aient convaincu Cicéron de mettre fin à cette agitation. [...]
[...] Les ennemis de Cicéron Nous allons donc voir le tableau que Plutarque donne de la politique romaine, tableau dominé par la lutte de factions. En premier lieu, il convient de s'attarder sur la haine que porte Clodius à Cicéron, et de ses raisons, ce qui est sous entendu par la première phrase : L1 : "Clodius ayant échappé au péril, fut élu tribun du peuple." Le péril dont parle Plutarque se réfère à une affaire survenue au mois de décembre 62 lors des Damia, c'est-à-dire les fêtes célébrées par les femmes en l'honneur de la Bonne Déesse. [...]
[...] Les erreurs de chronologie du texte de Plutarque poursuivent certainement ce but. Ainsi il prétend que Clodius, L2 : "s'acharna aussitôt sur Cicéron" dès son entrée en charge. Cela est faux, car on sait que jusqu'au mois de mars 58, Cicéron a bénéficié de la protection d'un autre tribun, N Ninnius Quadratus. Cette période de relative entente au début du tribunat de Clodius entre les deux adversaires est d'ailleurs énoncée, lorsque Plutarque parle des relations entre César et Cicéron : L17 : "Clodius, voyant échapper Cicéron à sa puissance tribunitienne, feignit d'être disposé à la conciliation" Il y a donc une incohérence majeure dans le déroulement des évènements dans le texte de Plutarque. [...]
[...] La raison même du soutien de César à Clodius réside dans l'écartement de Cicéron de la scène politique, qui est manifeste lors de la contio au Cirque Flaminien : L26 : "César, exaspéré de ce revirement, encouragea Clodius contre Cicéron et lui aliéna totalement Pompée, tandis qu'il attestait lui même devant le peuple" Il semblerait donc étrange qu'une fois Clodius tribun, César cherche à soustraire Cicéron des attaques de son agent. La structure du texte de Plutarque ne suit donc pas un déroulement chronologique précis. [...]
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